Au sol, un robot terrestre à quatre roues fait des ronds. À quelques mètres au-dessus de lui, un drone bourdonne en vol stationnaire, en observation. Les deux engins évoluent sagement derrière un grand filet noir. Sur un écran, une représentation numérique permet d’enregistrer la séquence pour une analyse ultérieure. Si le premier robot, au sol, est dirigé par un opérateur, le second le suit de manière autonome pour éclairer son cheminement.
Bienvenue dans la cage à drones bretonne de l’agence ministérielle pour l’intelligence artificielle de défense (Amiad). Cette structure a été lancée au printemps 2024 pour booster l’utilisation de ces technologies dans les armées.
Pour montrer qu’ils avancent sur ce sujet critique et les progrès réalisés avec leur projet Pendragon, les militaires ont ouvert les portes d’un de leurs sanctuaires les plus sensibles à la presse, le jeudi 13 novembre 2025. À quelques kilomètres de Rennes, à Bruz, un site militaire d’ordinaire très confidentiel abrite le service de la direction générale de l’armement chargé du numérique (la DGA Maîtrise de l’information) et le siège de l’Amiad.
Un bouleversement comparé à « Gerboise bleue », le premier essai nucléaire français
Avec Pendragon, les militaires espèrent en effet mettre sur pied leur première unité militaire robotique française d’ici à 2027. Elle devra être capable de se substituer, dans ses missions tactiques, à une section, soit une quarantaine de soldats. Composée de drones, pas forcément les mêmes, et dotée d’une intelligence artificielle, elle sera supervisée par un soldat à distance. Ce dernier pourra donner des ordres à ses robots, utilisés aussi bien pour des actions de reconnaissance ou de logistique, mais aussi de destruction.
Un projet stratégique pour les armées françaises. « Particulièrement ambitieux », il a même été comparé en septembre à « Gerboise bleue », ce nom de code du premier essai nucléaire français, par Sébastien Lecornu, alors ministre des Armées. Et pour marquer les esprits, les forces ont choisi un terme qui évoque à la fois la littérature, Pendragon étant le patronyme du légendaire roi Arthur, mais aussi la force. Issu du gallois, ce terme désigne le chef des chefs, c’est-à-dire le chef dragon affichant cette figure sur son étendard, selon le dictionnaire Merriam-Webster.
L’armée continue de tirer les leçons du conflit en Ukraine
Cette logique d’essaim de drones autonomes, pour l’instant de l’ordre de quelques dizaines, représente un changement de paradigme pour les militaires. Par exemple, les drones qui doivent évoluer autour d’un pilote dans le cadre du SCAF (Système de combat aérien du futur) le feront à proximité, certes relative, d’un humain. Avec l’éloignement des drones de leur opérateur, ce ne sont plus les mêmes contraintes dans leur évolution.
C’est une façon pour les armées françaises de tirer les conséquences de l’engagement massif des drones sur le théâtre ukrainien. Si un opérateur, une cible recherchée et donc vulnérable en Ukraine, peut commander une flotte plutôt qu’un seul drone, c’est un vrai gain. Enfin, les essaims de drones pourraient également être une parade au brouillage, cette riposte électromagnétique au drone.
En tout, ils sont une trentaine de personnels, comme Matthieu, un ingénieur de l’Amiad, à plancher sur ce sujet depuis environ six mois. Il s’agit de tester la compatibilité de drones grand public, et donc peu onéreux, avec les lignes de code des armées. La méthodologie est simple. D’abord tester dans des simulations numériques des algorithmes. « Puis, quand nous sommes satisfaits du résultat », énumère-t-il, place à l’observation des robots « dans un environnement contrôlé », la cage à drones. Et enfin, ceux-ci sont testés en conditions réelles, sur le terrain militaire.
Un chemin toujours semé d’embûches
Chaussures de randonnée aux pieds et un drone à la main, on voit ainsi l’ingénieur dans une vidéo diffusée à la presse dans un champ de Saint-Cyr Coëtquidan, ce site militaire du Morbihan. Parce que rien ne se perd, ces sorties sur le terrain sont elles-mêmes recyclées. Par exemple, les prises de vues aériennes vont alimenter les puits de données militaires pour améliorer la reconnaissance automatique des sols, de l’identification d’une prairie à celle d’un chemin carrossable.
Reste que ce projet est semé d’embûches techniques. Après avoir reçu un ordre de mission, l’intelligence artificielle doit être capable de le comprendre puis de le décliner en sous tâches vers chaque unité de la flotte, « un champ assez vaste », admettent les personnels du ministère des Armées. Elle doit également être en mesure de se réorganiser, par exemple à la suite de la perte d’un drone. Ou de signaler à son opérateur qu’elle n’est plus à même d’effectuer la mission faute d’un élément capital. La cage aux drones du site de Bruz n’a pas fini de bourdonner.
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