Pour avoir proposé pendant trois ans des forfaits mobiles avec des appels illimités uniquement vers les numéros de leur propre réseau, SFR et Orange ont été condamnés par l'Autorité de la concurrence à payer un total de 183,1 millions d'euros. L'Autorité estime que cette pratique a dégradé la fluidité du marché et injustement pénalisé le développement de Bouygues Télécom.

L'Autorité de la concurrence a publié jeudi sa décision (.pdf) dans l'affaires des forfaits proposés entre 2005 et 2008 par Orange et SFR, qui permettaient aux abonnés d'appeler en illimité, uniquement au sein de leurs réseaux respectifs. Jugeant qu'il s'agissait d'une pratique anticoncurrentielle, l'Autorité a décidé de condamner les deux opérateurs à payer une amende totale de 183,1 millions d'euros. 117,4 millions d'euros pour Orange, dont l'amende a été majorée de 50 % en raison de son pedigree (6 infractions similaires depuis 15 ans), et 65,7 millions pour SFR.

Ont été visés notamment les forfaits Orange Classique, Orange Intense et Orange, qui permettaient d'appeler gratuitement trois numéros Orange de façon illimitée, ou les gammes SFR Essentiel et SFR Evolution Pro, qui fonctionnaient sur le même principe, vers les numéros SFR. Il s'agissait, rappelle la décision, de types d'offres imposées par les deux opérateurs entre 2005 et 2008, pour les nouveaux abonnés ou ceux qui souhaitaient renouveler leurs offres, et ont représenté jusqu'à 40 % du chiffre d'affaires d'Orange. 

"En commercialisant ces offres, Orange et SFR ont mis en œuvre des pratiques de différenciation tarifaire excessive entre les appels « on net » (passés sur leur propre réseau) et les appels « off net » (à destination d'un réseau concurrent) et ainsi abusé de la position dominante que chacun d'eux détient sur les marchés de leur terminaison d'appel respective", résume l'Autorité de la concurrence dans un communiqué.

"Attractives de prime abord pour les consommateurs, ces offres ont entravé la dynamique du marché en verrouillant les abonnés et en fragilisant Bouygues Télécom, le plus susceptible  d'animer le marché en tant que dernier entrant à l'époque des faits", rappelle-t-elle. En 2005, lorsque les forfaits illimités "on net" ont été lancés, Orange et SFR totalisaient ensemble 83 % du marché grand public de la téléphonie mobile.

Un "effet tribu" qui aurait pu "évincer Bouygues Télécom du marché"

Dans sa décision, l'Autorité de la concurrence constate que SFR et Orange n'ont pas démontré que la différenciation de traitement tarifaire entre les appels émis vers leur propre réseau ou vers les réseaux concurrents était "objectivement justifiée", ou qu'elle serait "indispensable à la réalisation de gains d'efficience l'emportant sur ses effets anticoncurrentiels".

Pour l'Autorité, ces offres ont amplifié "l'effet tribu" en créant artificiellement le besoin de convaincre ses amis ou sa famille de choisir le même opérateur que soi, et ont créé la nécessité de rester abonné chez l'opérateur choisi. Orange et SFR ont ainsi pu "dégrader la fluidité du marché de détail, en rendant plus difficile la migration des clients vers un autre opérateur en place", alors qu'avec seulement 17 % du marché, Bouygues n'avait pas la puissance nécessaire pour proposer le même type d'offres. Il a donc dû proposer de l'illimité vers tous les opérateurs, et supporter des coûts d'interconnexion beaucoup plus importants que ses concurrents.

"Il existait un risque important que Bouygues Télécom soit évincé du marché", constate l'Autorité de la concurrence.

L'amende de 183,1 millions d'euros aurait pu être plus élevée, mais l'Autorité a décidé de retenir en circonstance atténuante la fin progressive du régime dit du "bill and keep", qui jusqu'en 2004 permettait aux opérateurs mobiles d'appeler vers un autre opérateur mobile sans reverser à ce dernier une part du prix de la communication facturée au consommateur.


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