Dans son dernier numéro, Sciences & Vie tente de démontrer "comment Internet favorise le terrorisme", en identifiant trois maux : les réseaux sociaux, le "dark web" sur Tor et les monnaies électroniques comme le Bitcoin.

Est-ce une réalité ou un fantasme ? Pour le magazine Sciences & Vie qui en fait le pied de la couverture de son numéro de mars 2015, il n'y a pas de doute : "Internet favorise le terrorisme". La revue de vulgarisation scientifique dédie 8 pages de ce dernier numéro à l'utilisation d'Internet par les réseaux djihadistes, en écrivant qu'Internet est "triplement dangereux".

"C'est triplement qu'Internet profite aux terroristes", écrit le magazine, qui détaille ces trois dangers. "A travers les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter, mais aussi via le "Dark Net", cette partie cachée d'Internet qui échappe aux moteurs de recherche et, dernier maillon de cette cyberchaîne, par l'usages de monnaies virtuelles telles que le bitcoin". Sur ce dernier point, on rappellera pourtant que les liens démontrés entre Bitcoin et terrorisme restent faibles, même si l'utilisation du Bitcoin pour des activités criminelles est réelle.

Magazine scientifique oblige, Sciences & Vie se base en partie sur des travaux de chercheurs pour tenter de démontrer qu'Internet favorise le terrorisme. Ainsi évoque-t-il une étude du Dr. Hsinchun Chen basée sur la surveillance d'un "forum animé par des djihadistes", entre avril 2002 et avril 2010, avec plus d'un million de posts étudiés. "Résultat", résume S&V, "un utilisateur, initialement passif, présent en ligne pendant un mois, a environ 5 chances sur 10 000 de devenir lui-même promoteur du Djihad". Une probabilité donc extrêmement faible, de 0,05 %, alors-même qu'il s'agissait de l'examen d'un forum spécialisé.

Bien sûr, il ne s'agit pas de nier qu'Internet puisse faciliter la communication des terroristes, voire même accélérer la radicalisation de certains. Nous en avons parlé. Mais exagérer l'importance d'Internet dans le phénomène terroriste revient à jeter un voile sur ce qui favorise largement plus la radicalisation d'individus en perte de repères, et qu'il est bien plus difficile d'affronter. C'est avant tout le mal-être social, la prison, le manque d'intégration, l'intolérance, l'injustice réelle ou ressentie, l'incompréhension croissante de certaines politiques internationales, la crise économique, ou encore la perte de confiance dans les institutions démocratiques, qui favorisent le terrorisme.

C'était le cas il y a 20 ans avec Khaled Kelkal, ça reste le cas aujourd'hui avec des Mohammed Merah, Amedy Coulibaly ou frères Kouachi. Internet ne favorise pas davantage le terrorisme que la télévision, la littérature, l'argent liquide, les magasins de bricolage ou les transports publics. Il n'est qu'un lieu d'expression et d'organisation visible. La lutte contre le terrorisme passera avant tout par un diagnostic sincère et des réponses crédibles apportées aux causes-mêmes du terrorisme, et à ce qui hélas le rend "séduisant" auprès d'une partie très minoritaire de la population.

En tant que magazine scientifique, Sciences & Vie devrait savoir mieux que quiconque que l'on ne soigne pas une maladie en s'intéressant aux symptômes, mais en s'attaquant à ses causes. Le grand thème central du numéro de mars ? "Vaccin contre le cancer".

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