Si Google espérait passer sous le radar des autorités, c’est raté. Par un courrier adressé au Parlement européen, et daté du 23 avril, Margrethe Vestager, la commissaire en charge des sujets numériques et de concurrence, fait savoir que ses services examinent de près les dernières initiatives de Google en matière de publicité en ligne, de cookies, de monétisation et de concurrence.
Se référant à une enquête en cours ciblant la firme de Mountain View, l’intéressée, qui est par ailleurs vice-présidente de la Commission européenne, explique s’intéresser aux pratiques relatives à la fourniture de services à l’industrie de la publicité. Ici, Google sert d’intermédiaire entre les annonceurs et les éditeurs en ligne, ce qui fait que le groupe américain occupe une place décisive.
Or, rappelle Bruxelles, il s’avère que l’entreprise américaine a créé une certaine surprise au tout début de l’année 2020. En effet, la société a exprimé son intention de se débarrasser des cookies tiers dans son navigateur Chrome d’ici 2022. Chrome est le navigateur qui est aujourd’hui le plus utilisé au monde : toute modification a, de fait, un impact global sur des dizaines de millions d’internautes.
Un rappel : les cookies, ou témoins de connexion, répondent à diverses fonctions. Certains ont une fonction simplement technique, de suivi d’audience ou de personnalisation (par exemple pour reconnaître un internaute quand il revient, lui évitant de s’identifier encore une fois). Mais il y a aussi des cookies publicitaires, plus critiqués, car ils servent pour de la publicité — d’où leur qualificatif de traceurs.
Sauf pour ceux qui sont indispensables au fonctionnement d’un site, les cookies doivent recevoir le consentement des internautes pour être utilisés.
Un monde sans cookies tiers, mais pas sans pub ni ciblage
Étant donné son modèle économique (son chiffre d’affaires provient essentiellement de la publicité en ligne, qui est rendue plus efficace en ciblant les internautes selon leurs intérêts), la firme de Mountain View se tire-t-elle donc une balle dans le pied ? Bien sûr que non : elle va exploiter d’autres signaux pour connaître les habitudes et les préférences des internautes.
C’est pour cette raison que la Commission européenne se penche sur cette suppression des cookies tiers, car elle pourrait faire très mal aux concurrents de Google qui, eux, n’ont pas la possibilité d’avoir une connaissance aussi fine des internautes, du moins sans les cookies. « L’enquête préliminaire est en cours et il est trop tôt pour faire état d’éventuelles conclusions », tempère toutefois Margrethe Vestager.
On se souvient par exemple que lorsque Apple a changé sa politique des cookies avec iOS 11, le cours en bourse de l’entreprise française Criteo, un leader du reciblage publicitaire, avait été fortement bousculé. L’annonce de Google, début 2020, a produit le même effet, avec une forte chute de la valeur de l’action. C’est pour cela que l’enquête de Bruxelles se fait dans le cadre des règles de la concurrence.
L’abandon des cookies tiers est aussi le résultat d’un constat : les internautes ont de plus en plus la capacité de les rejeter, soit du fait de l’évolution de la réglementation (en Europe notamment), soit par la technique, en utilisant toutes sortes d’extensions pour les contrer. On voit toutefois des ripostes à cette tendance, à l’image des « cookies walls », qui troquent l’arrêt du pistage contre la souscription d’un abonnement.
L’une des nouvelles stratégies imaginées par Google dans un monde post-cookies tiers est de regrouper les internautes dans des cohortes, c’est-à-dire des groupes de plusieurs milliers d’internautes qui partagent un profil semblable. Ainsi, l’entreprise américaine dit ne plus pister individuellement chaque internaute grâce à ce système. Des tests ont débuté, mais ce projet rencontre une franche hostilité.
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