Vous l’utilisez certainement pour connecter vos écouteurs sans fil, pour transférer des fichiers d’un smartphone à l’autre ou pour raccorder votre clavier et votre souris à votre ordinateur. Cette liaison, qui permet des communications radio à courte portée, c’est la fameuse norme 802.15.1. Cela ne vous dit rien ? Alors peut-être que cela vous parlera plus si l’on vous dit son autre nom : Bluetooth.
Mais pourquoi diable avoir choisi de surnommer cette norme « Dent bleue », qui est la traduction littérale du nom ? L’histoire est racontée sur le site officiel de la norme et est assez plaisante à découvrir, si vous ne la connaissez pas. Il s’agit en fait d’une référence à un ancien roi viking, Harald Ier, dit Harald à la dent bleue (Harald Blåtand en danois, ou Harald… Bluetooth, en anglais).
Pourquoi un tel surnom ? Plusieurs hypothèses existent : une dent gâtée ou dévitalisée ou bien un appétit déraisonnable pour des myrtilles, au point de colorer sa bouche.
C’est un peu par hasard que ce nom a été retenu. En 1996, au moment où Intel, Nokia et Ericsson travaillent ensemble sur la standardisation d’une liaison radio à courte portée, un ingénieur d’Intel, Jim Kardach, a proposé Bluetooth pour le nom de code du projet. Il faut dire que cela devenait urgent : Intel parlait de son côté de « Biz-RF », Ericsson de « MC-Link » et Nokia de « Low Power-RF ».
Un roman évoqué pendant une soirée dans un pub
Mais d’où lui est venue cette idée ? C’est en fait lors d’un voyage au Canada que le déclic lui vient, raconte-t-il dans un article publié en 2008 sur EETimes. À ce moment-là, il y fait la rencontre d’un autre ingénieur, Sven Mathesson, qui officie pour Ericsson. Et il s’avère qu’au détour d’une soirée dans un pub, ils en sont venus à parler d’histoire et, surtout d’un roman, The Long Ships.
Écrit par le romancier suédois Frans Gunnar Bengtsson, l’ouvrage suit les aventures du viking Orm le Rouge qui se déroulent à l’époque du règne de Harald Ier. Ce souverain s’est illustré par l’unification du Danemark, par la conquête de la Norvège, qui a été rattachée au royaume, et par la christianisation de son peuple. Et justement, Nokia, Intel et Ericsson planchent aussi sur une unification.
« Le roi Harald Bluetooth était célèbre pour avoir unifié la Scandinavie, exactement comme nous avions l’intention d’unir les industries des PC et des téléphones portables avec une liaison sans fil à courte portée », écrit-il. Il n’était pas prévu que ce nom reste. Comme le note le site officiel, « Bluetooth était uniquement destiné à servir de bouche-trou jusqu’à ce que le marketing puisse proposer quelque chose de vraiment cool ».
Quand est venu le temps de retenir un nom définitif, Bluetooth devait être remplacé soit par RadioWire soit par PAN (Personal Area Networking). Le second était le premier choix, mais il s’avère que cet acronyme très bateau était en fait déjà beaucoup utilisé en ligne, pour toutes sortes de projets. Cela pouvait être périlleux au niveau du droit des marques. Quant à RadioWire, le temps manquait pour réaliser la même analyse.
« Une recherche complète sur la marque RadioWire n’a pas pu être effectuée à temps pour le lancement, faisant de Bluetooth le seul choix possible. Le nom s’est vite imposé et avant même qu’il ne puisse être changé, il s’est répandu dans tout le secteur, devenant synonyme de technologie sans fil à courte portée », raconte le site officiel. Ce nom est en effet plus remarquable que ses anciens rivaux.
Et le logo alors ? C’est aussi Harald à la dent bleue qui l’a inspiré : il s’agit d’une rune liée avec les runes scandinaves hagalaz (ᚼ) et berkanan (ᛒ), qui sont les initiales du roi viking. Plus exactement, il s’agit de runes issues de l’alphabet Futhark récent — d’autres tracés existent, pour des alphabets antiques. Quant au fond bleu utilisé, on devine bien la raison pour laquelle il a été choisi.
Depuis, ce nom en a inspiré d’autres. Dans le domaine de la sécurité informatique, il existe désormais des noms d’attaque inspirés du Bluetooth : c’est le cas du bluejacking, qui est une technique de spam, du bluesmack, quand il s’agit d’une attaque par déni de service, du bluebug, dans le cas de commandes exécutées à distance, ou encore de bluesnarfing, s’il est question de télécharger des fichiers indésirables.
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