Mise à jour : contrairement à ce qu’indiquait dans un premier temps PC Inpact, le Conseil d’Etat n’a pas encore remis son avis définitif. Le document porté à leur connaissance émane du rapporteur du Conseil, chargé de rédiger l’avis définitif, ce qui permet toutefois de croire que les conclusions seront très proches.

Le Conseil d’Etat a rendu mardi après-midi son avis sur le projet de loi « Création et Internet » présenté par Christine Albanel. Sans s’opposer sur le fond à la riposte graduée, l’institution administrative a revu certaines dispositions clés et carrément censuré le dispositif qui devait permettre à la Haute Autorité d’ordonner aux FAI des mesures de filtrage.

Selon notre confrère PC Inpact qui révèle la teneur de la décision, le Conseil d’Etat aurait corrigé le texte du projet de loi Hadopi pour permettre à la Commission de protection des droits de prononcer une sanction personnalisée en fonction de la gravité des manquements à l’obligation de sécurisation des accès à Internet par les abonnés, et non plus automatique en fonction du nombre de récidive.

La Commission devra ainsi motiver au cas par cas son choix entre plusieurs types de sanctions, et le notifier par lettre recommandée envoyée à l’abonné :

  • Une suspension d’accès pour une durée maximale d’un an ;
  • Une amende pécuniaire d’un montant maximum de 5000 euros ;
  • La possibilité d’enjoindre l’abonné à prendre des mesures pour prévenir les manquements répétés et à en rendre compte à l’Hadopi, le cas échéant sous astreinte.

L’ajout de la possibilité d’ordonner une amende pécuniaire risque de faire beaucoup de mal au gouvernement, qui a pris coeur de présenter son projet de loi sous l’angle de la prévention, de la pédagogie, et non de la sanction. Cette personnalisation obligatoire des sanctions va aussi considérablement alourdir les procédures et donc les frais de fonctionnement de la commission, ce qui aura pour effet de réduire à la fois le nombre de dossiers qu’elle pourra traiter annuellement, et donc l’efficacité économique du projet de loi.

Par ailleurs, l’Hadopi devra publier « une liste de moyens de sécurisations présumés efficaces pour prévenir les manquements« . Dans l’esprit du Conseil d’Etat, la première sanction devra être un rappel à la loi et la communication de cette liste établie en collaboration avec les FAI. Ce qui promet quelques débats sur la notion d’efficacité des moyens de sécurisations. Quelle sera la responsabilité des FAI si les filtres ne sont pas efficaces ? Peut-on constitutionnellement imposer chez les abonnés la mise en place de filtres qui seraient « trop » efficaces, c’est-à-dire qui bloqueraient des contenus y compris légaux ? Enfin, comment un abonné qui exerce son droit de recours devant la juridiction administrative pourra prouver qu’au moment de l’infraction présumé, l’outil de filtrage fourni par son FAI était bien activé ? Le flou reste total sur ces points pourtant cruciaux dans l’application juste de la loi.

Enfin, dernier point important, le Conseil d’Etat rejette la disposition qui devait permettre à l’Hadopi d’ordonner aux FAI ou aux intermédiaires techniques de mettre en place des mesures de filtrage sur leurs services. Ce pouvoir qui limite l’exercice des libertés doit rester le monopole de l’institution judiciaire.

Le gouvernement se retrouve donc face à un projet de loi rejeté par le Parlement européen, par le régulateur des télécoms, par la CNIL, par des députés, implicitement par certains membres du gouvernement, et désormais en partie par le Conseil d’Etat.

Il ne manquerait plus que le Conseil Constitutionnel s’en mêle et le gouvernement acceptera peut-être enfin de retirer son texte. Il faut dire qu’à ce moment-là, il n’en aura plus vraiment le choix.


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