La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a jugé mardi que Google devait supprimer les résultats menant vers des sites contenant des données personnelles, lorsque la personne concernée le demandait. Mais il doit faire une application au cas par cas de l’opportunité de la demande, notamment au regard de l’intérêt de l’information pour le public.

La décision était très attendue et est d’une importance majeure pour le très difficile équilibre entre le droit à la vie privée et le droit à l’information. Mardi, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a rendu son arrêt Mario Costeja González dans le cadre d’une procédure ouverte en Espagne à l’encontre de Google, qui avait indexé un article de presse de 1998 dans lequel était rendue publique une ancienne dette de sécurité sociale. La CJUE a jugé que Google devait offrir aux internautes le droit de désindexer des résultats de recherche qui les concernent. Mais ce « droit à l’oubli » dont les effets sont redoutables n’est pas tout à fait absolu.

Alors que le droit à l’oubli sur Internet est un aspect majeur du projet de règlement européen négocié depuis plusieurs années, La CJUE devait dire dans cette affaire si en l’état actuel du droit un moteur de recherche généraliste comme Google devait être considéré légalement comme le responsable d’un traitement de données personnelles, lorsqu’il indexe tout le web, y compris des informations qui concernent la vie privée des internautes. A cette question, la CJUE répond par l’affirmative.

« En recherchant de manière automatisée, constante et systématique des informations publiées sur Internet, l’exploitant d’un moteur de recherche procède à une « collecte » des données au sens de la directive » de 1995 sur la protection des données à caractère personnel, indique la CJUE dans son communiqué (l’arrêt lui-même n’est pas encore publié). Pour la Cour, Google est un « exploitant (qui) « extrait », « enregistre » et « organise » ces données dans le cadre de ses programmes d’indexation avant de les « conserver » sur ses serveurs et, le cas échéant, de les « communiquer » à ses utilisateurs et de les « mettre à la disposition » de ces derniers sous forme de listes de résultats« . C’est aussi Google qui détermine les finalités et les moyens de la collecte des données. Il a donc tous les traits du « responsable de traitement » auquel le droit européen impose d’offrir un droit d’accès et de suppression des données collectées.

Une appréciation au cas par cas par Google

Or la CJUE estime que Google a une responsabilité d’autant plus lourde que « l’effet de l’ingérence dans les droits de la personne se trouve démultiplié en raison du rôle important que jouent Internet et les moteurs de recherche dans la société moderne, ces derniers conférant un caractère ubiquitaire aux informations contenues dans les listes de résultats« . Les juges européens estiment que l’intérêt économique de Google doit donc passer derrière l’intérêt des particuliers dont les données sont exposées, et qu’il incombe à Google de respecter les demandes de suppressions de résultats qui lui sont adressées par les personnes concernées.

Cependant Google est dans une position délicate, car la CJUE reconnaît que ce « droit à l’oubli » se heurte au droit à l’information des citoyens, qui peuvent avoir un intérêt légitime à rechercher et trouver une information sur un tiers. Aussi, la Cour demande à Google d’apprécier au cas par cas les requêtes, en vérifiant que les informations à censurer n’ont pas un intérêt public particulier.

Pas de droit à l’oubli pour les informations d’intérêt public

« Les liens vers des pages web contenant ces informations doivent être supprimés de cette liste de résultats, à moins qu’il existe des raisons particulières, telles que le rôle joué par cette personne dans la vie publique, justifiant un intérêt prépondérant du public à avoir, dans le cadre d’une telle recherche, accès à ces informations« , écrit la CJUE. L’appréciation doit se faire au regard de « la nature de l’information en question et de sa sensibilité pour la vie privée de la personne concernée ainsi que de l’intérêt du public à recevoir cette information« .

En clair, Google doit être lui-même juge de l’importance des informations qu’on lui demande de censurer. Le quidam qui veut faire oublier une erreur de jeunesse aura une réponse plus favorable que le responsable politique qui veut faire oublier sa condamnation pour corruption. Mais personne ne vérifiera l’opportunité des choix de Google, sauf si un refus est contesté en justice.

En France, le Gouvernement a dit souhaiter la création d’un droit à l’oubli, avec des exceptions pour les collectes de données réalisées « à des fins historiques, statistiques et de recherche scientifique, pour des raisons de santé publique, pour l’exercice du droit à la liberté d’expression ou lorsque la loi l’exige« .

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