La toute dernière puce pour smartphone développée par Qualcomm permet à un mobile de garder sa caméra activée en permanence pour détecter votre visage et déverrouiller votre téléphone plus rapidement. Un outil qui soulève quelques interrogations.

Qualcomm a présenté, le 1er décembre 2021, son tout nouveau processeur haut de gamme pour smartphone : le Snapdragon 8 Gen 1. Cette puce vient prendre la succession du Snapdragon 888 présenté fin 2020 et devrait équiper un bon paquet de téléphones haut de gamme, et ultra haut de gamme, dans les prochains mois.

Une caméra selfie activée en permanence

Au rayon des nouveautés par rapport à la puce de l’an dernier, Qualcomm promet de meilleures performances pour toutes les fonctionnalités touchant à l’intelligence artificielle, des débits améliorés en 5G et des améliorations du côté du son et de la photo. Mais le changement le plus intéressant sur cette nouvelle puce est plus discret et n’a pas grand-chose à voir avec les Gigahertz ou les mégabits par seconde. Le Snapdragon 8 Gen 1 sera capable de garder votre module photo frontal activé en permanence.

La Snapdragon 8 Gen 1, nouvelle puce de Qualcomm // Source : Qualcomm

La Snapdragon 8 Gen 1, nouvelle puce de Qualcomm

Source : Qualcomm

Selon Qualcomm, cette fonctionnalité est destinée à améliorer la sécurité de votre mobile et permet à un smartphone de se déverrouiller automatiquement lorsqu’il aperçoit votre visage. Sur la page de présentation de la puce, l’entreprise écrit que l’outil « suit automatiquement vos activités et votre environnement ». En somme, c’est un mécanisme de détection faciale activée en permanence, qui est censé vous simplifier la vie en vous évitant de devoir déverrouiller votre smartphone à chaque fois que vous l’attrapez.

La détection et la reconnaissance faciale n’ont rien de nouveau sur nos smartphones. Elle ont été popularisée avec FaceID, la technologie qu’Apple a présentée en 2017 sur son iPhone X. L’outil de Qualcomm va cela dit un cran plus loin, puisqu’il utilise la caméra frontale de l’appareil au lieu d’un mécanisme dédié, et qu’il est activé en permanence. Cela pose quelques questions.

Quid de la vie privée ?

La première, et la plus évidente, touche à la vie privée. Depuis quelques années maintenant, la protection des données personnelles et de la vie privée est devenu un sujet central dans notre usage de la technologie. Particulièrement sur nos smartphones qui contiennent souvent bon nombre d’informations sensibles.

Les micros activés en permanence pour détecter « Ok Google » et « Dis Siri » sont devenus monnaie courante. Mais ces technologies viennent avec leur lot de ratés qui dévoilent parfois des informations sensibles. L’idée de faire la même chose avec la caméra de son smartphone est risquée. Se savoir regardé constamment par son téléphone n’est pas l’idée la plus tranquilisante du monde.

Conscient de ces problématiques, Qualcomm se veut rassurant. Dans un entretien accordé à The Verge, Judd Heap, le vice-président du développement produit chez Qualcomm, explique les mesures de sécurité mises en place par l’entreprise pour éviter que votre téléphone vous espionne.

« Il est impossible, en mode basse consommation, de capturer une image », promet Qualcomm

La fonctionnalité se repose en fait sur une puce dédiée, optimisée pour fonctionner avec très peu d’énergie. Ce composant, ainsi que tout le processus de détection de visage, fait l’objet d’une protection « renforcée » selon Qualcomm. « Les données de l’appareil photo ne quittent jamais le hub de détection lorsqu’il recherche des visages », précise la marque. L’appareil photo ne fait que rechercher un visage et n’active en fait jamais le reste des fonctionnalités du téléphone. La reconnaissance faciale en elle-même ne se lance que si un visage est détecté dans le champ. « Il est impossible, en mode basse consommation, de capturer une image », a précisé Judd Heap à The Verge. Pour économiser encore un peu d’énergie, la résolution de l’appareil photo est d’ailleurs limitée à 640 x 480 pixels (soit moins que les webcams de la plupart de nos ordinateurs).

Techniquement donc, la fonctionnalité à l’air d’être plutôt sécurisée. En plus, il sera toujours possible de désactiver l’outil, promet Qualcomm. Malheureusement, aucun système n’est inviolable, et même avec toutes les précautions du monde, il n’est pas exclu qu’un pirate particulièrement déterminé puisse tirer profit de cette nouvelle fonctionnalité au nez et à la barbe de son utilisateur ou utilisatrice. Entendons-nous, le discours de Qualcomm ainsi que les précautions prises sont plutôt rassurantes, mais offrir cette fonctionnalité, c’est ouvrir la porte à un potentiel abus supplémentaire, qu’on le veuille ou non. L’innovation à beau être techniquement intéressante, elle semble risquée pour un léger gain de confort.

Et la sécurité alors ?

La sécurité de ce mécanisme est l’autre grande question qui se pose face au Snapdragon 8 Gen 1. La reconnaissance faciale peut être pratique pour déverrouiller son téléphone, mais encore faut-il qu’elle soit effectuée proprement.

Sur les iPhone, c’est FaceID qui s’occupe de scanner votre visage pour vérifier votre identité. Ce petit module est hébergé dans l’encoche visible sur le haut de l’écran. Il est constitué de plusieurs composants dédiés, qui vont aller bien plus loin dans l’analyse de votre visage que ce que permet un appareil photo (en faisant notamment un scan tridimensionnel avec son protecteur de points).

Le module faceID sur l'iPhone X // Source : Apple

Le module faceID sur l'iPhone X

Source : Apple

La technologie de Qualcomm consiste, elle, à utiliser la caméra frontale pour détecter le visage et le reconnaitre. Malheureusement, la reconnaissance faciale opérée par une caméra frontale (même avec l’aide d’un algorithme spécialisé) ne sera jamais aussi sécurisée que celle faite par un composant dédié. En 2018, par exemple, on apprenait que la reconnaissance faciale de nombreux smartphone Android pouvait être dupée avec une impression 3D d’un visage. En 2019, un autre rapport expliquait qu’une trentaine de smartphones Android pouvaient être trompés avec une simple photo. Parmi eux, on retrouvait des modèles haut de gamme de l’époque, comme le Huawei Mate 20 ou le OnePlus 6.

Pour être précis, la technologie de Qualcomm n’interdit pas d’utiliser un composant dédié pour la reconnaissance faciale. La détection du visage peut être effectuée par la caméra frontale, qui passera ensuite le relai à un module dédié s’occupant de la reconnaissance. Mais peu de smartphones Android embarquent des outils similaires à FaceID en réalité. Pour offrir la reconnaissance faciale tout en faisant des économies, la plupart des téléphones équipés de l’OS de Google se reposent sur la caméra frontale et des algorithmes plus ou moins avancés pour établir une équivalence biométrique.

La technologie de Qualcomm encouragera sans doute plus de constructeurs à implémenter la reconnaissance faciale via l’appareil photo, malgré les défauts de sécurisation de la méthode. Rien n’empêche un constructeur de désactiver la puce de détection des visages sur son téléphone, mais encore une fois, offrir cette possibilité c’est s’exposer à de potentiels abus.

Une question de confiance

Soyons honnêtes, le développement d’une quelconque technologie ouvre la porte à de potentiels problèmes. Mais l’innovation de Qualcomm à un potentiel de nuisance assez élevé par rapport à d’autres technologies. Cela ne veut pas dire que le système sera forcément piraté, le constructeur semble avoir pris ses précautions. Mais à l’heure des capteurs d’empreintes sous l’écran ou de FaceID, la détection de visage automatique de Qualcomm ne semble pas apporter un confort incroyable par rapport aux immanquables interrogations et craintes qu’il va poser.


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