Saviez-vous que des organismes représentant des groupes d'intérêts privés peuvent former des magistrats professionnels aux questions qui les concernent directement ? C'est notamment le cas de la Sacem, qui forme chez elle des magistrats destinés à juger des questions de gestion collective des droits d'auteur.

Il s'agit d'un fait peu connu du grand public, mais la Sacem peine à rémunérer les auteurs dont les oeuvres musicales sont diffusées de façon plus confidentielle que celles des stars, car l'essentiel de la rémunération est réalisée sur la base de sondages. Plus une oeuvre est diffusée en radio ou en discothèques, plus elle a de chances d'apparaître dans un échantillon statistique, et donc de rémunérer son créateur. A l'inverse, moins l'auteur est diffusé, moins ses chances d'être rémunéré pour ses quelques diffusions sont grandes. L'effet pervers accentue très fortement l'écart de rémunération entre "grands" et "petits" auteurs, pour le plus grand bonheur des premiers.

Régulièrement, la Sacem est accusée par des auteurs-compositeurs de ne pas vouloir faire évoluer ses pratiques pour rémunérer au plus près du réel, et de ne pas ou très peu rémunérer des exploitations hors-sondages (mise à jour : la Sacem nous assurer rémunérer à 80 % sur une base "œuvres par œuvres" et 11 % sur sondages). C'est pour tenter de casser ce système que l'éditeur APELA Editions et l'auteur d'une chanson intitulée "FEEL" avaient porté plainte contre la Sacem en 2006, pour obtenir qu'elle paye à chacun d'entre eux plus de 100 000 euros de droits non reversés.

L'affaire elle-même, détaillée sur le site Auteurs-Compositeurs.fr (exclusivement dédié à ce cas), est d'une grande complexité. En première instance, le tribunal de grande instance d'Avignon avait partiellement donné raison aux demandeurs dans un jugement du 1er septembre 2009 (.pdf), en condamnant la Sacem à verser quelques milliers d'euros d'arriérés au titre de la diffusion radio, mais en refusant les prétentions pour les diffusions en discothèque. En appel, le 18 avril 2013 (.pdf), la cour de Nîmes a débouté les plaignants de toutes leurs demandes, et les condamne même à indemniser la Sacem en lui versant 6 000 euros.

4 jours de formation en 2014

Or, selon Auteurs-Compositeurs.fr qui détaille un grand nombre d'erreurs qui entacheraient selon lui l'arrêt de la Cour d'appel, "un ou des Magistrat(s) qui ont traité cette affaire ont suivi cette formation à et par la SACEM pendant la procédure". Un véritable conflit d'intérêts, s'il est avéré.

Vérifications faites, il apparaît que dans le cadre de la formation continue offerte aux juges, l'Ecole Nationale de la Magistrature propose régulièrement des formations Sacem. La prochaine aura lieu pendant 4 jours du 16 au 20 juin 2014, avec encore 20 places proposées aux magistrats de toutes catégories. Selon le descriptif de la formation, "après une présentation générale de la SACEM, les magistrats aborderont, par la visite de ses différents services (juridique, culturel, musicaux, droits phonographiques et vidéographiques, droits généraux), le rôle et l’analyse des missions de cet organisme, la répartition des droits et le soutien des auteurs, à l’occasion de la préparation de la fête de la musique". Or parmi les reproches faits à la Cour d'appel de Nîmes figurent notamment des erreurs alléguées d'interprétation des méthodes de répartition des droits.

"Nous avons tenté d'obtenir la liste des attestations de présence des Magistrats formés ou endoctrinés à et par la SACEM auprès du Secrétariat du Ministère de la Justice de Madame la Ministre Taubira. Nous nous sommes ''gentiment'' fait refouler par le Cabinet de la Ministre", raconte Auteurs-Compositeurs.fr, qui ne dit pas comment il a eu connaissance du fait qu'au moins un magistrat de son affaire aurait suivi cette formation.


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