A l’heure où l’homme moderne tente d’interdire toute possibilité de copie en multipliant lois, contrats et verrous technologiques, il est frapper de découvrir que les hommes préhistoriques eux-mêmes n’ont pu recouvrir les grottes de leurs célèbres fresques que parce qu’ils ont la possibilité de copier et de recopier, comme l’ont démontré deux chercheurs en début d’année.

Ce jeudi matin, le bibliothécaire et juriste Lionel Maurel donnait à Rezé, près de Nantes, une conférence sur le droit d’auteur et l’importance de la copie, en prélude à une copy party qui consiste à inviter les visiteurs d’une médiathèque à réaliser des copies pour eux-mêmes des oeuvres qui les intéressent. Au travers d’une présentation riche en références historiques et artistiques qui démontrent que l’art est indissociable de la possibilité de copie, et donc que vouloir interdire la copie jusqu’à la rendre matériellement impossible était une hérésie, Lionel Maurel a évoqué une découverte récente qui montre que même les toutes premières expressions visibles de l’art sont nées grâce à la possibilité de copier.

En début d’année, Bertrand David, peintre et dessinateur diplômé des Beaux-Arts de Rennes, et Jean-Jacques Lefrère, professeur de médecine et historien de la littérature et essayiste, ont publié chez Fayard un ouvrage remarqué sur « la plus vieille énigme de l’Humanité« . Ils y élaborent une théorie très convaincante pour expliquer comment pendant 30 000 ans, les hommes préhistoriques ont pu dessiner avec autant de précision leurs figures (souvent animales) malgré les reliefs des parois très complexes à maîtriser, et avec un respect aussi fidèle des proportions malgré la taille parfois très imposante des dessins.

Selon les deux co-auteurs, dont la thèse explique beaucoup des mystères de l’art pariétal, nos vieux ancêtres ont pu dessiner ces oeuvres magistrales sur les murs grâce à la copie en surimpression de figures projetées par un jeu d’ombres chinoises. A l’origine des dessins figurent d’abord des statuettes sculptées d’animaux vus de profil – il nous en reste quelques exemplaires qui ont survécu jusqu’à notre ère, qui servaient ensuite de modèle reproduisible à l’infini par le dessin. La sculpture était placée face à un feu (pas immédiatement à l’entrée de la caverne pour que le vent ne vienne pas troubler la stabilité de l’ombre projetée), et il suffisait ensuite aux artistes de suivre le contour de l’ombre pour dessiner l’animal, comme l’explique lui-même Bertrand David dans cette vidéo :

https://youtube.com/watch?v=f8kvxDdgDQI%3Frel%3D0

Cette découverte renforce plus encore que l’idée que l’art ne peut pas se dissocier de la copie, et devrait interroger à une époque où l’on tente d’interdire toute possibilité de reproduire une oeuvre, y compris pour la modifier ou s’en inspirer. On ne crée jamais de rien. Or en imposant que toute création se fasse désormais ex nihilo, les fondamentalistes du droit d’auteur risquent d’annihiler l’art.


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