Il y avait une époque où posséder un Blackberry faisait de vous la personne la plus cool de la pièce. Hélas, BB n’a pas réussi à percer assez rapidement sur le marché des smartphones et le lancement de BB10 en 2013 n’a pas freiné l’hémorragie de ses parts de marché. En 2015, le constructeur canadien espère bien retrouver les faveurs du grand public en sortant le Blackberry Priv, son premier téléphone sous Android, axé sécurité.

Si l’annonce du Blackberry Priv sous Android a de quoi surprendre, ce changement de plateforme intervient peut-être au bon moment pour l’entreprise qui peut profiter de l’énorme traction de la plateforme de Google pour distribuer son produit. Et pour une première expérience sur Android, le Blackberry Priv apporte son lot de bonnes idées dans le flot continu et monotone de téléphones Android. C’est parti pour un tour.

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Prise en main du Blackberry priv

Au premier abord, le Blackberry Priv ne passe pas inaperçu avec son grand écran doublement incurvé de 5,43″. Avec une telle diagonale, le Priv se range immédiatement dans la catégorie des grands téléphones. Si la taille d’un écran est une affaire de goût, le téléphone de Blackberry ne choque pas et la prise en main se fait facilement. De plus, son dos étant légèrement rugueux, il reste fermement en main lors de l’utilisation, même en mouvement.

L’écran est quant à lui absolument sublime… c’est même ce que nous avons préféré sur ce téléphone. Les bords incurvés offrent une expérience immersive à la fois dans les jeux ou dans les films, sans gêner l’utilisation comme cela peut être le cas sur un Samsung Galaxy Edge. La résolution qHD de l’écran sera appréciée dans une utilisation à la fois professionnelle ou pour le divertissement.

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Éteint, le téléphone ne nous charmera pourtant pas par son design. Dans sa robe noire, il est simple et élégant, presque banal. Une sobriété qui ne nous étonne pas de la part de BlackBerry dont le slogan « Serious Mobility for Serious Business » (Mobilité Sérieuse pour Entreprise Sérieuse) nous rappelle que le constructeur s’adresse aussi, encore et toujours, au monde de l’entreprise.

One more thing

Ce téléphone ne serait pas un Blackberry si… il n’avait pas un clavier physique ! Eh oui, le Canadien a réussi à glisser un véritable clavier sous l’écran du Priv. Paradoxalement, la nouveauté la plus évidente du Priv n’en est donc pas une. En slidant légèrement l’écran vers le haut, un « clic » satisfaisant révèle quatre rangées de touches capacitives et rétroéclairées — que la finesse du téléphone ne laissait pourtant pas suggérer.

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La présence d’un clavier physique sur un téléphone est — et reste — surprenante au quotidien. On ne s’habitue pas à un tel rappel au passé et on est partagé entre l’affection nostalgique et le réflexe gênant qui nous fait involontairement chercher le clavier virtuel sur l’écran. Pour des raisons qui nous échappent encore, on ne se lasse cependant pas d’ouvrir et de fermer le clavier, même quand on n’en a absolument pas besoin.

Déployé, on remarque que le poids du téléphone est correctement réparti entre le clavier et l’écran. Les 192 grammes du téléphone se feront par contre sentir lors d’une utilisation prolongée. Le clavier du Priv est directement intégré à l’interface du téléphone : une fois ouvert, il supplante le clavier virtuel qui n’apparait plus. Seul le bandeau des suggestions reste visible sur l’écran. Bien que, sur le papier, le clavier/trackpad propose des fonctionnalités intéressantes, il est desservi par sa petite taille et une mauvaise intégration.

Paradoxalement, la nouveauté la plus évidente du Priv n’en est donc pas une

Il est par exemple possible de se balader dans le corps du texte en déplaçant son doigt sur les touches, de défiler une page web en glissant son doigt de haut en bas, ou encore de sélectionner un mot suggéré par un glissement vers le haut et d’afficher les symboles par un glissement vers le bas. Toutefois, ces fonctions manquent cruellement de fiabilité, et ne répondent qu’une fois sur deux. De la même manière, taper pour rechercher sur la home du launcher fonctionne de manière complétement aléatoire. D’une application à l’autre, commencer un paragraphe n’activera pas la majuscule, la touche entrée ne validera pas votre message, taper deux fois sur la barre espace — le raccourci usuel pour afficher un « . » — ne fonctionnera point.

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Les avantages du clavier varieront pourtant grandement d’un utilisateur à l’autre. Dans notre cas, il  ne nous a pas semblé d’une grande utilité à l’usage. L’habitude fait que l’on tape désormais beaucoup plus vite sur le clavier virtuel. Concrètement, l’atout principal du clavier physique réside surtout, à l’usage, dans le gain de place à l’écran. On peut ainsi écrire une note ou un mail sans avoir un clavier virtuel qui prend un tiers de la place.

L’offre en smartphone avec clavier étant au mieux anecdotique, les utilisateurs étaient forcés de s’adapter. Avec le Priv, ils ont désormais le choix.

Si vous appréciez les claviers tactiles, il y a de fortes chances que vous soyez déstabilisés par le clavier du Priv, de la même manière que de passer d’un feature phone à un smartphone s’avère parfois difficile. Le clavier parlera surtout aux anciens utilisateurs de BlackBerry ou aux personnes qui ne se sont jamais habituées aux claviers sur écran. L’offre en smartphone avec clavier étant au mieux anecdotique, les utilisateurs étaient forcés de s’adapter.

Avec le Priv, ils ont désormais le choix. Mais c’est un poil trop tard.

Design & hardware

Sans être original, le design du Blackberry réussit à nous convaincre, notamment grâce aux bords incurvés qui donnent à l’écran qHD un effet de « piscine à débordement ». Le clavier ajoute un aspect très sérieux et professionnel. Dans l’ensemble, on regrette pourtant que les finitions ne soient pas plus travaillées, surtout pour un modèle haut de gamme. On pense par exemple au dos de l’appareil dont le plastique se plie à la moindre pression et donne à l’ensemble une impression de fragilité. Dans cette gamme de prix, on aurait préféré un dos en aluminium et des matériaux plus nobles.

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Pour la photo, le Priv dispose d’un capteur de 18 mégapixels signé Schneider Kreuznach allié à un double flash LED. Les photos et les vidéos sont de bonne qualité, même en faible luminosité. Hélas, l’application photo pêche par sa lenteur et il faudra attendre une seconde (dans le meilleur des cas) entre le moment où vous prenez la photo et celui où elle est sauvegardée.

Une photo en condition de faible luminosité

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La batterie non amovible de 3410 mAh offre une autonomie généreuse qui ravira les plus nomades d’entre nous. Nous avons pu tenir une journée entière sur la charge en utilisation intensive (jeux, surf, internet, téléphone et partage de connexion).

Côté matériel, le Priv est propulsé par un CPU 64-bit hexa-core Snapdragon 808 (2 x Cortex-A57 1,8 GHz et 4 x Cortex-A53 1,44 GHz) et un GPU Adreno 418 pour la partie graphique. L’ensemble est soutenu par 3 Go de RAM en DDR3. Cette configuration assure au BlackBerry des bonnes performances, pour toutes les tâches. Seul bémol, le smartphone a tendance à chauffer de manière importante, même dans un usage non intensif.

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Le Priv est livré avec 32 Go de mémoire interne, extensible jusqu’à 2 To grâce à un slot Micro SD, un bon point ici pour la firme canadienne. Le port Micro SD se trouve sur le haut de l’appareil, à côté du port Nano SIM. Entre autre, on retrouve la connectivité attendue sur le terminal (4G (cat. 6), Wi-Fi ac, Bluetooth 4.1, NFC et GPS).

Concernant la connectique, la prise Jack et Micro USB (pas d’USB C, hélas) se situent sur le bas de l’appareil. À droite, on trouve le bouton power et à gauche, les boutons volumes (qui servent également de déclencheur pour l’APN) et un bouton mute. Blackberry a également pensé à ajouter une petite LED pour les notifications en façade.

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Software : un smartphone vraiment sécurisé ?

Pour sa première expérience avec Android, le constructeur canadien n’a pas cherché à créer une surcouche envahissante. Le launcher BlackBerry a une interface très proche d’Android stock. Les puristes apprécieront et ils pourront  d’ailleurs désactiver les quelques modifications apportées par la marque.

Le constructeur a eu bonnes idées pour améliorer l’interface, à commencer par la possibilité d’afficher un widget lors d’un glissement sur l’icône de certaines applications ou encore de pouvoir affecter trois raccourcis au menu de Google Now qui apparait en glissant son doigt sur le bouton home. Blackberry propose également des raccourcis vers des fonctions au sein des applications. Vous pouvez par exemple placer un raccourci sur votre home pour envoyer rapidement un SMS à un contact prédéfini.

De gauche à droite : les raccourcis, le menu latéral, les raccourcis du bouton home

De gauche à droite : les raccourcis, le menu latéral, les raccourcis du bouton home

Le Priv vient préinstallé avec le Hub, qui se veut le centre névralgique de votre vie connectée. Il permet de relier au même endroit toutes vos adresses mails, calendrier, SMS ou autre compte Twitter et FB.

Les bords incurvés de l’écran permettent d’afficher le pourcentage de la batterie durant la charge ou d’actionner un volet où se trouvent les derniers mails, rendez-vous et prises de notes. Le clavier virtuel permet de valider rapidement une suggestion en glissant son doigt de bas en haut sur une lettre. On pourra cependant regretter l’absence de fonction à la « swype » qui justifie selon nous le téléchargement du clavier Android de Google.

Un smartphone sécurisé ?

Mais l’argument de vente principal du téléphone concerne la sécurité. Le Priv, raccourci de Privacy (confidentialité dans la langue d’Elie Goulding) en fait sa priorité. Le constructeur a sécurisé le système d’exploitation en renforçant le kernel et en permettant l’encryption des données. Ce que l’utilisateur gagne ici en sécurité, il le perd forcement en liberté puisqu’il ne pourra pas  déverrouiller le bootloader, pour rooter le téléphone et installer d’autres ROM. Il faudra également se passer de lecteur d’empreintes digitales.

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Le téléphone vient préinstallé avec DTEK et un gestionnaire de mots de passe, et deux applications qui sont spécifiquement orientées sécurité. DTEK propose d’effectuer une évaluation de différents critères de sécurité du système — plus ou moins subjective puisqu’on valide par exemple un critère de sécurité par le simple fait de posséder un téléphone BlackBerry. Certes. Parallèlement, l’app permet de visualiser les permissions système demandées par les autres applications. Cependant, DTEK ne permet pas de gérer les permissions à la carte comme sur Marshmallow (la dernière version d’Android) — qui n’est pour l’instant pas disponible pour le Priv.

Le Priv stagne pour l’instant sur Lollipop

Si on peut choisir de faire confiance à Blackberry pour la sécurité de son téléphone, il faut tout de même souligner que le Priv stagne pour l’instant sur Lollipop, la précédente version d’Android. Or, la nouvelle version de l’OS améliore largement la sécurité du système. Marshmallow permet, comme nous l’avons vu, la gestion de permission mais également le cryptage par défaut du disque et la gestion des empreintes digitales. Selon Copperhead, une société spécialisée dans la sécurité d’Android, les nouveaux Nexus sous Marshmallow seraient même sûrement plus sécurisés que le Priv. Et plus récemment, pour ne pas nous rassurer, John Chen, le CEO de BlackBerry, avait clairement pris position contre le chiffrement de bout en bout.

Conclusion

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Si Priv tient pour Privacy, il tient aussi pour Privilege. Et il faudra en effet être privilégié pour s’offrir le smartphone de BlackBerry puisqu’il est proposé au tarif de 779,00 €. À un tel prix, on peut se demander si le Priv trouvera un public, d’autant plus qu’Apple, en partenariat avec IBM, cible désormais agressivement le marché des entreprises. 

il faudra en effet être privilégié pour s’offrir le smartphone de Blackberry

Le clavier est l’élément qui distingue clairement le téléphone du reste du marché et lui assure un certain effet « wow ». Lors de notre essai, le Priv a souvent piqué la curiosité des nombreuses personnes qui étaient systématiquement prise de court à chaque fois que nous faisions coulisser le clavier. Toutefois, l’utilité du clavier variera grandement d’un utilisateur à un autre. Celui-ci arrive peut-être trop tard dans la mesure où le grand public, désormais usé au maniement du clavier tactile, aura sûrement du mal à reprendre la main sur son pendant physique.

Passé l’intérêt pour cette nouveauté, le Blakberry Priv se révèle être un smartphone efficace et performant, sans grande surprise. Son positionnement sur la sécurité qu’il est loin de pousser à fond pourrait, hélas, l’empêcher de devenir autre chose qu’une curiosité technologique.

Le verdict

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6/10

Blackberry Priv

Si les idées de BlackBerry sont bonnes sur le papier, elles sont bien souvent exécutées avec plus ou moins de réussite dans le geste. L’argument de la sécurité ne semble plus pertinent face aux derniers téléphones sous Marshmallow ou aux iPhone qui profitent d’une sécurité tout aussi bonne — voire supérieure. Ce smartphone pourrait vous plaire si vous n’avez jamais réussi à maîtriser un clavier tactile.

 

Source : Numerama

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