Une équipe de recherche australienne a réussi à concevoir un circuit quantique inspiré d’une molécule dans la nature. Le résultat fonctionne. Mais ce n’est pas encore commercialisable.

Il aura fallu 9 ans à cette équipe de recherche pour développer leur avancée publiée le 22 juin 2022 dans Nature. Ils ont réussi à imiter la structure et les états énergétiques d’un composé organique appelé polyacétylène. Ce faisant, ils ont conçu un circuit assimilable au premier processeur quantique. Et comme le processeur de nos ordinateurs, il est un élément essentiel des futurs ordinateurs quantiques.

Le challenge est de reproduire ce qu’il se passe dans la nature. Le circuit construit par l’équipe au sein d’une puce de silicium est une chaîne de 10 points quantiques (chacun composé d’un petit nombre d’atomes de phosphore) simulant l’emplacement précis des atomes que l’on retrouve dans la chaîne d’une molécule de polyacétylène.

Il s’agissait là d’un défi scientifique : « Si l’on remonte aux années 1950, Richard Feynman [le physicien] a dit que l’on ne pouvait pas comprendre comment la nature fonctionne si l’on ne pouvait pas construire la matière à la même échelle de grandeur qu’elle », détaille Michelle Simmons, sur le site de l’université de Syndey où elle a piloté ces travaux. « Et c’est donc ce que nous faisons, nous la construisons littéralement de bas en haut, où nous imitons la molécule de polyacétylène en mettant des atomes dans le silicium avec les distances exactes. »

La chercheuse Michelle Simmons. // Source : SQC
La chercheuse Michelle Simmons. // Source : SQC

Pour générer un système informatique quantique, il est nécessaire de générer des qubits comme unités de stockage. Il faut donc un état quantique. Dans le processeur développé par cette équipe, « les atomes eux-mêmes créent les qubits, ce qui nécessite moins d’éléments dans les circuits ». Seules six portes métalliques contrôlent le mouvement des électrons, « alors que la plupart des architectures de calcul quantique nécessitent presque le double, voire plus ». Le problème, c’est qu’un état quantique est très instable, soumis aux interférences — moins de composants limite, donc de problème.

Des ordinateurs commerçables, est-ce pour bientôt ?

Toute la difficulté est dans le travail d’orfèvre que cela représente : il faut l’exact même nombre de points quantiques que dans la molécule naturelle, l’exacte bonne taille des points et l’exacte bonne distance entre les points, afin que l’ensemble puisse fonctionner au sein de la puce de silicium. Une simple erreur dans la taille des points, par exemple, rend leur contrôle impossible.

En mesurant la façon dont le courant passait dans le processeur, il se trouve que les prédictions théoriques correspondaient parfaitement au résultat. « Cela signifie donc que nous pouvons maintenant commencer à comprendre des molécules de plus en plus compliquées en mettant les atomes en place comme s’ils imitaient le système physique réel », explique Michelle Simmons.

« Nous sommes proches de la limite de ce que les ordinateurs classiques peuvent faire »

michelle simmons

Cette réussite signifie qu’avec un tel processeur, on pourrait procéder à des opérations qui seraient infiniment plus lentes, voire tout bonnement impossibles, avec un ordinateur classique. Et si les chercheurs parviennent à augmenter le processeur à 20 points quantiques au lieu de 10, cela ouvre la voie à des calculs encore plus complexes. « Nous sommes proches de la limite de ce que les ordinateurs classiques peuvent faire, alors c’est comme si on dépassait une frontière pour aller vers l’inconnu. »

Quand cette avancée pourrait-elle se traduire en un dispositif utilisable et commercialisable — les premiers ordinateurs quantiques ? Michelle Simmons prédit qu’il serait envisageable d’avoir « une sorte de débouché commercial » d’ici à 5 ans. Le rendez-vous serait donc à envisager pour 2027, ce qui semble tout de même bien ambitieux.

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