Avec le durcissement des obligations déclaratives et l’amélioration des outils de contrôle, des comptes de crypto à l’étranger et des transactions non déclarés devraient coûter beaucoup plus cher qu’auparavant.
En effet, dès le 1ᵉʳ janvier 2026, le marché crypto va connaître un changement majeur avec la directive européenne DAC8. Derrière cet acronyme (Directive on Administrative Cooperation) se cache un dispositif de transparence fiscale intégrale appliquée aux crypto-actifs.
Pour le dire autrement (et un peu moins diplomatiquement) : l’administration fiscale va enfin pouvoir récupérer l’argent.
C’est quoi DAC8 ? L’arme du fisc pour taxer les cryptos
À chaque nouvelle loi fiscale, on se retrouve avec une avalanche de termes barbares… mais en réalité, le principe de DAC8 est très simple. L’idée est la suivante : toutes les plateformes crypto opérant dans l’Union européenne vont devoir jouer les informateurs officiels du fisc.
Dans les faits, ces plateformes devront identifier leurs utilisateurs avec un KYC complet : nom, adresse, résidence fiscale, date et lieu de naissance. Une méthode qui, d’ailleurs, était déjà en place depuis plusieurs années sur certaines plateformes enregistrées en tant que PSAN (un statut juridique français créé par la loi PACTE en 2019).
Le gros changement, c’est surtout que ces plateformes devront ensuite conserver et tracer l’ensemble des opérations effectuées : achats, ventes, conversions, transferts, dépôts, retraits, paiements en crypto… littéralement tout ce qui peut laisser une trace numérique. Mais surtout, elles auront l’obligation de transmettre ces informations à l’administration fiscale de leur pays, qui se chargera ensuite de les partager avec les autres États membres concernés.
Tout cela ne passera pas par des demandes individuelles ou des procédures à rallonge : la transmission se fera automatiquement, en continu, sans même que le contribuable ne soit sollicité.
Ce qui change concrètement pour vos cryptos
À partir des opérations datées du 1ᵉʳ janvier 2026, les plateformes crypto commenceront donc à envoyer automatiquement ces données au fisc, qu’il s’agisse de votre identité, de vos soldes de comptes ou de l’historique précis de vos transactions.
Le fisc français, de son côté, recevra ainsi un tableau bien complet de vos activités européennes : les plateformes utilisées, y compris celles enregistrées dans des juridictions plus souples, mais toujours membres de l’UE — comme Malte, Chypre ou encore la Lituanie, trois pays qui accueillent de nombreux acteurs crypto grâce à des cadres réglementaires plus légers.
Voici ce que l’administration fiscale pourra consulter dès 2026 :
- Vos comptes détenus sur les plateformes européennes (qu’elles soient en France ou en Europe).
- Les soldes exacts de vos portefeuilles et la liste de vos crypto-actifs.
- Le détail intégral de vos transactions : montants, volumes, dates, prix, type d’actif échangé.
- Les conversions en euros, indispensables pour calculer les plus-values imposables.
- Les paiements en crypto utilisés pour acheter un bien ou un service, afin de vérifier qu’aucune plus-value n’a été oubliée dans le processus.
Ce qui ne change pas pour vos cryptos
Bien entendu, pour commencer, il faut rappeler que seules les conversions en euros (ou en monnaie fiat) sont imposées. Autrement dit, tant que vous restez dans l’univers crypto-crypto, vous ne déclenchez aucune imposition. Cela inclut notamment vos passages en stablecoins comme l’USDT, l’USDC ou l’euro numérique de Circle : convertir votre Bitcoin en stablecoin ne génère pas d’impôt en soi.
Mais là où c’est un peu ironique, l’administration fiscale aura vos données… mais elle vous demandera tout de même de reconstituer votre historique et de remplir vos formulaires.
Et pour celles et ceux qui s’y sont déjà frottés, vous savez à quel point c’est un vrai casse-tête : formulaires interminables, historique de trades à rallonge et calculs de plus-values qui ressemblent parfois à un problème mathématique. Ce système force généralement les particuliers à se tourner vers des solutions payantes spécialisées dans le calcul fiscal, comme Waltio, CoinTracking, etc.
La France est l’un des rares pays à utiliser une formule de calcul aussi sophistiquée que rébarbative : le Prix d’Acquisition Moyen Pondéré (PAMP). La formule officielle ressemble plutôt à un exercice de mathématiques appliquées :
Plus-value = Prix de cession net – (Prix total d’acquisition × Prix de cession / Valeur globale du portefeuille)
Vous devez connaître la valeur totale de votre portefeuille à chaque cession, car chaque vente s’appuie sur cette information. Et comme chaque trade crypto-crypto modifie cette valeur, la base de calcul bouge en permanence.
Le fisc recevra donc toutes vos transactions, mais vous devrez malgré tout remplir le fameux formulaire 2086 pour calculer vos plus-values, déclarer vos comptes étrangers via le 3916-bis, et reporter tous les montants sur la déclaration 2042.

DAC8 facilite uniquement le contrôle, mais pas la pénibilité de la déclaration. L’administration aura vos chiffres, mais elle vérifiera que vous les avez bien recopiés.
Les sanctions
L’arrivée de DAC8 ne crée pas de nouvelles amendes pour les particuliers, mais elle rend l’application des sanctions beaucoup plus simple et beaucoup plus systématique — le tout dans un système déclaratif qui, lui, reste complètement archaïque.
En plus de la flat tax de 30 % sur vos plus-values, l’administration fiscale viendra sanctionner fermement s’il y a manquement :
Pour la non‑déclaration de comptes crypto :
- 750 € par compte non déclaré et 125 € par omission ou inexactitude, plafonné à 10 000 € par déclaration.
- Montant porté à 1 500 € par compte et 250 € par omission si la valeur du compte dépasse 50 000 € à un moment de l’année.
Pour la non‑déclaration de plus‑values :
- 10 à 40 % de pénalités sur l’impôt éludé, selon le degré de mauvaise foi.
- Jusqu’à 80 % de majoration si le fisc qualifie les faits de manœuvres frauduleuses.
- Intérêts de retard : 0,20 % par mois.
Et dans les cas extrêmes — fraude fiscale caractérisée ou dissimulation organisée — les sanctions pénales peuvent aller beaucoup plus loin : jusqu’à 15 millions d’euros d’amende et jusqu’à 7 ans de prison. Pas vraiment le genre de lignes qu’on souhaite voir apparaître dans son avis d’imposition.
Des plateformes sous les radars
DAC8 ne couvrira pas tout l’écosystème. Ne sont pas concernées, par exemple, les plateformes basées en Chine comme OKX ou Huobi puisqu’elles n’ont aucune entité régulée dans l’Union européenne. Pour elles, aucune transmission automatique n’est prévue, et il est peu probable qu’elles adoptent volontairement les standards européens.
Même logique pour les plateformes décentralisées (DEX) : absence de siège, absence d’entité légale, absence de KYC… DAC8 n’a tout simplement personne à qui adresser la demande d’informations. Les échanges effectués sur Uniswap, PancakeSwap ou autres ne seront transmis par aucun intermédiaire, ce qui laisse l’intégralité du travail de reconstitution à la charge du contribuable.
Enfin, les wallets non-custodial (Ledger, Trezor, Metamask, etc.) sont totalement en dehors du périmètre. Ils ne sont pas gérés par une plateforme centralisée, ne collectent aucune donnée personnelle et ne peuvent donc rien transmettre. Ce sont, en quelque sorte, les derniers espaces réellement décentralisés de la crypto… ce qui implique aussi que chaque mouvement que vous y effectuez doit être minutieusement suivi et intégré à votre déclaration.
Attention toutefois, il y a une nuance importante
Si Ledger, MetaMask ou tout autre wallet non-custodial ne sont pas concernés directement par DAC8, cela ne signifie pas que toutes les opérations effectuées depuis ces interfaces échappent à la transmission automatique.
Lorsque vous achetez des cryptomonnaies directement via Ledger Live, les transactions ne sont pas réalisées par Ledger lui-même, mais par des prestataires partenaires comme Coinify, MoonPay ou Ramp. Or ce sont eux, et non Ledger, qui sont soumis à DAC8, puisqu’ils opèrent des services d’échange régulés dans l’UE.
Certaines plateformes concernées par DAC8
| Plateforme | Pays d’origine | DAC8 |
|---|---|---|
| Binance | Chypre (EU) | ✅ |
| Kraken | Irlande (EU) | ✅ |
| Coinbase | Irlande (EU) | ✅ |
| Bitpanda | Autriche (EU) | ✅ |
| Crypto.com | Chypre (EU) | ✅ |
| Uphold | Irlande (EU) | ✅ |
| eToro | Chypre (EU) | ✅ |
| Bitstamp | Luxembourg (EU) | ✅ |
| Revolut | Royaume-Uni | ✅ |
| MoonPay | Royaume-Uni | ✅ |
| Ledger Live (partenaires d’achat) | France | ✅ |
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