Rapporteur des deux lois Hadopi au Parlement, l’ancien sénateur Michel Thiollière devait présenter le mois dernier sa démission de son siège au collège de la Haute Autorité. Il y avait été nommé par le président du Sénat, avant d’abandonner son mandat de sénateur, incompatible avec ses nouvelles fonctions. Mais depuis un mois, son remplaçant n’a toujours pas été désigné, alors qu’il est indispensable à la poursuite des travaux de l’Hadopi. Et pour cause…

Mise à jour : Contactés, les services du Sénat nous indiquent, comme l’a fait implicitement l’Hadopi, que M. Thiollière a été officiellement désigné en tant que « personnalité qualifiée » et non en tant que sénateur. La question s’était posée au moment de l’examen du projet de loi de savoir s’il fallait imposer le choix d’un parlementaire dans le collège de l’Hadopi, mais ça n’est pas l’option qui a été choisie. « Faute d’incompatibilité juridique », M. Thiollière a donc la possibilité de ne pas démissionner, et le Sénat nous assure qu’il n’y a pas de coutume qui imposerait dans l’esprit une démission. Les services du Sénat nous précisent que c’est probablement la première fois que le problème se pose.

Il y a un mois presque jour pour jour, le rapporteur de la loi Hadopi au Sénat Michel Thiollière présentait sa démission de tous ses mandats électifs, après sa nomination à la vice-présidence de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Ses nouvelles fonctions étaient incompatibles avec un mandat de Sénateur.

Alors qu’il avait été désigné membre du Collège de l’Hadopi par le président du Sénat, Michel Thiollière « abandonne aussi son poste au sein de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet« , disait le communiqué publié par l’AFP le 16 avril 2010.

L’information était implicitement confirmée par le Sénat, qui dans un communiqué du même jour employait l’imparfait pour dire qu’à la date de sa nomination à la CRE, « Michel Thiollière, spécialiste de l’audiovisuel et rapporteur de nombreux projets de loi sur le secteur, était membre du Collège de la Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des droits sur Internet (HADOPI) et membre du Conseil d’administration de la société France Télévisions« .

Sa démission du Conseil d’administration de France Télévisions a effectivement été actée, puisque c’est le sénateur des Alpes-Maritimes Jean-Pierre Leleux qui a été désigné pour le remplacer.

Depuis un mois, nous attendions de voir également au Journal Officiel la publication du décret de nomination du remplaçant de M. Thiollière au sein Collège de l’HADOPI. Car sans être au complet, le collège ne peut prendre aucune décision officielle, notamment sur l’envoi des mails et la publication des fonctionnalités pertinentes que devront avoir les logiciels de sécurisation. Nous attendions, attendions… jusqu’à demander mardi à la Haute Autorité ce qu’il en était.

Quelle ne fut pas notre surprise de découvrir la réponse : « Michel Thiollière n’a pas démissionné du collège de l’Hadopi« .

Cette non démission est contraire à l’esprit des règles démocratiques. Le membre d’une autorité indépendante désigné par le président d’une chambre parlementaire est censé représenter cette chambre et la tenir informée des travaux. Le sénateur désigné par le président du Sénat doit représenter le Sénat. Dès lors, si le représentant mandaté n’est plus sénateur, la règle implicite veut qu’il démissionne de son mandat pour permettre à un autre sénateur de siéger.

Mais du côté de l’Hadopi, on se refuse à nous livrer des explications. La Haute Autorité se réfugie simplement derrière le texte de la loi, sans nous répondre sur l’esprit qui n’est pas respecté. L’article L331-16 du code de la propriété intellectuelle prévoit que les neuf membres du Collège de l’Hadopi sont nommés pour une durée de 6 ans, et dispose que « sauf démission, il ne peut être mis fin aux fonctions d’un membre qu’en cas d’empêchement constaté par le collège dans les conditions qu’il définit« . Or la perte du mandat de sénateur n’est pas une condition suffisante. Le texte dit que le président du Sénat désigne une « personnalité qualifiée », mais rien n’impose explicitement qu’elle soit membre du Sénat. C’est juste la tradition, et la logique-même. S’il ne démissionne pas, Michel Thiollière peut donc occuper pendant encore six ans le siège que devrait pourtant, en principe, occuper un sénateur.

Contacté mardi par Numerama, M. Thiollière ne nous avait pas encore répondu ce mercredi pour apporter ses explications et nous dire pourquoi il avait visiblement changé d’avis depuis le mois dernier.

Ca ne serait en tout cas pas la première fois que dans son fonctionnement, l’Hadopi s’en tient au seul texte de la loi sans en respecter l’esprit. Nous l’avons constaté dans la volonté de passer en force pour envoyer les premiers messages d’avertissement sans attendre la publication des moyens de sécurisation labellisés par l’Hadopi.

Reste à comprendre pourquoi Michel Thiollière s’accroche à son siège au collège de l’Hadopi, chargé des fonctions de veille, de prospective et de régulation. Est-ce en remerciement de ses bons et loyaux services de rapporteur successif des lois DADVSI, Hadopi 1 et Hadopi 2 ? Est-ce parce qu’il n’y a aucun sénateur suffisamment compétent en matière de numérique ? Est-ce par ce que le seul à être véritablement compétent est le sénateur de Vendée Bruno Retailleau, qui est très critique à l’égard de l’Hadopi et profondément attaché à la neutralité des réseaux ? Est-ce parce qu’aucun sénateur n’accepte de siéger dans une autorité administrative détestée, qui a été jugée en partie responsable de l’échec de l’UMP aux dernières élections régionales ? Ou est-ce encore autre chose ?

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