Google continue de s’opposer à l’idée d’un droit à l’oubli dont la portée serait mondiale et souhaite le limiter à certaines zones géographiques. La Cour de justice de l’Union européenne doit préciser les contours de sa décision

Quelle doit être la portée exacte du droit à l’oubli — ou, plus précisément, du droit au déréférencement ? Doit-elle s’appliquer au niveau d’un État, d’un groupe d’États ou dans le monde entier, sans tenir compte de la nationalité de l’internaute ou de la zone géographique à partir de laquelle il effectue sa recherche ?

Pour le dire autrement, un internaute péruvien se connectant depuis son pays doit-il ne plus pouvoir trouver, par exemple dans le cadre d’une requête sur Google (ou sur n’importe quel autre moteur de recherche), des liens menant à des pages évoquant le nom d’un Européen, si celui-ci a demandé et obtenu leur retrait dans le cadre d’une procédure en bonne et due forme ?

google pc

Pour Google, la réponse est négative :

« Nous estimons que cela va à l’encontre des principes de base du droit international : aucun pays ne devrait pouvoir imposer ses règles aux citoyens d’un autre pays, notamment en ce qui concerne les liens vers des contenus licites. L’adoption d’une telle règle encouragerait d’autres pays, y compris des régimes moins démocratiques, à essayer d’imposer leurs valeurs aux citoyens du reste du monde ».

Rédigé par Kent Walker, le directeur juridique et vice-président sénior chez Google, l’article publié sur le blog de la firme de Mountain View convoque au passage d’autres entités pour bien montrer que sa position n’est pas isolée dans le débat sur la territorialité du droit à l’oubli. Le groupe cite en particulier Wikimedia, le comité des reporters pour la liberté de la presse et l’ONG Article 19.

Cette affaire constitue une atteinte grave au droit du public d’accéder à des informations licites

« Nous prenons la parole parce que limiter l’accès à des informations légales et précieuses est contraire à notre mission en tant qu’entreprise et nous empêche de fournir le service de recherche complet que les gens attendent de nous. Mais la menace est bien plus grande que cela. Cette affaire constitue une atteinte grave au droit du public d’accéder à des informations licites », poursuit le responsable.

Aux yeux de Google, il convient donc de privilégier une portée juridique restreinte du droit à l’oubli, en particulier européen. C’est pour cela que l’entreprise procède à la géolocalisation des requêtes et qu’elle entend limiter la portée de ce droit nouveau à l’espace européen, pas au-delà.

Europe

CC Freebie

Dans le cas de l’Union européenne, la Cour de justice a été saisie par le Conseil d’État pour savoir quelle est l’interprétation juridique de l’arrêt Google Spain rendu en mai 2014 et qui a donné naissance au droit à l’oubli. Il s’agit de savoir si c’est le lieu géographique de la recherche qui vaut application de la loi ou s’il faut se baser sur la qualité de la personne, ce qui implique une protection même au-delà des frontières.

Ailleurs dans le monde, on note que la Cour suprême du Canada est aussi en faveur d’une application globale du droit à l’oubli, ce qui a au passage alarmés les défenseurs de la liberté d’expression sur le web, comme la puissante organisation américaine Electronic Frontier Foundation (EFF) qui redoutent de potentielles dérives et évoquent même « une censure mondiale d’Internet ».

Une amende comme point de départ

La CNIL et ses homologues plaident pour un cadre protecteur qui s’applique partout dans le monde, parce que les bénéficiaires sont européens que le droit européen doit pouvoir s’appliquer même hors de l’Union parce que les Européens ne cessent pas de l’être quand ils sortent de l’UE. En clair, le droit doit les suivre et continuer à les protéger même à l’égard des recherches effectuées ailleurs.

Il faut se souvenir que la Commission nationale de l’informatique et des libertés a infligé au printemps 2016 une amende de 100 000 euros à Google (pas de quoi l’alarmer, mais au-delà du montant, c’est la position de la Cnil qui gêne le groupe américain) parce que la firme de Mountain View n’a pas bien appliqué le droit au déréférencement reconnu par la Cour de justice de l’Union européenne.

C’est cette plainte qui est remontée ensuite au Conseil d’État et qui maintenant arrive devant les magistrats européens.

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