Le débit d’absorption spécifique (DAS) est un indicateur courant sur les fiches techniques des smartphones. Il s’intéresse aux ondes émises par les téléphones et, plus particulièrement, à la quantité d’énergie absorbée par le corps. C’est un indicateur réglementaire qui revêt un enjeu de santé. Plus le DAS est bas, mieux c’est.

Qu’est-ce que le DAS sur un téléphone ?

Le DAS est un acronyme signifiant débit d’absorption spécifique. Il s’agit d’un indicateur chiffré dont l’unité de mesure est le watt par kilogramme (W/kg). Son rôle est de quantifier la part de l’énergie des ondes électromagnétiques qui est absorbée par le corps humain. Cela concerne les smartphones, mais aussi plus généralement tous les équipements radioélectriques.

Trois valeurs de DAS sont utilisées pour les téléphones : le DAS tête, qui sert à mesurer l’énergie des ondes absorbée au niveau du visage. Cela sert à évaluer le comportement du smartphone quand on l’a à l’oreille. Il y a le DAS tronc, qui doit refléter le mobile près du corps — une poche de blouson, par exemple. Et le DAS membre, qui concerne le téléphone tenu en main.

Pixel 7 Pro // Source : Louise Audry pour Numerama
Les téléphones étant des dispositifs sans fil, ils émettent et reçoivent des ondes. Le rôle du DAS est de contrôler l’intensité de ces signaux. // Source : Louise Audry pour Numerama

Quel DAS ne faut-il pas dépasser ?

Les constructeurs sont tenus de ne pas dépasser certaines valeurs de DAS, fixées par voie réglementaire. Dans le cas contraire, si une vérification a lieu et qu’un franchissement est constaté, les fabricants fautifs ont l’obligation de corriger l’intensité des émissions à brève échéance. Cela se résout en général par le biais d’un patch logiciel poussé vers les téléphones.

Les trois valeurs à ne pas dépasser sont :

  • 2 W/kg pour le tronc ;
  • 2 W/kg pour la tête ;
  • 4 W/kg pour les membres ;

Il existe aussi un DAS moyen pour le corps entier, qui suit un seuil encore plus bas : 0,08 W/kg. Ces valeurs ont été établies à l’occasion d’un arrêté du 8 octobre 2003, actualisé en 2020, qui tient compte de la recommandation du Conseil européen du 12 juillet 1999 sur la limitation de l’exposition du public aux champs électromagnétiques.

Ces valeurs de DAS s’appliquent aux ondes dont les fréquences, exprimées en hertz (Hz), vont de 100 kHz à 10 GHz. De fait, cela concerne les générations de téléphonie mobile en France, de la 2G à la 5G. Cela inclut les bandes 700 MHz, 800 MHz, 900 MHz, 1 800 MHz, 2 100 MHz, 2 600 MHz et 3 500 MHz. De futures fréquences pour la 5G prévoient à terme d’aller au-delà des 10 GHz.

Comment est calculé le DAS ?

Le DAS est une valeur réglementaire qui est établie sur la base d’observations en laboratoire, lorsque des effets thermiques sont constatés à cause des ondes. En partant de cette manifestation physique, des seuils bien plus faibles ont été fixés. Ils sont 50 fois plus bas que ce qui a été noté expérimentalement, afin de ménager une bonne marge de sécurité.

Autrement dit, un dépassement bref de DAS ne signifie pas mécaniquement qu’il y a un risque sanitaire. Cela signifie juste qu’une limite administrative a été franchie. Pour qu’il y ait un éventuel enjeu de santé, il faudrait un écart bien plus important, suffisant pour engendrer un réel phénomène physique sur l’individu — en l’espèce, un échauffement des tissus.

5G ondes
Les téléphones émettent plus ou moins fortement selon le degré de couverture. // Source : Melvyn Dadure pour Numerama

Pour avoir un ordre d’idée, cent téléphones ont été testés en 2022 au niveau du DAS tronc, dont la limite est de 2 W/kg. Sur cet ensemble, trois téléphones ont franchi la limite autorisée, avec un niveau maximal constaté de 2,94 W/kg. C’est au-dessus de la limite autorisée, mais c’est bien inférieur aux niveaux expérimentaux qui engendrent un début d’effet thermique.

Comme le note le portail interministériel d’information sur les radiofréquences, l’élaboration de ces valeurs limites est fondée sur les travaux de la commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP). Cette instance est composée d’experts scientifiques indépendants. Les valeurs actuelles ont été arrêtées en 1998, mais peuvent être révisées si besoin.

Comment s’effectuent les mesures du DAS ?

Les mesures du DAS sont supervisées par l’Agence nationale des fréquences, dont l’une des missions est de contrôler la conformité des mobiles au regard des normes en vigueur — elle s’occupe plus généralement des équipements radioélectriques. Elle fournit des rapports annuels sur le niveau d’exposition aux ondes et sur ses contrôles de téléphones.

Les tests se déroulent dans des laboratoires, dont les pratiques sont contrôlées par le Cofrac, quand ce sont des laboratoires français. Ceux-ci s’appuient sur un protocole de mesure précis, qui met en lumière le DAS maximal. Pour cela, le téléphone est sollicité à sa puissance moyenne maximale, sur une durée de 6 minutes, et pendant 100 % du temps.

C’est donc un autre point à avoir en tête : les valeurs de DAS mesurées dans un laboratoire — à une distance maximale de 5 millimètres entre le téléphone et le capteur de mesure — ne reflètent pas exactement l’usage d’un téléphone utilisé couramment. Ainsi, un smartphone aura une valeur de DAS sans doute bien moindre au jour le jour.

Pour illustrer cette réalité, l’Agence nationale des fréquences a pris l’exemple de la communication vocale : en moyenne, celle-ci dure moins de 3 minutes (deux fois moins que ce qui est vu en laboratoire) et le téléphone n’est pas tout le temps en émission. Comme il s’agit d’une discussion, l’émission ne survient que 50 % du temps, quand on parle, pas quand on écoute.

Idem en cas de navigation, quand on surfe sur le net ou quand on regarde une vidéo. Là encore, l’Agence nationale des fréquences observe une émission globalement en retrait — le téléphone est surtout en réception, puisqu’il récupère des données issues des antennes relais. Dans ce cas, « le téléphone émet rarement plus de 10 % du temps ».

En fait, il est rare que le téléphone doive émettre à sa puissance maximale. Ce cas de figure survient quand on capte en fait très mal — l’indicateur sur le smartphone montre une seule barre pour la qualité de réception. Dans ce cas, le mobile doit « envoyer » davantage. C’est ici, en cas de faible couverture, que l’on approche une mesure de DAS à la puissance maximale.

Comment connaître le DAS de son téléphone ?

Depuis 2011, l’information du DAS doit être aussi répandue que possible. On peut donc trouver ces valeurs dans les publicités, notamment à la télévision ou sur des affiches. Il faut aussi refléter ces mesures dans les fiches techniques en magasin, à côté des téléphones concernés. Idem dans la notice d’utilisation, sur les sites de vente en ligne ou sur les pages des fabricants.

Autre possibilité : l’affichage du DAS via une application mobile à installer sur son téléphone. C’est ce que propose OpenBarres, qui est justement fournie par l’Agence nationale des fréquences. En se basant sur les informations de votre téléphone, le logiciel vous retourne les valeurs fournies par l’industriel pour la tête, le tronc et les membres.

Que s’est-il passé sur le DAS de l’iPhone 12 ?

Le débit d’absorption spécifique (DAS) a été au cœur de l’actualité en septembre 2023, avec l’affaire de l’iPhone 12 en France. Un dépassement d’ondes détecté sur ce modèle a entraîné une décision exceptionnelle : la suspension commerciale le jour même de la présentation de l’iPhone 15. Une mesure qui a étonné jusqu’au QG de la marque, en Californie.

Finalement, les choses sont rentrées dans l’ordre dans les semaines qui ont suivi. La firme de Cupertino a annoncé l’arrivée d’un futur correctif logiciel, finalisé fin septembre et validé par les autorités dans la foulée. La mise à jour est disponible depuis le 10 octobre. L’entreprise a aussi mis en ligne une page explicative sur ce qu’il s’est passé.

Le problème ? L’ANFR se fonde sur un protocole de test qui ne tient pas compte d’un mécanisme de détection d’éloignement du corps. En l’espèce, si le téléphone détecte que vous n’êtes pas tout à côté, celui-ci a une puissance de transmission légèrement plus élevée. C’est le cas, par exemple, si l’iPhone est posé sur une table. Ce processus est en place depuis plus de dix ans.

L'iPhone 12 // Source : Louise Audry pour Numerama
L’iPhone 12. // Source : Louise Audry pour Numerama

« Ce mécanisme a été soigneusement testé et vérifié à l’échelle internationale afin de garantir sa conformité aux exigences du DAS », relève Apple. Toutefois, cette particularité n’a pas été considérée par l’ANFR, qui se sert d’un support de mesure que l’iPhone ne détecte pas comme un humain. Dès lors, il émet plus, ce qui fausse une bonne appréciation de la situation réelle.

C’est cela qui a entraîné le problème et, donc, faussé la lecture des résultats pour l’iPhone 12. Plus généralement, cette situation illustre une divergence d’approche et d’interprétation sur la façon de mesurer le DAS, entre la mesure à pleine puissance, pour relever le cas extrême, et la mesure classique, qui se veut plus proche de l’usage quotidien.

La conclusion de cette affaire ? Apple a choisi de désactiver la fonctionnalité servant à détecter l’éloignement du corps en France. En somme, le niveau d’émission de l’iPhone restera désormais équivalent, même si celui-ci est posé loin d’une personne. C’est une petite perte de service pour les Françaises et les Français, mais cela évitera des ennuis futurs à Apple.

Source : Numerama

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