Lorsque l’opérateur Sprint investit dans Tidal 200 millions de dollars, la nouvelle coupe court à toutes les rumeurs selon lesquelles Apple ou encore Samsung se pencheraient sur le rachat du service de streaming musical de Jay-Z.
Mais en plus, cette transaction valorise la société a 600 millions de dollars, puisque Sprint a déclaré se saisir de 33 % de Tidal. Rappelons que nous avons appris l’année passée que le service de streaming mentait sur son nombre d’abonnés, qui en réalité ne dépassait que fébrilement le million de personnes, et que ses dettes étaient aussi colossales que non maîtrisées.
Sprint achète du contenu et non des abonnés
Et pourtant, le rappeur-business man Jay-Z tient bon et prouve grâce à Sprint qu’il n’avait pas tout à fait tort de croire en son pari Tidal, bien que l’équation posée en 2015 lors du lancement du service a bien changé depuis. Loin d’avoir pu rattraper les géants du marché, Spotify ou même Apple Music, Tidal semble plutôt s’enfermer dans un rôle d’outsider avec un marché de niche sur lequel il a du mal capitaliser. Mais l’argument qui a visiblement séduit Sprint n’est pas tant le nombre dérisoire d’abonnés de Tidal mais bien la proximité réelle entre la société et l’industrie musicale américaine.
Selon les estimations de Billboard, Sprint aurait ainsi payé plus de 600 $ par abonné Tidal, alors que même Spotify, en 2015, ne faisait payer à ses investisseurs que 425 $ par abonné (une valeur de 8,5 milliards de dollars pour 20 millions de clients). L’alternative s’expose donc ainsi : soit Sprint a signé un des plus mauvais deal de son histoire, soit son objectif est ailleurs.
Et dès lors, il faut revenir au deal AT&T et Time Warner, dans lequel un autre opérateur américain s’emparait d’une activité de diffusion et de production artistique. Et pour AT&T, le signal envoyé à ses concurrents était une clarification de sa stratégie future : plutôt que de continuer de rester dans une compétition sur les qualités de communication, l’opérateur téléphonique s’imagine en portail vers du contenu exclusif.
Et à l’heure de Netflix et Spotify, que les internautes mobiles plébiscitent, la différenciation portée par Sprint pourrait alors se situer sur les fameuses exclusivités Tidal, ces albums de stars de la musique américaine qui sortent uniquement et seulement sur le service de streaming et qui ont été la seule stratégie de Jay-Z pour tenter de consolider une faible base d’utilisateurs.
Mais après l’affaire Endless/Blonde et Frank Ocean, les grandes majors, en particulier Universal qui détient Def Jam (l’ancien label du chanteur), sont de plus en plus sévères à l’égard de ces exclusivités, désormais combattues. Ironie de l’histoire : en 2013, SoftBank — le fond japonais qui détient Sprint — souhaitait racheter Universal Music à Vivendi pour 8,5 milliards de dollars. Aujourd’hui, avec Sprint, Softbank tente de retrouver des marges de manœuvres dans le secteur musical, mais la réussite de cette alliance semble déjà compromise par les difficultés de Tidal à sortir la tête de l’eau.
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