S’il est possible de hacker un pacemaker ou un sextoy, qu’en est-il des robots compagnons ?

À en croire les films de science-fiction des années 30, les années 2020 devaient être celles des voitures volantes et des prouesses technologiques. On en est loin. Pas de robots qui dirigent le monde, ni de voitures qui se conduisent toutes seules (pour l’instant).

Néanmoins, depuis quelques années, un domaine intéresse tout particulièrement les fabricants de robotiques : la vieillesse. Avec un taux de natalité en baisse, les plus de 65 ans devraient représenter environ 25 % de la population française d’ici 2050, selon la Dress. Au Japon, ce chiffre grimpe même à 40 % selon l’OCDE

Sous-vêtements connectés et robots compagnons 

Face à cette augmentation du nombre de personnes âgées, les entreprises tentent de se saisir de ce marché et surtout de cette aubaine financière. Depuis, toutes sortes de robots ou d’objets connectés ont vu le jour.

En 2018, des prothèses auditives qui alertent en cas de chute ; des robots qui peuvent porter des personnes jusqu’à 60 kilos et des médicaments ou encore des sous-vêtements connectés qui pourraient guider dans les gestes du quotidien ou régler la température d’une pièce. Oui, vous avez bien lu : votre culotte constate que vous avez froid et elle fait monter le thermostat de la pièce.

Le robot Pepper lors de la cérémonie d'ouverture des J.O de Tokyo // Source : Dick Thomas Johnson - Wikimedia Commons
Le robot Pepper lors de la cérémonie d’ouverture des J.O de Tokyo // Source : Dick Thomas Johnson – Wikimedia Commons

Plus proche de nous, le Centre communal d’action sociale d’Issy-les-Moulineaux (Île-de-France) avait mis en place, en 2015, des robots compagnons pour les personnes âgées dépendantes. 

Si ces initiatives restent, pour l’heure, marginales, elles soulèvent aussi des questions notamment sur leur sécurité et protection face aux malveillances. « Un robot à partir du moment où il est relié à internet peut être piraté », alerte Pierre Coliat, pharmacien et chef de service à l’ICANS. « Dans l’hôpital où je travaille, si cela arrive, on peut le débrancher et travailler en local. » Mais cette alternative-là n’est pas toujours envisageable. 

Hacker un pacemaker 

En 2012, un hacker avait démontré qu’il était possible de pirater un pacemaker et donc de tuer une personne à distance. En théorie. Car à ce jour, aucune personne n’est morte de cette manière. Il en est de même pour les sous-vêtements connectés. Plusieurs personnes avaient déjà démontré la facilité à pirater des sextoys. Globalement tous les objets connectés peuvent être piratés pour le vol de données personnelles revendues dans un second temps, ou bien pour interagir avec la personne à qui appartient ce robot ou cet objet. Et les personnes âgées dépendantes et/ou isolées sont déjà régulièrement la cible de malfaiteurs.

« Aujourd’hui, par exemple, on pourrait tout à fait imaginer des robots compagnons qui pourraient diffuser des pubs ou faire du démarchage téléphonique », continue Laurence Devillers, chercheuse au laboratoire d’informatique pour la mécanique et les sciences de l’ingénieur du CNRS et autrice de plusieurs ouvrages sur les robots. « À ce stade, rien ne l’empêche. Un robot est une machine artificiellement intelligente qui a été conçue par et pour des humains. Un robot est dénué de toute charge morale. On les éduque et on construit des gardes fous. »

Détecter des émotions 

Laurence Devillers tient toutefois à rappeler que les robots feront ce que leurs constructeurs programmeront. « Par exemple, certains robots compagnons sont en capacité de détecter les émotions », explique-t-elle. « Dans le monde du travail cela poserait un véritable problème, en revanche pour aider une personne âgée qui a peur par exemple, cela peut envoyer une alerte à un service d’urgence ou à un proche. C’est comme pour tout, cela va dépendre de ce que l’on va en faire. »

Le robot Nao-Joker est en capacité de comprendre quand son interlocuteur n’est pas à l’aise. Il peut alors tenter de le faire rire par une blague ou de le valoriser en pratiquant l’autodérision. 

« Pour qu’un robot fasse ce qu’on lui demande, il est nécessaire de l’entraîner », ajoute Laurence Devillers. « On va leur apprendre des tâches à faire et qu’ils vont devoir répéter. Pour les robots compagnons à destination des plus âgées, la question de la reconnaissance vocale se pose. »

Google robot chatbot
Source : Numerama avec Midjourney

La chercheuse rappelle que tout au long de la vie, la voix évolue, son intonation change et la manière dont on formule ses phrases aussi. À cela peuvent s’ajouter des difficultés d’expression dues à l’âge ou à des maladies neurodégénératives. « De fait, pour que les robots puissent interagir correctement avec des personnes âgées, il nous faut beaucoup de voix tests et de voix différentes. Sans ça, le robot ne sera pas en mesure de reconnaître la personne qui lui parle. »

En octobre 2023, une étude publiée dans Digital Medecine, alertait justement sur les biais que peuvent avoir les robots médicaux conversationnels. Les auteurs, chercheurs de l’école de médecine de Stanford en Californie ont fait part de leurs doutes et de leurs inquiétudes. Ils disent redouter que les robots médicaux tels qu’ils sont pensés aujourd’hui puissent causer de réels préjudices et continuent de perpétuer les inégalités médicales. Notamment les biais racistes, sexistes et âgistes.

En somme, les robots ne vont pas s’emparer d’un couteau pour poignarder votre grand-mère dans son sommeil, mais faute d’entrainement, ils pourraient ne pas comprendre sa détresse respiratoire et donc ne pas sonner l’alerte en cas d’urgence vitale.

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