Techniquement, il ne perd pas les droits. Il ne les a jamais eus. Mardi, la justice de Los Angeles a reconnu que la chanson Happy Birthday pour laquelle Warner Music continuait de percevoir des droits très importants chaque année était dans le domaine public depuis près d'un siècle.

Il y a 122 ans, en 1893, les soeurs Patty Smith Hill et Mildred J. Hill écrivaient ensemble une chanson pour le jardin d'enfants, intitulée "Good Morning To All", dont l'air deviendra mondialement connu comme étant celui de la chanson Happy Birthday to You. Mais il aura fallu attendre cette fin du mois de septembre 2015 pour qu'un tribunal américain reconnaisse que même le texte de la chanson d'anniversaire, dont l'auteur est incertain, était tombé depuis longtemps dans le domaine public. Et donc, que c'est sans aucune légitimité que le label Warner / Chappell recevait chaque année environ 2 millions de dollars de droits.

Warner Music affirmait détenir les droits de la chanson Happy Birthday jusqu'en 2030, sous l'effet de rachats successifs d'éditeurs et de maisons de disques, et grâce à (ou plutôt à cause de) la prolongation des droits qui mine régulièrement le domaine public.

Le label facturait chaque exploitation de la chanson depuis son rachat de Birch Tree Group en 1988, en s'appuyant sur un enregistrement de copyright effectué en 1935, à une époque où le droit américain exigeait encore des auteurs qu'ils déposent les oeuvres pour lesquelles ils voulaient protection. Selon Warner / Chappell lui-même, certaines exploitations de la chanson pouvaient être facturées plus de 100 000 dollars, tandis que la simple utilisation de quelques secondes de la chanson dans une scène d'anniversaire dans un film pouvait être facturée quelques milliers de dollars — ce qui avait poussé à la création d'une chanson alternative libre de droits en 2013.

VERS UN REMBOURSEMENT DES DROITS ?

Un documentariste, à qui Warner / Chappell avait facturé des royalties pour l'exploitation de la chanson dans un documentaire qui en retraçait l'historique, avait décidé d'attaquer la maison de disques en justice pour contester la validité du droit revendiqué, et démontrer une forme d'arnaque au droit d'auteur. "Des preuves documentées irréfutables, dont certaines datent de 1893, montrent que le copyright de Happy Birthday To You, si tant est qu'il y ait eu un jour un copyright valide sur une partie quelconque de la chanson, a expiré pas plus tard qu'en 1921", avait expliqué le producteur Good Morning to You Productions. "Si Warner/Chappel détient des droits quelconques sur Happy Birthday To You, ces droits sont limités au droit extrêmement restreint de reproduire et distribuer les arrangements piano spécifiques pour la chanson éditée en 1935".

C'est ce que vient de reconnaître le tribunal fédéral de Los Angeles,  dans une décision qui pourrait coûter très cher à Warner. Le label pourrait en effet devoir rembourser ceux qui lui ont payé à tort des droits, sur la base d'un mensonge.

En France, la mélodie de "Joyeux Anniversaire" est également dans le domaine public, mais peut-être pas les paroles dont l'adaptation est toujours couverte. Selon un historien, l'adaptation française aurait été écrite en 1951. Même à supposer que l'auteur soit mort la même année, il reste donc encore au moins six ans de droits exclusifs à payer à l'auteur ou à ses héritiers. A moins que la justice ne reconnaisse que l'adaptation ne démontre aucune originalité, et n'est donc pas éligible à la protection du droit d'auteur.


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