Les aéroports parisiens commencent à s’équiper d’une nouvelle génération de scanner pour accélérer les contrôles de sécurité. Derrière ces machines se cache le principe de la tomographie, qui est employé depuis longtemps dans le domaine médical et scientifique. 

Qui n’a jamais pesté à l’aéroport en sortant de sa valise sa trousse de toilette, son ordinateur et ses autres appareils électroniques ? Bientôt, ce sera un lointain souvenir. Deux nouveaux scanners 3D font progressivement leur apparition dans les deux aéroports parisiens, comme le confirme le Groupe ADP à Numerama : « Après une expérimentation à Paris-Orly en coordination avec la DGAC (Direction générale de l’aviation civile), nous avons commencé le déploiement de cette nouvelle génération de scanners 3D cette année »

Pour l’instant, c’est une dizaine de ces scanners de nouvelle génération qui ont été installés « à Paris-Charles de Gaulle dans quatre terminaux : T2B-D, T2E hall K et T2F, et T1. » Le groupe ADP explique que « dans chacun de ces terminaux, deux lignes d’inspection filtrage sont équipées. À Paris-Orly, Orly 3 a aussi deux lignes équipées ». L’avantage pour les passagers est indéniable : l’entreprise publique estime le gain de temps à un tiers environ de ce qui existe aujourd’hui, en retirant la contrainte de vider son sac.

Le HI-SCAN 6040 CTiX utilisé par le Groupe ADP.
Le scanner HI-SCAN 6040 CTiX utilisé par le Groupe ADP. // Source : Smiths Detection

Une machine de plus de deux tonnes

Avec ces scanners de nouvelle génération, « il n’est plus nécessaire de sortir les appareils électroniques (ordinateurs, tablettes, etc.) ou les liquides, gels et aérosols ». Sur les lignes équipées, il est même étonnant d’entendre les personnes chargées de la sécurité dire exactement le contraire qu’il y a encore quelques semaines : « Ne sortez absolument rien de vos sacs », ce qui risque d’en embrouiller plus d’un. Un rêve qui se réalise pour les voyageurs qui empreuntent fréquemment l’avion. 

Pour parvenir à ce gain de temps, le Groupe ADP utilise un modèle de scanner conçu par la société britannique Smiths Detection, le HI-SCAN 6040 CTiX. Un beau bébé pesant plus de deux tonnes qui utilise le principe de la tomographie. Un bijou de technologie dont l’interface de contrôle a même été récompensée d’un Red Dot Award en 2020, dans la catégorie « User Experience Design ». Il s’agit d’un prix allemand bien connu dans le monde de la tech, qui a souvent distingué de grandes marques d’électronique grand public. Malgré nos multiples sollicitations, Smiths Detection n’a jamais donné suite à nos demandes d’interviews.

Un objet découpé en tranches aux rayons X

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Pierre Lhuissier est chargé de recherche du CNRS au sein du laboratoire SIMaP (Science et ingénierie des matériaux et procédés) de Grenoble (Isère). Cela fait une quinzaine d’années qu’il utilise la tomographie par rayons X pour étudier l’endommagement des matériaux : « C’est un peu comme si on vous cassait le bras pendant qu’on vous faisait des radios », s’amuse-t-il pour expliquer à Numerama son champ de recherche. 

« Lorsqu’on réalise une radio classique, les rayons X traversent votre bras, une petite partie est absorbée par la chair, une plus grande par l’os. Cela permet d’obtenir des contrastes suffisants pour constituer l’image finale », détaille le scientifique. « La tomographie a quant à elle le même fonctionnement qu’un scanner médical, en multipliant les radiographies sous des angles de vues différents. On l’utilise lorsque ça devient plus compliqué, par exemple quand les os se superposent, comme pour un poignet. On découpe le sujet jusqu’en plusieurs milliers de tranches pour obtenir autant d’images. C’est comme découper un saucisson, mais sans le couper réellement. » 

C’est pour cela qu’il était nécessaire avec les anciennes générations de scanners de sortir les ordinateurs de nos sacs. Un chargeur au-dessus d’un ordinateur masquerait l’appareil.

L'interface du HI-SCAN 6040 CTiX.
L’interface du HI-SCAN 6040 CTiX. // Source : Smiths Detection

Détection d’explosifs solides ou liquides

Avec la nouvelle génération de scanners, ce sont des algorithmes qui se chargent de reconstruire l’ensemble. Pour cela, ils déterminent le coefficient d’absorption des rayons X de chaque voxel, l’équivalent des pixels pour la 3D. « On peut ainsi voir à l’intérieur d’un cerveau sans avoir à le couper en deux. C’est ce même principe qui est appliqué pour voir le contenu des valises. » Enfin, les différents niveaux gris renseignent sur le type de matériau. 

Si le principe de fonctionnement exact du HI-SCAN 6040 CTiX n’est pas détaillé par Smiths Detection — certainement pour des raisons de sécurité —, c’est probablement en partie comme cela que l’appareil peut détecter, par exemple, la présence d’explosifs, « y compris sous forme liquide », nous précise le Groupe ADP. « Chaque matière a une signature particulière d’absorption des rayons X, confirme Pierre Lhuissier. Il est également possible que la machine utilise d’autres sources d’énergie pour discriminer certains matériaux. Les géologues se servent par exemple d’une tomographie par les ondes sismiques pour analyser le cœur de la Terre. Des neutrons peuvent également être employés pour obtenir d’autres contrastes. »

Les aéroports entièrement équipés d’ici 2030

Dans les aéroports, l’un des premiers enjeux est d’aller plus vite. « Moins de passagers sont concernés par la fouille de leurs effets personnels : l’image analysée par l’agent de sûreté est plus détaillée, c’est donc moins d’envoi de bagages à la levée de doute », détaille le Groupe ADP. Pour tenir ce rythme, « il est possible que cette machine réalise moins d’images ou qu’elles soient bruitées. Dans ce cas, l’apprentissage automatique peut s’avérer être une aide pour gagner du temps. L’appareil sait quelle forme ou quelle matière d’un objet rechercher précisément », imagine le chargé de recherche du CNRS. 

La tomographie permet de voir l'intérieur des bagages en 3D. // Source : Smiths Detection
La tomographie permet de voir l’intérieur des bagages en 3D. // Source : Smiths Detection

Quoi qu’il en soit, sous ses airs de nouveauté, le système n’a absolument rien d’expérimental : « C’est une technologie très éprouvée, déjà utilisée depuis une dizaine d’années pour le contrôle des bagages en soute. La miniaturisation de ces équipements nous permet désormais de les installer dans nos terminaux », explique l’entreprise publique. D’autres pays utilisent déjà des appareils ce de genre depuis plusieurs années, ce qui explique pourquoi tous les aéroports ne forcent pas à vider son sac.

Malgré tout, le déploiement ne se fera pas un clin d’œil : « Au total, ce sont plus de 200 lignes à équiper sur Paris-CDG et Paris-Orly, à l’horizon 2030 ». Sans compter que « ces nouveaux équipements nécessitent une formation et un accompagnement des agents de sûreté à la lecture et l’analyse de ces images 3D ». À vous désormais de repérer un HI-SCAN 6040 CTiX la prochaine fois que vous irez dans un aéroport parisien, une garantie de faire la queue moins longtemps et de ne plus avoir à déballer tout son sac. 

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