102 mois. C’est la durée bien longue que Christina Chapman passera derrière les barreaux. Cette habitante de l’Arizona ne s’attendait sans doute à aucune clémence au moment de la délibération du 24 juillet, alors qu’elle avait plaidé coupable en février face aux preuves accablantes.
Deux ans plus tôt, lors d’une perquisition à son domicile, les autorités avaient découvert plus de 90 ordinateurs portables disséminés entre sa chambre et son salon. Tous les appareils étaient alors reliés à un vaste réseau d’informaticiens (« IT workers ») nord-coréens.

Ces techniciens, basés à Pyongyang ou dans des pays voisins de la Corée du Nord, cherchent depuis plusieurs années à infiltrer des entreprises américaines. Leur but ? Être recrutés incognito en télétravail pour détourner les salaires et financer les programmes d’armement du régime de Kim Jong-un.
Dans cette affaire, Mme Chapman est condamnée pour avoir été l’hébergeuse d’une de ces « fermes coréennes à PC portables » et pour en avoir été la logisticienne. Blanchiment d’argent, gestion de fausses identités, paie… depuis l’Arizona, cette femme de 50 ans a orchestré toute la chaîne logistique pour permettre à Pyongyang d’exploiter les failles du télétravail et alimenter ses projets illégaux.


Plus de 300 entreprises infiltrées
Les chiffres énumérés par les autorités américaines donnent le tournis. De 2020 à 2023, Christina Chapman est accusée d’avoir permis à ces agents nord-coréens de décrocher des emplois dans plus de 300 entreprises américaines. Parmi elles, des groupes du Fortune 500, d’importants réseaux audiovisuels et des firmes de la Silicon Valley.
Pour réaliser ce coup de maître en matière de ressources humaines, plus de 68 identités ont été usurpées. En sa qualité de complice, l’intéressée recevait à domicile les ordinateurs prêtés par les employeurs, puis les connectait au réseau de développeurs nord-coréens basés à des dizaines de milliers de kilomètres de l’État américain.
Force de proposition, son rôle s’est rapidement développé : Mme Chapman aurait expédié près de cinquante ordinateurs vers des villes chinoises frontalières de la Corée du Nord.

Multitâche et rigoureuse, elle assurait également la gestion des paies. Christina Chapman collectait les salaires, puis expédiait ces fonds à des intermédiaires outre-Atlantique pour qu’ils finissent au bout du compte dans les caisses nord-coréennes.
La ferme localisée à son domicile aurait ainsi généré plus de 17 millions de dollars de revenus pour le régime de Kim Jong-un.
Une complice parmi tant d’autres ?
En plus de sa peine de prison, Christina Chapman a été prélevée de 300 000 dollars provenant de son activité illégale. Elle devra par ailleurs payer une amende de plus de 175 000 dollars et sera placée sous surveillance pendant trois ans à sa sortie.
Dans le communiqué annonçant ces sanctions, la justice américaine rappelle l’ampleur de la menace : ces fermes constituent une branche active du financement du programme nucléaire de Pyongyang.
Outre le préjudice économique pour les sociétés visées, le ministère de la Justice s’inquiète de la vulnérabilité systémique que représente le télétravail et pointe les risques que pourraient représenter une infiltration ennemie dans des secteurs sensibles de l’économie du pays.
Une idée pour enrayer ce problème ? Les autorités américaines indiquent offrir jusqu’à 5 millions de dollars de récompense pour identifier d’autres complices de ces informaticiens nord-coréens.
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