Le groupe américain Meta vient d’annoncer le rachat de Manus, une startup fondée en Chine et spécialisée dans le pilotage d’agents d’IA généralistes. Si les spéculations autour du montant de la transaction font les gros titres, cette acquisition en dit long sur les ambitions de la société de Mark Zuckerberg, mais aussi sur l’orientation prise par l’industrie de l’IA dans son ensemble. On en a discuté avec le chatbot qui, précisément, n’a pas pour vocation à bavarder.

Meta n’a pas fini d’investir dans l’intelligence artificielle (IA).

Alors même que l’intégration de Scale AI, rachetée en juin 2025, reste délicate en interne, le groupe de Mark Zuckerberg engage déjà une nouvelle opération de croissance externe avec le rachat de Manus IA, startup chinoise, basée à Singapour depuis quelques mois.

En cette fin d’année 2025, ce qui fait surtout les gros titres, c’est le coût de la transaction, que plusieurs sources estiment à plus de 2 milliards de dollars, même si aucun chiffre officiel n’a été communiqué à ce stade, le 29 décembre.

Reste à comprendre pourquoi Meta a choisi de miser autant sur cette entreprise. Pour avoir des éléments de réponse, nous avons demandé à Manus IA lui‑même, entendez le chatbot. Et ses réponses permettent de mieux saisir ce qui se joue peut‑être derrière cette transaction.

Meta veut reprendre un rôle de leader

Ainsi, lorsque l’on demande au LLM de se présenter, il affiche clairement ses atouts face à la concurrence : « Ce qui me distingue fondamentalement des autres modèles de langage classiques, c’est que je ne me contente pas de générer du texte : je suis conçu pour accomplir des tâches concrètes de bout en bout. »

Manus IA n’a donc pas pour vocation principale de discuter ou de conseiller, mais bien d’exécuter des actions, une vision rappelée dans le communiqué publié après l’annonce de son rachat par Meta : « Depuis son lancement, Manus s’est concentré sur la création d’un agent d’IA à usage général conçu pour aider les utilisateurs à s’attaquer à la recherche, à l’automatisation et aux tâches complexes. (…) Nous croyons au potentiel des agents autonomes, et ce développement renforce le rôle de Manus en tant que couche d’exécution. »

Dans ce contexte, Meta ne se contente plus d’investir un peu plus dans l’IA : le groupe met la main sur une entreprise en avance sur un domaine encore en construction, celui des agents d’IA, où il reste toujours à prendre une place de référence.

L’objectif est de ne plus courir derrière, comme ce fut le cas sur le terrain des chatbots conversationnels, où des acteurs comme OpenAI ou Google ont pris une avance considérable.

Dès la page d'accueil Manus met en avant ses capacités d'action  // Source : Capture d'écran Numerama
Dès la page d’accueil, Manus met en avant ses capacités d’action. // Source : Capture d’écran Numerama

Avec un environnement sandbox Linux intégré, Manus se positionne comme un assistant virtuel capable d’exécuter du code, de manipuler des fichiers, de naviguer sur le web, d’installer des logiciels, mais aussi de planifier, exécuter et itérer sur des tâches complexes de manière autonome : « Par exemple, je peux créer un site web complet, analyser des données avec visualisations, générer des présentations ou automatiser des workflows », précise encore le chatbot.

Avec cette acquisition, Meta ne se contente plus de jouer sur les plates‑bandes de ChatGPT ou de Gemini : le groupe s’offre un outil de pilotage d’agents proche de ce que propose Claude d’Anthropic, un acteur plus petit qui, en raison de sa taille, n’a jamais vraiment réussi à imposer une norme d’usage à grande échelle.

Un positionnement stratégique

Aussi, à travers ce rachat, Meta intègre un peu plus le modèle économique de l’abonnement à ses sources de revenus. Devenu l’un des symboles d’un Internet fondé sur des services « gratuits », le groupe de Mark Zuckerberg a souvent peiné à opérer la transition vers des offres plus premium reposant sur un paiement direct de l’utilisateur. Et, contrairement à plusieurs concurrents, Meta ne propose pas encore de système d’abonnement pour ses services IA, cette acquisition pourrait ainsi servir de tremplin vers des modèles payants.

Et Manus IA ne s’y trompe pas : « En développant des agents capables d’utiliser des navigateurs et des logiciels comme un humain, les entreprises créent une interface universelle. Demain, vous n’aurez plus besoin d’apprendre à utiliser 50 logiciels différents ; vous n’aurez qu’à diriger un agent qui sait tous les manipuler pour vous. »

Cette centralisation a évidemment un coût pour l’utilisateur : à ce jour, Manus propose trois formules d’abonnement pour son mode pro, allant de 20 dollars par mois pour l’offre de base à 40, puis 200 dollars par mois pour des fonctionnalités plus avancées et une utilisation presque sans limite.

Une acquisition hautement symbolique

Pour Meta, cette acquisition constitue une étape supplémentaire vers les ambitions de « superintelligence » mises en avant par Mark Zuckerberg pour justifier auprès des investisseurs les sommes colossales engagées à répétition. Manus IA se présente d’ailleurs comme une brique clé dans cette trajectoire : « La capacité d’un agent à résoudre des problèmes imprévus dans un environnement ouvert (comme internet) est considérée comme une étape cruciale vers l’AGI. Les investissements massifs servent à entraîner des modèles de plus en plus capables de raisonnement complexe et de planification à long terme. »

La toute jeune entreprise pourrait sortir grande gagnante de ce rachat en s’appuyant sur « une base plus solide », comme le souligne son PDG Xiao Hong dans le communiqué annonçant l’accord, notamment grâce à la puissance de calcul offerte par l’infrastructure de Meta.

Enfin, sur le plan géopolitique, le rachat d’une société créée en Chine par un géant américain n’a rien d’anodin dans un contexte de tensions accrues, en particulier commerciales, entre Beijing et Washington. D’autant plus qu’en mars dernier, Manus annonçait encore un partenariat avec les équipes de Qwen AI du géant Alibaba.

Certains observateurs, comme le chercheur du CFR Chris McGuire, y voient même la confirmation de l’efficacité de la stratégie très offensive menée par l’administration Trump à l’encontre des entreprises chinoises de l’IA : « Si l’information selon laquelle Manus a complètement rompu ses liens avec la Chine s’avère exacte (une hypothèse cruciale), cette affaire illustre l’impact des restrictions américaines sur les investissements à l’étranger » développe-t-il dans un post publié sur X. « Non seulement elles empêchent les investisseurs américains de soutenir l’écosystème chinois de l’IA, mais elles incitent également des entreprises d’IA de pointe comme Manus à délaisser cet écosystème au profit de l’écosystème américain. »

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