Bill gates s’en va t-en guerre. Tel pourrait être le titre d’une nouvelle superproduction hollywoodienne mettant en scène le géant Microsoft menacé par une horde grandissante de pirates des temps modernes. En bonne superproduction, le réalisateur userait et abuserait d’effets spéciaux plus vrais que nature… mais toujours trompe l’oeil. Avec la sortie du Service Pack 1 pour Windows XP, Microsoft commence le tournage…

Il est dèsormais traditionnel pour la firme de sortir des packs correctifs pour ses systèmes d’exploitation. Windows 2000 en est aujourd’hui à son troisième, tandis que Windows XP vient d’être gratifié du premier. Mais celui-ci a un ingrédient supplémentaire puisqu’il apporte des mesures destinées à freiner le piratage du nouveau système vedette du géant de Redmond.

Microsoft décrit ainsi en deux phases son plan de bataille contre ceux qui utilisent une clé référencée dans celles connues pour être fournies avec les versions piratées du système d’exploitation :

1- Assurer aux utilisateurs enregistrés un service complet

  • Il sera impossible aux pirates d’installer le service pack, et d’utiliser Windows Update à l’avenir, puisque le programme de mise à jour vérifiera la véracité de la clé enregistrée.
  • Après un changement de matériel, les utilisateurs en situation régulière bénéfieront dèsormais de trois jours de délai avant de demander une nouvelle clé d’activation (aucun délai n’était pour l’instant accordé).
  • Cryptage possible de la clé VLK (Volume License Key) par les utilisateurs désirant la dissimuler

2- Augmenter la pression sur les pirates

  • La clé sera demandée pour toute activation et intégrée à l’ID de l’installation
  • Désactivation des cracks utilisés par les versions pirates de Windows XP. Après l’installation du SP1, l’activation sera réclamée

En bref, tous les services de Microsoft seront impossibles à obtenir avec une version piratée du système d’exploitation. Bien sûr, personne ne contredira la légitimité du procédé. Il existe d’autres systèmes d’exploitation, comme le célèbre Linux, et personne n’oblige quiconque à installer Windows XP. Ce qui est plus étrange et intriguant en revanche, c’est l’aspect « mi figues/mi raisins » de ces mesures.
Si Microsoft connaît les principales clés distribuées avec les versions piratées de Windows, pourquoi ne pas purement et simplement interdire l’accès à Windows après cette vérification effectuée chez l’utilisateur ? Ici, Microsoft se contente d’interdire l’utilisation de services complémentaires, particulièrement l’activation téléphonique de Windows et l’utilisation de Windows Update, c’est-à-dire des services qui lui coûtent en main d’œuvre et bande passante.

Sur sa page consacrée aux mesures anti-piratage sur le SP1, Microsoft écrit : « Le piratage de logiciels continue à être problème mondial et Microsoft est engagé dans une longue stratégie de protection de la propriété intellectuelle à travers des technologies innovantes« . Malgré toute notre bonne volonté, nous devons bien avouer tête basse ne pas bien saisir le fin stratège qu’est Microsoft dans cette lutte. Pourquoi avoir intégré dans Windows XP un convertisseur WMA dont la fonction de DRM (Digital Rights Management) est désactivée par défaut ? Pourquoi avoir intégré la lecture MP3 à Windows Media Player alors qu’il s’agit d’un format réputé pour faciliter le piratage ? Pourquoi avoir loué les services de Roxio (créateurs d’Easy CD Creator) pour intégrer à Windows un logiciel de gravure capable de convertir et graver ces fichiers mp3 en pistes audio ? Etc., etc.

Certes, on trouvera à Microsoft l’excuse du fait que le MP3, ou la compression audio en général, n’est pas par nature illégale. Mais pourquoi au moins ne pas avoir choisi de bloquer l’accès à Windows aux pirates ?

Un piratage favorable à Microsoft ?

Finalement, allons droit au but et posons la question : le piratage ne serait-il pas favorable à la firme ? Nous ne faisons pas là l’apologie du piratage de ce système d’exploitation, car comme tout logiciel commercial, il doit être acheté par ses utilisateurs. Mais nous posons la question car les choix de Microsoft amènent à se la poser. Avec un parc informatique mondial peuplé à plus de 90% par Windows, quel éditeur un tant soit peu ambitieux n’a d’autre choix que programmer pour ce système ? Et si un système monopolise le marché, quelle entreprise n’a d’autre choix que d’acheter des licenses, parfois par milliers, ou quel assembleur n’a d’autre choix que de proposer à ses clients une installation par défaut de Windows ? Aucun. Or Microsoft n’ignore probablement pas que le piratage est un argument commercial à toutes épreuves pour séduire le consommateur. Tiscali ne fait-il pas en ce moment, comme Wanadoo jadis, la promotion de son kit ADSL autour de la possibilité de télécharger rapidement films et musiques ? Il est certain que si Windows 2004 intégrait demain un système infaillible pour lutter contre la copie de musiques, films ou logiciels, son succès serait très largement amputé.

Paradoxalement, Microsoft a probablement aussi intérêt à voir Windows être piraté pour dominer commercialement le marché des systèmes d’exploitation. Si Linux a tant de succès, c’est avant tout parce qu’il est entièrement libre et gratuit, et non parce qu’il est plus facile à prendre à main. En laissant place à une certaine marge de copies pirates, Microsoft accroît la proportion du parc mondial doté de son système Windows, et accroît d’autant son poids dans les négociations avec ses partenaires.
Cette stratégie n’est cependant pas propre à Microsoft, et connaît même un bel engouement dans certains secteurs comme l’infographie, où les étudiants se font la main sur des versions piratées qu’ils imposent ensuite à leur entreprise, au prix de la license.

Mais bien sûr, pas question pour Microsoft d’avouer aujourd’hui ce fait. Les mesures prises dans ce SP1 sont sans doute avant tout destinées à montrer aux utilisateurs licensiés qu’ils ont fait le bon choix et qu’ils auront tout intérêt à le poursuivre avec les prochaines versions du logiciel. Mais clairement, celles-ci ne sont pas destinées à condamner le pirate qui fera simplement le choix, non incident, de ne pas installer ce service pack.

Le temps du changement ?

Dès lors, Microsoft pourra t-il continuer longtemps cette hyprocrisie ambiante ? A l’heure où les distributions Linux gratuites gagnent de plus en plus de foyers, quels arguments Microsoft parviendra t-il à déployer pour préserver sa part de marché ? Sans doute, dans une vision très optimiste des choses, Microsoft devra t-il revoir sa copie quant à sa politique de commercialisation de Windows…

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