La semaine dernière, OpenAI a fait la démonstration d’un mode de voix synthétique pour GPT-4o, son nouveau modèle de langage. Cette option n’est pas encore disponible pour le grand-public (il existe déjà un mode vocal pour ChatGPT, il s’agit d’une version plus élaborée). Pour le moment, il faut donc se fier aux vidéos partagées par l’entreprise, où l’on entend le logiciel chanter, rire, soupirer, chuchoter, imiter notre ironie et notre humour.
On ignore si ces dialogues ont eu lieu en temps réel, ou s’ils ont eu besoin de répétitions. Ils ont quand même motivé de nombreux commentaires enthousiastes. « L’IA est entrée dans le monde de Her« , écrit par exemple un éditorialiste du New York Times, en référence au film de Spike Jonze qui met en scène la relation amoureuse entre un homme et un logiciel intelligent de synthèse vocale, incarné par la voix de Scarlett Johansson.
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Cette référence n’est pas fortuite. Il y a quelques jours, elle était encore assumée par Sam Altman, PDG d’OpenAI. Elle s’est néanmoins retournée contre l’entreprise. Lundi soir, on a appris que l’entrepreneur américain avait tenté de convaincre Scarlett Johansson de prêter sa voix à ChatGPT pendant des mois. Face à son refus, le logiciel a été doté d’une autre voix (baptisée « Sky« ), ressemblant beaucoup à celle de l’actrice. Cette dernière réclame désormais des explications à l’entreprise, via ses avocats. OpenAI nie tout lien entre la star et son produit, mais a tout de même suspendu l’utilisation de Sky (quatre autres voix sont encore disponibles).
Des dystopies utiles aux entrepreneurs
Si elle se confirme, cette situation est symptomatique d’une industrie qui prend sans demander l’autorisation, et de l’éternelle association des bots serviables au féminin (les femmes en chair et en os peuvent dire non, la preuve). Elle éclaire aussi pourquoi Sam Altman, et d’autres avant lui, s’entiche ouvertement d’œuvres de science-fiction qui décrivent les technologies sous un jour négatif. Dans Her, le héros se perd dans sa relation avec son IA, qui finit par le quitter pour prendre son indépendance avec d’autres logiciels. N’ayant plus d’autre choix que de se confronter à sa solitude, il décide enfin de reprendre sa vie en main.
« Ces dystopies sont utiles aux entrepreneurs« , écrit l’auteur techno-critique Brian Merchant dans son infolettre Blood in the machine. « Qu’il s’agisse de l’obsession d’Elon Musk pour Blade Runner avec son cybertruck, ou de la fascination de Mark Zuckerberg pour le métaverse, l’idée est d’être le personnage principal de l’histoire, à condition d’acheter leurs produits. » L’industrie des nouvelles technologies nous a toujours vendu une forme de fiction, le fait de faire partie du futur. D’abord centré sur les hommes, son marketing s’est diversifié pour montrer des publicités censé·es nous ressembler davantage. Leurs appareils et logiciels devaient nous rapprocher.
Aujourd’hui, il est plus difficile de faire la promotion des innovations du moment. Les jolies publicités sont encore là, mais il est clair que ces produits ne sont pas tous pensés pour un large public. Ils isolent plus qu’ils rapprochent. Ils reflètent une vision particulière du monde. Qui a envie d’explorer le métaverse, d’enfiler un casque de réalité virtuelle pour prendre des photos de l’anniversaire de sa fille, qu’une imitation de Scarlett Johansson lui soupire à l’oreille ? On pense encore aux hommes, ou en tout cas à une certaine catégorie d’hommes, riches, dominants, pas menacés par ce futur qu’ils dessinent presque seuls. Qui d’autre a les moyens financiers, politiques, médiatiques, d’être le héros qui bouleverse notre réalité à tous et toutes ? Et qui sommes-nous dans ces fantasmes, sinon des personnages secondaires ?
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