D’après un courriel obtenu par 60 millions de consommateurs, Orange a lancé mi-mars une campagne de rappel pour un téléphone qui « émettrait trop d’ondes ». L’objet en question se nomme le Orange Hapi 30 et, dans une position très spéciale à un timing lui aussi très spécial, se mettrait à émettre 2,1 W/kg sur son « tronc » au lieu des 2 W/kg recommandés par l’ANFR, Agence Nationale des Fréquences.
Pour déclencher cette émission illégale, il faut envoyer un MMS alors que le clapet du mobile est fermé, en réseau 2G, alors « que le mobile est plaqué contre le corps ». Autant dire une situation possible, mais improbable ; c’est pourtant tout à l’honneur d’Orange de préférer se conformer à la loi et d’organiser le rappel.
Pour autant, il faut rappeler l’évidence : au niveau des ondes émises par les smartphones, les peurs sont cristallisées, mais les conséquences réelles sur la santé n’ont jamais été démontrées. La France applique un principe de précaution louable, mais même avec son dépassement non autorisé, le téléphone commercialisé par Orange et vendu par la société Mobiwire ne présentait aucun danger pour les utilisateurs, sous aucune condition. D’autres portables sont en train d’être testés par l’ANFR qui a promis de communiquer les modèles dès que des tests complets auront été réalisés — quoi qu’il en soit, nous ne sommes pas dans l’urgence sanitaire.
Mais pourquoi a-t-on autant peur des ondes et autres radiations ?
La menace invisible
Coïncidence parfaite, le média américain The Verge publiait le 4 mars 2018 un article sobrement intitulé « Pourquoi nous aurons toujours peur des émissions des smartphones ». Aux États-Unis comme en France, le débat public sur « les ondes » n’a jamais cessé, malgré de nombreuses études qui tendent à montrer leur côté inoffensif dans les proportions auxquelles nous sommes confrontés à elles au quotidien. Nos confrères énoncent une vérité pourtant simple à entendre : « Votre smartphone pourrait plus facilement vous tuer si vous conduisez en envoyant des SMS qu’en émettant des ondes ».
Mais l’onde, ou la radiation, dans la mémoire collective, reste attachée à la bombe atomique, à l’accident de Tchernobyl, aux fours micro-onde qui cuisent des aliments… bref, à des objets ou phénomènes qui pourraient avoir un impact négatif sur la santé. Personne n’a envie de subir le sort d’un plat surgelé. Qu’importe que les ondes soient de nature différente, qu’elles n’aient pas les mêmes propriétés et effets ou qu’elles soient naturellement émises par le vivant : elles effraient, car elles sont invisibles.
Une absence de preuve qui résonne comme une invitation à la crainte
Et si personne ne peut expliquer aujourd’hui que des ondes émises par un téléphone mobile peuvent causer des cancers, la science n’a pas écarté définitivement l’hypothèse qui dit qu’elles auraient un impact sur la santé. La recherche scientifique ne baigne pas dans les effets d’annonce, mais ce non su provisoire résonne souvent dans l’imaginaire collectif comme une invitation à la crainte. « Si l’on ne sait pas, ne prenons pas de risque » devient rapidement une amplification du risque possible.
Face à l’absence de réponse claire et définitive, malgré un faisceau d’indices qui tendrait à montrer tout l’inverse, la croyance dans le danger des ondes n’a pas beaucoup d’effort à faire pour s’engouffrer dans la brèche de la paranoïa. Et, comme les propriétés bénéfiques ou néfastes du café ou les accidents exceptionnels des voitures autonomes, le sujet des ondes est une aubaine médiatique qui fera toujours réagir. Le précieux travail de l’ANFR, de ses homologues internationaux et des laboratoires peut attendre.
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