Faut-il parler d’une véritable crise de l’industrie culturelle, lorsque les sociétés de gestion chargées de collecter les droits au nom des auteurs, artistes ou producteurs, ont augmenté leurs perceptions de plus de 50 % en dix ans ? Depuis 2000, comme le montre un rapport établi par la Cour des comptes, les ayants droit ont vu leur rémunération issue de la gestion collective augmenter de plus de 60 %.

L’an dernier, après avoir livré un véritable brûlot sur les niveaux de rémunération extrêmement élevés des dirigeants de la Sacem et d’autres sociétés de gestion collective de droits d’auteur, la Commission permanente de contrôle des sociétés de gestion avait publié un nouveau rapport non moins critique, qui dénonçait l’organisation d’une véritable « galaxie Sacem« . Elle y décrivait le système en poupées-russes mis en place par les sociétés de gestion collective, souvent autour de la Sacem, pour multiplier les prélèvements de frais de gestion dans une grande opacité.
Cette année, le rapport réalisé par des magistrats de la cour des comptes se veut plus apaisant. Il commence néanmoins par souligner que les prélèvements de droits d’auteur répartis aux ayants droit ont considérablement augmenté en 10 ans, malgré la prétendue crise profonde de l’industrie musicale.
Entre 2000 et 2010, les montants collectés ont augmenté de 52 %, pour passer de 931 millions d’euros à plus de 1,4 milliards. Les sommes effectivement redistribuées aux ayants droit, elles, ont progressé de près de 62 %, avec un peu plus de 1 milliard d’euros affectés aux bénéficiaires en 2010. Sur la même période, selon les chiffres de l’INSEE, l’inflation en France a été d’environ 20 %. Les perceptions et reversements ont donc augmenté deux à trois fois plus vite que l’inflation. De quoi mettre en perspective les discours alarmistes qui assurent que Napster (né juste avant l’an 2000) et ses successeurs auraient tué l’industrie culturelle…
Depuis 2008, les perceptions qui avaient connu une décélération de leur croissance ont repris du poil de la bête, avec une hausse de 12,7 % en deux ans. « Cette tendance qui pourrait surprendre dans un contexte de tassement de l’industrie phonographique, recouvre des évolutions contrastées par types de droits et par sociétés« , nuance toutefois la Commission. Elle fait remarquer que les augmentations sont dues principalement au secteur audiovisuel, et à une hausse importante des barèmes de la « rémunération équitable » payée par les discothèques ou les restaurants, entre autres. Les droits dits de « reproduction mécanique » qui reflètent les ventes de disques ont baissé de 13,6 %, et les revenus issus de la copie privée se sont stabilisés (en attendant la taxation du cloud qui promet de relancer la machine).
Dans un deuxième chapitre, consacré à la participation des membres des sociétés de gestion collective aux décisions prises en leur nom, le rapport revient par ailleurs en filigrane sur ses récentes critiques.
Sur la Galaxie Sacem : La Commission permanente « insiste à nouveau pour que les sociétés obtiennent de leurs partenaires et délivrent à leurs ayants droit une information complète sur les taux et les montants des frais de gestion perçus par les sociétés intermédiaires de collecte ou de répartition intervenant en amont de leur propre gestion« . Elle recommande de faire obliger d’informer les adhérents sur « les contrats passés avec des sociétés intermédiaires, les coûts de gestion de celles-ci et le taux et les montants prélevés à ce titre sur les droits à répartir« .
Sur la rémunération des dirigeants : L’article R321-6-1 du code de la propriété intellectuelle permettait déjà aux membres des sociétés de gestion collective de se faire adresser « le montant global des rémunérations versées aux personnes les mieux rémunérées« , sans qu’il soit possible de connaître précisément le montant de chaque salaire. Devant le manque de transparence qu’elle avait critiquée, la Commission permanente a obtenu du ministère de la Culture qu’il précise que cet article ne faisait pas obstacle à l’application du R321-6, qui permet aux membres de consulter des comptes plus détaillés en se rendant au siège social, sans possibilité toutefois d’en avoir copie. « Cela vaut notamment pour les rémunérations individuelles des dirigeants« , précise la Commission, qui avait encouragé les membres à demander des comptes.
Un certain nombre d’améliorations sont toutefois notées dans le fonctionnement des sociétés de gestion. Par exemple, désormais la Sacem mentionnera le fait qu’il est possible de n’apporter à la gestion collective qu’une partie de ses œuvres, alors qu’auparavant les auteurs avaient obligation de confier à la Sacem la gestion de toutes leurs œuvres passées et futures. La Spedidam, qui gère les droits de nombreux artistes-interprètes, s’est pour sa part engagée à revoir profondément le fonctionnement de son conseil d’administation, notamment pour limiter le nombre de pouvoirs de vote qui peuvent être confiés à un même membre.
De façon générale, la Commission demande aux sociétés de gestion d’améliorer leur « vie démocratique », en permettant par exemple le vote à distance dans les assemblées générales, y compris par voie électronique.

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