Les pannes d’Internet observées dans certaines villes et régions de France sont probablement dues à un acte de malveillance. Les raisons de ce vandalisme, en apparence coordonné, sont incertaines à ce stade.

Les très curieuses ruptures de liaisons en fibre optique qui se sont produites en pleine nuit et à différents endroits du territoire français apparaissent de plus en plus clairement comme des actes de malveillance. Quelques heures après les premières remontées de l’incident, des photos partagées par des opérateurs et des experts télécoms montrent en effet des coupes nettes sur les câbles, qui ne ressemblent pas du tout à une maladresse.

Free, via son compte Twitter consacré à son réseau, parle ainsi de « multiples actes de malveillances sur les infrastructures en fibre optique durant la nuit et la matinée ». Un autre compte, celui de Clément Cavadore, consultant dans les télécoms, montre d’autres clichés bien plus près de ces câbles. La précision des coupes suggère un coup de disqueuse ou l’action d’une pince (la pince parait plus probable, car des traces de la disqueuse seraient visibles). Difficile en tout cas d’imaginer ici un bête accident de chantier.

Une attaque physique contre Internet

Puisque la piste accidentelle est hautement improbable compte tenu de la relative simultanéité des incidents (les trois interruptions ne sont espacées que de quelques dizaines de minutes) et de la précision des coupes sur les câbles à des horaires nocturnes (3h20, 3h40 et 5h20 du matin), la thèse de l’acte volontaire est celle qui est la plus privilégiée. Mais les motivations derrière ces actes malveillants sont à ce stade incertaines.

Plusieurs hypothèses circulent sur les réseaux sociaux, certaines plus plausibles que d’autres : une tentative de vol de cuivre (des câbles sont parfois dérobés en France, car leur revente peut rapporter), une action motivée par une hostilité à l’égard de la technologie et du numérique (il y a bien eu des actes de vandalisme observés contre les antennes-relais 5G), une réaction d’un groupuscule militant opposé à la réélection d’Emmanuel Macron, survenue deux jours avant, ou encore un coup de la Russie, dans un contexte de tension géopolitique avec la guerre en Ukraine. En attendant d’en savoir plus, le mieux est de ne privilégier aucune de ces pistes.

Ces hypothèses restent absolument incertaines à ce stade et ne sont soutenues par aucune preuve particulière. Cela dit, une action militante aurait vraisemblablement l’objet d’une revendication. Or, aucune n’a pour l’instant été signalée. Les vols de câble se font plutôt en surface, par exemple le long des lignes de chemin de fer. Quant à l’éventualité russe, pourquoi risquer une opération hasardeuse et d’une ampleur finalement assez modeste alors que l’on pourrait faire pire et avec moins d’exposition en s’attaquant à certains câbles sous-marins ? Une autre piste, enfin, n’est pas à exclure.

La prudence est pour l’instant de mise. Les pouvoirs publics ont commencé à réagir, mais en s’abstenant de privilégier une hypothèse plutôt qu’une autre. Ainsi, Cédric O, secrétaire d’État au numérique, n’a évoqué dans un tweet que « des coupures de câbles […] impactant le réseau fixe et mobile ». Toujours est-il qu’il s’agit bien d’une attaque physique contre le réseau.

Les attaques s’effectuent d’ordinaire à travers les réseaux eux-mêmes, par le biais de logiciels malveillants, d’accès frauduleux à des systèmes ou bien des entraves au bon fonctionnement des sites et des services. Il est plus rare de voir des attaques frappant le réseau lui-même, c’est-à-dire les infrastructures qui supportent Internet. Ces opérations peuvent ainsi faire tomber les télécoms localement — mais le net est résilient globalement : il ne s’est pas effondré ailleurs.

Une remontée progressive de la connectivité

Des internautes se sont signalés sur les réseaux sociaux pour témoigner des soucis de connexion provoqués par les dégradations et illustrer les soucis d’Internet à une échelle locale. Un graphique publié par NetBocks, qui pilote un observatoire de la liberté d’accès à Internet, illustre d’ailleurs la chute de connectivité dans deux régions : la Bourgogne-Franche-Comté et l’Île-de-France.

Le graphique montre d’ailleurs aussi une restauration progressive du réseau, ce qui est confirmé par le message de Cédric O évoquant l’action des opérateurs pour un retour à la normale aussi vite que possible. L’incident est contenu et des lignes de secours ont d’ailleurs été déployées. Une pleine remise en état des communications est à attendre dans les heures qui suivent.

Sur un plan judiciaire, s’il s’avère qu’il s’agit bien d’un acte de vandalisme — quelle que soit la motivation derrière –, les responsables risquent potentiellement gros, surtout s’il s’avère que ces dégradations étaient coordonnées. On parle de quelques années de prison et de plusieurs dizaines voire centaines de milliers d’euros d’amende, comme le rappelle l’avocat Alexandre Archambault, spécialiste des télécommunications. Il s’agit de peines semblables à celles contre les personnes qui se sont mobilisées contre les installations 5G.

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