Il n’y avait pas d’édition de « La matinée est tienne » ce 2 novembre 2021, l’émission que tient Samuel Etienne quotidiennement sur sa chaîne Twitch. En cause : un bannissement de trois jours entiers qui a été officialisé ce 1er novembre par la plateforme de streaming vidéo en direct.
En quelques mois, l’animateur français est devenu l’un des streameurs les plus suivis, au point d’avoir été dans le classement des cinq chaînes les plus regardées en temps réel dans le monde. Chaque jour, il décortique l’actualité, devant son ordinateur, en proposant une revue de presse didactique à des dizaines de milliers de spectateurs et spectatrices.
Pourquoi Twitch a-t-il décidé de rendre sa chaîne inaccessible ?
Pourquoi Twitch a-t-il suspendu la chaîne de Samuel Etienne ?
La chaîne de Samuel Etienne, qui compte plus de 400 000 abonnés, ne sera accessible à nouveau que le 4 novembre 2021. On peut lire sur le site streamerban qu’il s’agit de sa première sanction par la plateforme, et donc logiquement de sa plus longue à date.
Cette décision a été prise à la suite d’une retransmission en direct de Samuel Etienne de vendredi 29 octobre 2021. Ce jour-là, pendant sa traditionnelle revue de presse, le journaliste présente un article du Parisien intitulé Du carré blanc au film porno de Canal+, une brève histoire du sexe à la télévision. Il s’y trouve notamment une capture d’écran du téléfilm l’Exécution (1961), dans lequel on voit les fesses de l’actrice Nicole Paquin — une scène qui avait fait scandale à l’époque.
« C’est d’avoir lu cet article (et donc exposé cette photo) sur Twitch, dans le cadre d’un rendez-vous d’information, qui me vaut ce ban de trois jours », analyse Samuel Etienne dans une série de tweets publiés le 1er novembre dans la foulée.
Numerama a pu confirmer qu’il s’agissait bien d’une mesure de bannissement prise par Twitch concernant un « comportement sexuel suggestif ». C’est donc bien le fait d’avoir montré une capture d’écran d’un postérieur de femme en direct à ses abonnés qui a valu à Samuel Etienne de voir sa chaîne suspendue pendant trois jours.
Certains observateurs s’interrogeaient sur la possibilité d’un « strike » provoqué par une question de droits d’auteur — montrer une scène d’un film qui n’est pas en libre accès sur le web, mais sous le paywall de la plateforme Madelen de l’INA — mais ce n’est pas, en l’état, ce qui a provoqué la réaction de Twitch.
Twitch et la sévère répression de toute nudité (ou presque)
Les règles de Twitch concernant la « nudité, pornographie et autre contenu à caractère sexuel » édictent un grand nombre de contenus qui sont tout simplement interdits sur la plateforme. On y voit notamment que sont proscrits « un contenu ou une caméra principalement axés sur les seins, les fesses ou la région pelvienne, et les poses qui attirent délibérément l’attention sur ces parties ». Qu’importe qu’il s’agisse de la capture d’écran d’une œuvre culturelle.
Pourtant, Twitch précise bien que « l’évaluation du caractère sexuel d’un comportement ou d’une activité ne dépend pas des habits que porte un utilisateur, mais est basée sur le contexte ». Le contexte de la revue de presse aurait-il pu être considéré comme suffisamment éducatif pour passer entre les mailles de la très stricte modération de Twitch ?
Moins d’un mois plus tôt, début octobre, l’entièreté du code source de Twitch avait fuité, ainsi que de nombreuses informations confidentielles, internes à l’entreprise. Numerama avait alors pris connaissances de ses documents de formation à la modération, qui montraient combien Twitch était sévère en matière de nudité, mais qui révélait également la différence de traitement entre les hommes et les femmes.
Par exemple, il y était inscrit noir sur blanc que les tétons de femmes sont bannis tandis que ceux des hommes sont autorisés.
À l’inverse, des hommes qui se filment en direct torse nu sont parfaitement acceptés sur Twitch.
Évidemment, ce double discours n’est pas propre à Twitch : Instagram continue lui aussi de censurer les tétons et les seins des femmes, tout comme Facebook. Le débat sur l’exposition de la nudité dans l’art à l’heure des réseaux sociaux est également abordé depuis des années, notamment à travers des tableaux célèbres comme l’Origine du Monde de Courbet.
D’ailleurs, Samuel Etienne est loin d’être le premier streameur français à avoir été banni pour avoir montré un contenu culturel jugé comme « sexuellement suggestif » par Twitch: comme le souligne le Progrès, Aurélien Gilles (ou Ponce), spécialisé dans le jeu vidéo, a lui aussi subi cette sentence en juin dernier pour avoir montré une bande-annonce d’un film comportant un téton (de femme, bien sûr). Il n’avait, lui, écopé que de 24 heures de ban.
« Nous sommes donc revenu en 1961. Twitch est une entreprise américaine et c’est sa règle qui s’applique ici. Rappelant les récentes censures par les réseaux sociaux de grands peintres, qui les avaient confondus avec de la pornographie », a regretté Samuel Etienne.
Numerama a contacté Twitch pour un commentaire, et n’a pas encore eu de retour de la plateforme.
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