Derrière les gros titres, la réalité est moins spectaculaire. Le « leak historique » annoncé le 19 juin 2025 n’est pas une nouvelle brèche. C’est en réalité du réchauffé.
Tout est parti d’une publication de Cybernews, un site spécialisé, annonçant jeudi en fin de journée l’exposition de ces données, qui ouvriraient un accès à des comptes Facebook, Google ou encore Apple.
Ce chiffre astronomique de 16 milliards d’identifiants et mots de passe fuités résulte en fait de la somme de plusieurs bases de données piratées au fil des années et rassemblées en une seule. On y trouve des données volées depuis plus de dix ans, et même des doublons. « Cet ensemble de données serait constitué d’une agglomération de différentes fuites de données passées. Cela signifie qu’il ne s’agit pas d’une fuite de données nouvelle », a indiqué la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) le 20 juin.
Une pratique courante, selon Dr. Martin J. Kraemer, chercheur en cybersécurité chez KnowBe4 : « On retrouve souvent sur le dark web des bases de données déjà fuitées. Les hackers tentent de revendre des données qui ont moins de valeur. »
Mais alors, dans cette affaire, est-ce que tout est à jeter ? Pas si vite.

Une menace toutefois réelle


Interrogé par Numerama, Benoît Grünemwald, expert en cybersécurité chez ESET, confirme : « Ce n’est pas une fuite, c’est un agrégat de différentes fuites antérieures. » Selon lui, l’emballement médiatique n’a pas eu que des mauvais effets : « Le grand public peut se dire ‘Wow, grosse fuite de données’, et changer ses mots de passe. Finalement, l’objectif est atteint, pas de la bonne manière, mais il l’est. »
Car si l’annonce d’une nouvelle brèche s’est révélée fausse, la menace reste réelle. La plupart des données collectées dans cette immense base proviennent de logiciels malveillants, appelés infostealers.
Ces malwares ont explosé ces dernières années, facilitant le vol massif de données personnelles. La France est d’ailleurs l’un des pays les plus touchés par ce type de logiciel malveillant. « Ce n’est pas un sujet à prendre à la légère, surtout quand on voit que la France était en deuxième position pour le nombre de personnes infectées par certains stealers », rappelle Benoît Grünemwald.
Ces programmes, une fois installés sur un ordinateur, aspirent tous les identifiants stockés dans les navigateurs ou applications, puis les transmettent à des cybercriminels. Ces derniers organisent puis diffusent ou revendent ces données sensibles sur des forums du dark web.
L’effet d’annonce : entre sensibilisation et fatigue
Pour les professionnels, ce type d’alerte massive pose un vrai problème : la lassitude. Selon Benoît Grünemwald : « Trop d’alertes tuent l’alerte. C’est comme crier au loup alors qu’il n’y a pas de loup. » À force de multiplier les annonces anxiogènes, on finit par désensibiliser le public, qui ne sait plus quand il doit vraiment s’inquiéter.
Une façon simple de filtrer une actualité cyber ? Comme dans beaucoup de domaines, se méfier des annonces alarmistes. « Quand on met tous les mots-clés, GAFA, intelligence artificielle, etc., c’est gagnant pour la visibilité, perdant pour la sensibilisation réelle. (…) On est dans le marketing de la peur, et ça ne fonctionne pas. On va se retrouver avec des comportements disproportionnés par rapport à la réalité. »
L’essentiel n’est donc pas tant l’alerte elle-même que les conseils associés. « Nous sommes à un moment charnière », nous explique Dr. Kraemer. « Tout le monde devrait s’asseoir et prendre un moment pour faire un point sur son hygiène numérique. (…) On ne devrait pas attendre ce genre d’alertes pour réaliser cela. »
Mais du coup, que faire ?
Tout d’abord, ne pas céder à la panique. Certaines données datent de plus de dix ans. Si vous changez régulièrement vos mots de passe, ces informations sont certainement obsolètes pour vous. Mais si vous réutilisez les mêmes mots de passe partout, vous restez vulnérable, quelle que soit la date (ou la véracité) de la fuite.
Pour Dr. Kraemer, l’utilisation d’un gestionnaire de mots de passe est aujourd’hui essentiel « On retrouve encore trop souvent des mots de passe très basiques lors de fuites de données. (…) Les gestionnaires de mots de passe permettent une veille constante pour s’assurer que vos identifiants ne se trouvent pas sur le dark web. »
Benoit Grünemwald rappelle qu’il ne sert à rien de tout changer « par réflexe » : « Ne changez votre mot de passe que si vous êtes concerné. Il existe même des outils gratuits pour vérifier si votre login ou mot de passe a fuité, comme Have I Been Pwned. (…) Pour résumer, utilisez un gestionnaire de mots de passe, privilégiez des mots de passe uniques et complexes, et activez l’authentification à deux facteurs partout où c’est possible. »
Au final, cette affaire est surtout une occasion supplémentaire de rappeler les bonnes pratiques. C’est d’ailleurs ce qu’a fait la CNIL dans sa publication ce 20 juin. « Concrètement, l’existence d’une base aussi massive d’identifiants ne change pas la nature des risques cyber auxquels sont déjà exposés tous les utilisateurs de services en ligne. Elle peut toutefois les accentuer. » D’où l’intérêt de limiter les risques.
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