Est-ce la fin des Roomba ? Le fabricant d’aspirateurs robots iRobot a déposé une demande de mise en faillite le 14 décembre 2025 devant un tribunal du Delaware, aux États-Unis. L’entreprise va ainsi être reprise par son principal sous‑traitant chinois, PICEA Robotics, mettant fin à iRobot comme entreprise indépendante après 35 ans de bons et loyaux services. « L’annonce d’aujourd’hui marque une étape cruciale pour assurer l’avenir à long terme d’iRobot », a déclaré Gary Cohen, PDG d’iRobot.
iRobot est techniquement insolvable
La situation financière d’iRobot est devenue intenable après plusieurs années de baisse des ventes, de pertes continues et d’endettement croissant. Au 3e trimestre 2025, iRobot avait environ 481 millions de dollars d’actifs pour 508 millions de passifs, avec des capitaux propres déjà négatifs — un signe clair d’insolvabilité technique. En théorie, une entreprise dans cette situation peut survivre grâce à sa trésorerie… ce qui n’était plus le cas d’iRobot. Ses réserves de liquidités étaient presque épuisées, avec à peine 24,8 millions de dollars disponibles et un flux de trésorerie opérationnel négatif de 104 millions de dollars sur la période, après onze trimestres consécutifs de pertes.
Ces chiffres traduisent une réalité commerciale tout aussi préoccupante. Les ventes se sont effondrées : le chiffre d’affaires est passé d’environ 1,56 milliard de dollars en 2021 à près de 682 millions en 2024, soit une baisse d’environ 56 %. La tendance s’est poursuivie en 2025, avec par exemple seulement 127,6 millions de dollars au deuxième trimestre, en recul de plus de 20 % sur un an. Malgré des plans d’économies drastiques et des licenciements massifs ayant réduit les effectifs de plus de moitié entre 2023 et 2025, l’entreprise n’est jamais parvenue à renouer avec la rentabilité. Sur le marché, iRobot a vu son avance fondre face à des marques chinoises comme Ecovacs ou Roborock, qui ont largement investi le segment avec des aspirateurs robots souvent moins chers et très bien équipés. Si le fabricant reste leader sur certains marchés clés, comme les États-Unis et le Japon, il a dû réduire ses prix tout en continuant à investir lourdement dans la recherche et le développement, souligne Reuters.
Le fabricant encore miné par l’abandon d’Amazon
Bien que relativement bien positionnée aux États-Unis, l’entreprise a été fortement pénalisée par les nouvelles taxes douanières américaines, notamment une taxe de 46 % sur les importations en provenance du Vietnam, où iRobot fabrique des aspirateurs destinés au marché américain. Conséquence directe : ses coûts ont augmenté d’environ 23 millions de dollars en 2025.
L’Europe a également joué un rôle majeur dans la chute d’iRobot. En 2022, Amazon annonce un accord pour racheter le fabricant, alors valorisé à environ 1,7 milliard de dollars, soit 61 dollars par action. Quelques mois plus tard, dans l’attente de la finalisation de l’opération, iRobot contracte un prêt d’environ 200 millions de dollars auprès de fonds gérés par le Carlyle Group afin de financer ses activités. Mais le rachat est lourdement retardé par l’ouverture d’une enquête de concurrence de la Commission européenne. En janvier 2024, le verdict tombe : Amazon et iRobot annoncent officiellement la rupture de l’accord, faute de perspectives d’approbation par l’Union européenne. À la fin de l’année 2024, iRobot se retrouve ainsi avec une dette de 200 millions de dollars sur les bras.
Fin novembre 2025, Carlyle revend environ 191 millions de dollars de dette iRobot (principal et intérêts) à Santrum, une filiale de Shenzhen PICEA Robotics, qui devient alors le principal créancier de l’entreprise. C’est dans ce contexte qu’iRobot se place sous la protection du Chapter 11 le 14 décembre 2025. Cette procédure de faillite américaine permet à une entreprise de continuer à fonctionner tout en se restructurant et en renégociant ses dettes sous l’égide d’un tribunal.
Selon le plan annoncé, PICEA obtiendrait 100 % du capital d’iRobot et annulerait les 190 millions de dollars restants du prêt de 2023, ainsi qu’environ 74 millions de dollars de dettes commerciales liées à la fabrication. Les autres créanciers et fournisseurs doivent être intégralement remboursés. Gary Cohen, PDG d’iRobot, se veut rassurant : « En associant l’innovation, la conception axée sur le consommateur et la R&D d’iRobot à l’expertise technique, industrielle et historique d’innovation de Picea, nous sommes convaincus qu’iRobot sera idéalement positionnée pour façonner l’avenir de la robotique domestique connectée ». iRobot assure par ailleurs que cette procédure ne devrait pas affecter le fonctionnement de son application, ses programmes clients, ses partenaires internationaux, sa chaîne d’approvisionnement ni le support de ses produits. Si le plan est approuvé par le tribunal, l’entreprise passerait ainsi d’un acteur américain indépendant coté en Bourse à une marque désormais contrôlée par un fabricant chinois privé.
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