Des scientifiques américaines ont évalué l’impact d’un carburant basé sur de la moutarde, à la place du pétrole, pour le transport aérien.

Les avions sont polluants. Ils ont une part dans les émissions de gaz à effet de serre — environ 12 %, selon certaines estimations, des émissions de dioxyde de carbone (CO2) provenant des transports. Limiter leur usage apparaît essentiel. Mais puisque les avions sont devenus si présents dans notre société contemporaine, certains scientifiques cherchent des solutions d’« atténuation », afin de limiter l’impact de ce moyen de transport. Une étude publiée en février 2020 suggérait par exemple de changer une toute petite habitude : faire voler les avions plus bas.

Mais un travail de recherche publié à la rentrée 2021, et commenté par les auteurs sur le site de leur université le 14 octobre, est un peu plus osé : un changement de carburant. Et pas des moindres, puisqu’ils proposent d’utiliser un carburant à base de plante.

Les émissions carbone réduites de 68 %

Dans son étude, l’équipe de recherche montre qu’il serait potentiellement envisageable d’abandonner le carburant à base de pétrole, pour utiliser à la place un composé basé sur un certain type de… moutarde. Il s’agit d’un oléagineux (une plante à graines/fruits riche en matière grasse), non comestible, appelé Brassica carinata ou moutarde d’Abyssinie. Il est possible d’en récupérer l’huile.

L’équipe de recherche a évalué la rentabilité et les émissions carbone d’un carburant basé sur des extraits de cette plante. Cela pourrait « contribuer à réduire l’empreinte carbone du secteur de l’aviation tout en créant des opportunités économiques et en améliorant le flux des services écosystémiques dans toute la région du sud [des États-Unis », affirme l’auteur principal Puneet Dwivedi, dans le commentaire de l’étude.

Car le résultat des calculs est assez surprenant : en théorie, cela fonctionne bel et bien pour réduire l’impact carbone. L’étude suggère que l’usage de l’huile de cette moutarde à la place du pétrole pourrait réduire les émissions jusqu’à 68 %. Ce chiffre est loin d’être négligeable lorsqu’on rappelle que la contribution des avions aux émissions de CO2 est autour de 12 %. Ce chiffre serait grandement réduit — or, chaque parcelle de CO2 émise en moins compte.

Les chercheurs insistent également sur la rentabilité de l’idée. À l’heure actuelle, le baril de pétrole dédié à l’avion coûte 0,50 dollar par litre. Le carburant à base de Brassica carinata coûte de son côté autour d’un dollar, mais, comme le relèvent les auteurs, avec la politique d’incitation mise en place par l’administration Biden qui propose des crédits d’impôt dès 50 % de réduction des émissions dans l’aviation, le coût tomberait entre 0,12 et 0,66 dollar.

Un champ de moutarde carianta. // Source : Bill Anderson

Un champ de moutarde carianta.

Source : Bill Anderson

« Si nous pouvons garantir l’approvisionnement en matières premières et fournir des incitations économiques appropriées tout au long de la chaîne d’approvisionnement, nous pourrions potentiellement produire des [carburants durables] à base de carinata dans le sud des États-Unis. » Et en effet, le sud des États-Unis a un climat adapté à cette moutarde, qui peut être cultivée même en hiver sans entrer en concurrence avec d’autres cultures agricoles alimentaires. Il faudrait toutefois investir dans des infrastructures de transformation, qui permettraient de transformer cette moutarde en carburant. Cela n’existe pas aujourd’hui dans le sud des États-Unis.

Mais c’est justement un élément sur lequel travaille dorénavant cette équipe de recherche, persuadée qu’il s’agit là d’une alternative plus durable, plus soutenable, qu’il s’agit donc de creuser.

Sur le papier, l’idée peut sembler étonnante. Le développement de solutions alternatives est cependant crucial : le dernier rapport du GIEC indiquait que l’amplitude de la réduction des gaz à effet de serre doit non seulement être forte, mais aussi être le plus rapide possible. Or, dans une économie mondialisée, des transports comme l’aviation sont devenus très ancrés : d’ici à ce que les pratiques changent, des mécanismes d’atténuation des émissions peuvent jouer un rôle important.


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