Habituellement relégué au second plan, l’argent poursuit ces derniers mois une ascension historique. Alors que l’année 2025 a commencé autour de 28 € l’once, le cours a explosé jusqu’à atteindre un plus haut prix jamais observé, doublant en moins d’un an, pour frôler les 60 € l’once le vendredi 19 décembre 2025. Une envolée qui balaie des records historiques, de la flambée spéculative de 1980 au sommet atteint en 2011, dans le sillage de la crise financière mondiale.
En dehors du contexte économique — qui pousse certains investisseurs à se replier sur des valeurs dites refuges — se cache aussi une tension aux accents industriels. Elle est portée non seulement par nos usages actuels (électronique, énergie, industrie), mais aussi par des projections et des ambitions de production à venir… notamment du côté de Samsung.
Le catalyseur de l’envolée de l’argent
Derrière son image de métal précieux, l’argent reste avant tout une ressource industrielle. À la différence de l’or qui est utilisé avec parcimonie dans l’industrie, l’argent est aujourd’hui bien plus consommé par l’économie réelle, à une échelle sans commune mesure.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2023, près de la moitié de la demande mondiale d’argent (48 %) provenait directement de l’industrie, soit environ 530 millions d’onces. À titre de comparaison, la part technologique de l’or ne représentait que 7 % de sa demande totale, soit approximativement 296 tonnes. Le reste de l’or est avant tout absorbé par la bijouterie (47 %), l’investissement (29 %) et les banques centrales (23 %).
En 2025, le constat reste le même : le monde consomme plus d’argent qu’il n’en produit, et cela dure désormais depuis cinq années consécutives, selon le rapport de Silver Institute. Des données de référence, mais dont la méthodologie reste en partie opaque, tant les données de production, de recyclage et de stocks réels échappent parfois à une transparence totale. Quoi qu’il en soit, une différence fondamentale subsiste : l’or demeure avant tout un actif de stockage. L’argent, lui, circule beaucoup plus sur les chaînes de production que dans les coffres.
Si l’industrie absorbe autant d’argent, ce n’est pas un hasard. Ce métal possède la meilleure conductivité électrique et thermique de tous les métaux, ce qui le rend indispensable dans les équipements poru lesquels l’efficacité énergétique est critique. Il est omniprésent dans les circuits électroniques, les connecteurs, les capteurs, les systèmes de gestion de l’énergie et même dans la RAM…
La transition énergétique amplifie d’ailleurs son utilisation : c’est d’ailleurs l’un des principaux moteurs de la hausse de ces dernières années.
Le photovoltaïque est devenu l’un des principaux moteurs de la demande industrielle d’argent. Chaque panneau solaire utilise de l’argent pour capter et transporter l’électricité produite. Même si les fabricants cherchent à réduire les quantités utilisées, la multiplication des installations à l’échelle mondiale maintient une pression constante sur les volumes consommés. Les véhicules électriques suivent la même logique : plus d’électronique, plus de capteurs, plus de gestion de puissance… donc plus d’argent.
C’est précisément sur ce sujet — et plus précisément autour des hypothétiques batteries du futur à l’argent — que Samsung catalyse aujourd’hui une partie résiduelle des spéculations sur les réseaux sociaux.
Pourquoi Samsung est dans l’équation ?
Contrairement à ce que laissent entendre certaines vidéos virales, l’idée d’une batterie à l’argent chez Samsung ne date pas d’hier. Elle repose sur une base scientifique solide, documentée depuis plusieurs années. Dès mars 2020, des chercheurs du Samsung Advanced Institute of Technology (SAIT) et du Samsung R&D Institute Japan publiaient dans la revue Nature Energy une étude détaillant une technologie de batterie à électrolyte solide utilisant une fine couche composite argent-carbone (Ag-C) au niveau de l’anode.
Pour faire simple, sur une voiture électrique, ce type de batterie change trois choses clés : l’autonomie, la recharge et la durée de vie. Une batterie à électrolyte solide permet de stocker plus d’énergie dans un volume équivalent. À taille de batterie identique, une voiture peut donc parcourir bien plus de kilomètres ; à autonomie égale, le pack peut être plus léger et plus compact. Autre différence majeure : la recharge et l’usure. La couche argent-carbone étudiée par Samsung sert à empêcher la formation de dendrites, responsables de la dégradation des batteries actuelles. Bref, une innovation très prometteuse sur le papier, mais encore éloignée de l’industrialisation à grande échelle.
Le dossier est revenu sur le devant de la scène en 2024, lorsque Samsung SDI (la filiale du groupe Samsung spécialisée dans les batteries et les matériaux électroniques) a officiellement confirmé sa feuille de route. Cette dernière mentionnait une production de batteries à électrolyte solide (sans faire mention publiquement du composite argent-carbone Ag-C). Lors des salons InterBattery et SNE Battery Day, Samsung évoquait même des performances spectaculaires :
- recharge de 8 à 80 % en moins de dix minutes ;
- près de 1 000 km d’autonomie ;
- et une durée de vie annoncée de vingt ans.
Un peu de FOMO ?
Mais le hic, c’est que Samsung n’évoque plus, dans ses communications récentes, la présence du composite argent-carbone (Ag-C). Nous sommes fin 2025 et le cours de l’argent s’envole, porté notamment par une agitation spéculative autour d’hypothétiques batteries à l’argent susceptibles, à terme, de faire pression sur les stocks. Pourtant, de son côté, Samsung n’a publié aucune communication officielle récente évoquant l’arrivée imminente d’une telle technologie — et c’est aussi le jeu de la discrétion en matière de recherche et développement.
Samsung SDI travaille bien étroitement avec l’industrie, y compris de grands noms de l’automobile et de l’énergie, mais les accords récents ne mentionnent pas explicitement des batteries à base d’argent.
Fin octobre 2025, le groupe a officialisé un partenariat avec BMW et l’américain Solid Power autour du développement de batteries « all-solid-state », avec une commercialisation visée à partir de 2027, sans aucune mention de la technologie argent-carbone.
Début novembre 2025, des discussions avec Tesla ont également été rapportées autour de batteries LFP destinées au stockage d’énergie (ESS), mais aucun contrat n’a été confirmé officiellement et, là encore, il ne s’agit pas de batteries à l’argent.
La seule corrélation concrète entre Samsung et l’argent remonte en réalité à l’automne 2025, avec l’investissement de Samsung C&T dans la société canadienne Silver Storm Mining. Concrètement, Samsung C&T a avancé de l’argent à une société minière pour l’aider à relancer une mine, en échange du droit d’acheter toute sa production d’argent pendant deux ans. Beaucoup y ont surement vu le signe que Samsung avait besoin de stock d’argent pour ses futures batteries, ce qui a visiblement contribuer à nourrir par ailleurs la spéculation autour de l’once d’argent.
Cela ne signifie pas pour autant que le groupe ait abandonné le sujet. Il est même probable que certaines batteries mentionnées dans les derniers accords intègrent de l’argent d’une manière ou d’une autre. En l’état toutefois, rien n’indique qu’une industrialisation à court ou moyen terme soit envisagée.
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