Le droit d'auteur et la liberté d'informer ne font pas toujours bon ménage. Pris entre les feux, YouTube doit choisir entre les droits d'un producteur de film niant la réalité du SIDA, ou ceux d'un scientifique qui reproduit sans autorisation des passages entiers du film pour les démonter.

En 2009, le réalisateur et producteur Breut Leug avait réalisé le film The House Of Numbers, dans lequel étaient détaillées des thèses niant l'existence du SIDA, ou plutôt niant l'existence du VIH en tant que virus pouvant provoquer le syndrome d'immunodéficience acquise.

"Ces dissidents affirment que l'approche officielle du sida, qui considère comme acquise sa causalité rétrovirale, a eu pour conséquence des diagnostics erronés, l'apparition d'une terreur psychologique et d'une certaine forme de racisme, l'utilisation de traitements toxiques et le gaspillage de fonds publics", rapporte Wikipedia. "Ces opinions sont largement rejetées et sont considérées comme de la pseudo-science par la plupart des membres de la communauté scientifique", ajoute l'encyclopédie collaborative.

Parmi les opposants à ces thèses négationnistes figure le jeune scientifique britannique Myles Power, qui a réalisé sur YouTube une série de vidéos de démontage en règle du film The House Of Numbers, en cinq parties. Sa chaîne YouTube compte plus de 23 000 abonnés.

Mais à la demande des producteurs et d'un auteur du documentaire, YouTube a menacé Myles Power de fermer son compte. Les ayants-droits reprochent au scientifique d'avoir reproduit sans autorisation des extraits du documentaire, ce qu'il a fait pour pouvoir les démonter. Au moins cinq plaintes sont arrivées sur le bureau de YouTube, qui a fait savoir à Power que "des violations répétées du droit d'auteur résulteront dans la suppression de votre compte et de toutes les vidéos que vous avez uploadées".

"Merci de supprimer toutes les vidéos pour lesquelles vous n'avez pas les droits nécessaires, et abstenez-vous de supprimer des vidéos violant le droit d'auteur", ajoutait la missive.

Comme le veut ses procédures, YouTube permet à un uploader de vidéos accusé de violation de droits d'auteurs de procéder à une contestation des accusations de contrefaçon. Mais il appartient à la filiale de Google d'interpréter le droit, en particulier au regard du Fair Use, ou "Usage Loyal" selon la traduction de YouTube. 

"L'emprunt de petites parties d'une œuvre originale est plus susceptible d'être considérée comme un usage loyal que l'emprunt de sections plus longues. Cependant, même l'utilisation d'une petite partie peut être considérée comme déloyale dans certaines situations si elle constitue le "cœur" de l'œuvre.", prévient le site. Par ailleurs, "toute utilisation qui nuit à la capacité du titulaire des droits d'auteur de tirer profit de son œuvre originale est moins susceptible d'être considérée comme de l'usage loyal".

Or sa responsabilité pénale l'invite à ce que le doute éventuel profite à l'ayant-droit.

En l'espèce, il semble que les vidéos ont été désactivées temporairement par YouTube, mais remises en ligne, ce qui pourrait indiquer une décision en faveur du scientifique. Mais "nous ne pouvons pas encore nous réjouir puisque même si ma chaîne a été épargnée cette semaine, nous sommes loin d'être en sécurité", prévient Myles Power sur Facebook.

L'action menée par les créateurs de The House Of Numbers aura en tout cas le mérite de faire connaître les oppositions aux thèses qui y sont développées, et à renforcer Myles Power, avec des soutiens spontanés :

 

 


Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.