Beaucoup de choses ont été dites sur cette marque intrigante et pourtant discrète qu’est Vertu. Véritable confectionneur de téléphone, Vertu est un constructeur hors-normes qui croit à un marché du smartphone de luxe avec lequel on ne téléphone pas. On apparaît.

Fondée en 1998 par Nokia, Vertu approche des vingt années d’existence, avec, à son actif, peu de téléphones vendus si l’on compare la marque à Apple ou Samsung mais un business durable là où Nokia s’est perdu.

L’idée derrière Vertu est la croyance, née dans un monde où le smartphone n’était pas encore là, que le téléphone mérite d’avoir son luxe, avec ses artifices et son excellence à la manière de l’horlogerie ou de la maroquinerie. Le téléphone étant un objet intime, indispensable et finalement très social, l’existence d’une marque de luxe qui distinguerait et se distinguerait était naturel selon Nokia.

La marque Vertu est créée et sort son premier téléphone avant le début du millénaire, nommé sobrement Signature. Un téléphone qui n’a rien de spécifique, ni même d’extraordinaire technologiquement parlant, mais qui est réalisé à la main, en Angleterre, par un seul artisan avec les matériaux les plus nobles qui puissent être utilisés dans un téléphone. De la nacre, de l’or, du titane et du saphir : les coûts de production ne sont pas un souci pour cette marque qui veut inventer une niche dans laquelle le prix final ne compte pas.

Le Signature, dans son édition spéciale Bentley

Le Signature, dans son édition spéciale Bentley

En 2002, Vertu ouvre sa première boutique physique à Paris, proche de l’église de la Madeleine, à côté de Massimo Dutti et Ladurée. Dans la capitale la plus touristique du monde, la jeune marque espère conquérir le coeur des fortunés du monde entier avec ses téléphones singuliers et assemblés à la main. Et une clientèle venant du Proche Orient et d’Asie ne tarde pas à donner raison à Vertu : le téléphone de luxe existe bel et bien puisque certains sont prêts à payer pour l’avoir.

Les gammes évoluent peu au fil des années, l’essentiel, comme dans l’horlogerie est l’évolution des matériaux :plus de cuirs, alligator, autruche, des diamants… La personnalisation est plus importante que les nouveaux modèles ou l’évolution technologique.

Et lorsque l’on se rend à cette historique boutique Vertu pour rencontrer l’équipe parisienne de la marque désormais détenue par des fonds d’investissement après sa séparation de Nokia, tout est ajusté, affecté pour que l’on sente que nous ne sommes pas dans un Apple Store ou une boutique Orange. La boutique a des airs de maroquinerie de luxe, et chaque détail rappelle au client que l’on ne vend pas des téléphones, mais des produits d’artisanat uniques. Est-ce bien convaincant ? Honnêtement, malgré notre obsession pour nos téléphones, l’objet nous paraît encore un peu vulgaire pour qu’on lui prête beaucoup d’attention. Mais nous ne sommes de toute manière pas la clientèle visée.

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Ici le téléphone n’a pas la vocation de remplacer votre iPhone : le Signature créé en 1998 existe toujours et a peu changé, il n’est toujours pas un smartphone et tourne toujours sous Symbian, car l’important pour les clients de Vertu est l’apparat. Le Signature n’a que peu de fonctionnalités car en fin de compte, il ne cherche guère à être utile, il vous sert seulement, lorsque vous laissez vos smartphones à la maison, à sortir avec un téléphone d’exception qui laissera entendre à chacun que vous êtes un amateur de choses faites à la main. À défaut de choses élégantes…

Les smartphones récents

Les smartphones récents

Il y a quelque chose de profondément absurde, inutile et superficiel dans le concept du smartphone en nacre : un petit truc passionnément luxueux, une sorte d’inutilité sublime qui convainc depuis 20 ans. Car si l’on nous confie que l’ère du smartphone n’a pas aidé la marque — qui s’est depuis mise à la production de smartphones Android tournant sous la version 5 du système, mais qu’importe –, l’affaissement du secteur du luxe rend la période plus compliquée que les années 2000. On vend toujours dans cette petite boutique de la Rue Royale des téléphones à partir de 20 000 €.

Or ,en plus d’une certaine idée du téléphone bijouchez Vertu le service compte également, car chaque téléphone, sauf les récents Astaire qui ne coûtent que 3 000 €, donne droit pendant un an à un concierge personnel immédiatement joignable et prêt à satisfaire n’importe quelle demande. On nous avoue que la conciergerie n’a tout de même pas réussi à faire baptiser un enfant par le Saint Père malgré la demande d’un client, mais qu’importe, un haut représentant du Vatican a consenti au baptême. Un autre client, qui a été exaucé, voulait des pingouins pour son anniversaire.

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Ce qui fascine chez Vertu, c’est l’hybridation entre deux milieux que tout oppose : le luxe absolu, avec toutes les facettes de son concept, et la technologie mainstream. Un mélange qui n’est pas sans complication, disons-le : les téléphones de Vertu ne sont pas meilleurs que les derniers smartphones de la tech grand public, bien au contraire, et l’on confesse à avoir encore du mal à mêler l’imaginaire des cartes SIM et du T9 avec celui de la maroquinerie et de l’orfèvrerie.

Mais au-delà des moqueries traditionnelles sur le sujet de Vertu, l’entreprise est assez audacieuse pour être saluée et témoigne d’une passion du téléphone, que même nous, nous n’avons pas.

Source : Numerama

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