Le ministère de la Culture assure que les avertissements envoyés par e-mail par l’Hadopi « ne font pas grief », c’est-à-dire qu’ils n’ouvrent pas de possibilité de recours devant la juridiction administrative. Avec 10 000 envois de courriels par jour programmés en 2011, on comprend que le gouvernement espère éviter que les avertissements soient attaqués…

Au mois d’octobre 2010, le député UMP Bruno Bourg-Broc avait interpelé le ministère de la Culture, pour lui demander comment les abonnés à Internet avertis par l’Hadopi pourront avoir connaissance du courriel envoyé par la Haute Autorité, alors que souvent les internautes ne consultent pas la boîte aux lettres de leur fournisseur d’accès, mais une autre boîte (Gmail, Hotmail, Yahoo, etc.).

Dans sa réponse publiée mardi au Journal Officiel, le ministère de la Culture répond à raison que les décrets d’application de la loi Hadopi prévoient que « les fournisseurs d’accès à Internet doivent communiquer toutes les adresses électroniques qu’ils possèdent pour un même abonné« , puisque que « lors de la souscription d’un abonnement Internet, certains fournisseurs d’accès à Internet proposent aux internautes de renseigner une adresse électronique personnelle en plus de l’adresse qui leur est automatiquement mise à disposition« . Selon le projet de protocole d’accord que nous avions révélé, les FAI peuvent transmettre jusqu’à 3 adresses e-mail à l’Hadopi pour chaque abonné.

Cependant, le gouvernement ne voit pas de problème de fond au fait de ne pas lire ou même recevoir le courriel. « Pour mémoire, la première recommandation adressée sur le fondement de l’article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle constitue un simple rappel à la loi qui ne fait pas grief à l’abonné« , assure le ministère dans sa réponse. Autrement dit, le premier courrier envoyé par l’Hadopi ne produirait par lui-même aucun effet juridique, ce qui a une conséquence très importante. Faute d’effet juridique, un acte administratif ne peut pas être attaqué et annulé devant les tribunaux.

Or cette interprétation est au minimum très contestable. En effet le ministère reconnaît lui-même que l’envoi du premier avertissement « n’emporte d’autre conséquence que de prévenir l’abonné qu’un manquement est constaté et d’ouvrir le délai de six mois au cours duquel la constatation de la réitération du manquement à l’obligation de surveillance peut donner lieu à l’envoi d’une seconde recommandation« . Comme nous l’avions vu au moment où Free avait refusé d’envoyer les premiers mails à ses abonnés, l’envoi d’un courrier recommandé est suspendu à une récidive constatée « dans un délai de six mois à compter de l’envoi de la recommandation« . Si la première recommandation est annulée, les éventuels nouveaux avertissements envoyés dans les 6 mois doivent être annulés également. Ce qui montre bien, contrairement à ce que prétend le ministère de la Culture, que les avertissements font grief. Et qu’ils peuvent donc faire l’objet de recours devant la juridiction administrative.


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