Vous vous installez confortablement dans votre lit, un livre entre les mains, mais ce n’est pas une lampe de chevet qui vous éclaire les pages : c’est une plante lumineuse. Voilà un futur qui met quelques étoiles dans les yeux. Pourrait-il devenir réalité ? En 2017, une équipe du MIT développait la première génération de plante bioluminescente visant ce type d’usage. « L’objectif est de fabriquer une plante qui fonctionnera comme une lampe de bureau — une lampe que vous n’aurez pas à brancher. La lumière est alimentée par le métabolisme énergétique de la plante elle-même », expliquait alors l’équipe de recherche.
Dans un papier publié le 17 septembre 2021, la même équipe présente la nouvelle génération de cette biotechnologie, basée sur des nanoparticules. L’objectif n’est plus seulement de faire briller des plantes, mais qu’elles puissent absorber la lumière, la stocker, puis le diffuser graduellement. « Créer une lumière ambiante avec l’énergie chimique renouvelable des plantes vivantes est une idée audacieuse. Elle représente un changement fondamental dans la façon dont nous pensons aux plantes vivantes et à l’énergie électrique pour l’éclairage », écrit Sheila Kennedy, qui a participé à cette étude.
Des plantes « rechargeables » grâce au Soleil ou à une LED
Le prototype développé par cette équipe du MIT repose sur de la nanobionique végétale, une discipline scientifique visant à intégrer des nanoparticules dans des pousses de plantes, pour conférer à ces dernières de nouvelles caractéristiques. Il s’agit, en somme, d’une ingénierie sur le vivant. C’est ainsi que l’équipe a développé les premières plantes bioluminescentes basées sur cette technique, en y intégrant des nanoparticules contenant de la luciférine et de la luciférase. Ces enzymes existent déjà dans le vivant, puisqu’elles confèrent leur luminescence aux lucioles ou à certains animaux aquatiques. Ce faisant, les scientifiques avaient déjà réussi à développer une pousse de cresson de 10 centimètres émettant, sur une période maximale de 3-4 heures, une petite quantité lumineuse. Par « petite quantité », il faut entendre un millième de la quantité nécessaire pour pouvoir lire. Mais c’était un bon départ.
Dans la nouvelle étude diffusée en septembre 2021, les scientifiques du MIT présentent leur dernière avancée : ils ont ajouté un condensateur au système afin d’accroître la durée et l’intensité de la luminescence. Mais, dans l’optique d’une bioluminescence, tout doit être basé sur un métabolisme biologique naturel. Les chercheurs se sont donc tournés vers le phosphore, un matériau capable d’absorber la lumière, puis de la retransmettre progressivement. Ils ont plus particulièrement utilisé de l’aluminate de strontium, un « luminophosphore », transformé en nanoparticules recouvertes de silice. Puis ils ont injecté ces nanoparticules directement dans les feuilles d’une plante, via des pores appelés stomates. Les particules s’accumulent alors dans la mésophylle, une couche interne de la plante où se situe aussi le siège de la photosynthèse. Elles se transforment, dans cette couche, en fine pellicule.
Grâce à cette technique, non seulement la luminosité est plus forte et plus longue, mais elle peut également être rechargée. La fine pellicule formée par les nanoparticules se situant dans la zone de photosynthèse, elle peut aisément absorber la lumière du Soleil ou celle d’une lampe LED. Après seulement 10 secondes d’exposition à une lampe LED bleue, les plantes modifiées peuvent émettre de la lumière pendant environ une heure — la lumière est à son maximum d’intensité pendant 5 minutes puis diminue peu à peu. Cela signifie que l’utilisation courte d’une « vraie » lampe pourrait suffire à une utilisation prolongée d’une plante luminescente — un rendement tout à fait intéressant.
À quand des plantes luminescentes de chevet ?
Ce développement scientifique est destiné à être utilisé, un jour, dans la vraie vie, en dehors des laboratoires. L’équipe de recherche a donc continuellement cet objectif en tête. Leurs résultats montrent qu’une diversité de plantes peut devenir luminescente grâce à ce système — du cresson comme lors des premiers tests, mais aussi du basilic et du tabac. Cela fonctionne également avec une plante surnommée « oreille d’éléphant », qui peut mesurer jusqu’à 1 mètre de diamètre — de quoi l’envisager pour de l’éclairage public.
Associer une plante luminescente à des dispositifs diffusant davantage la lumière est également faisable. Les auteurs montrent qu’il est possible d’« utiliser de grandes lentilles, comme une lentille de Fresnel, pour transférer notre lumière amplifiée sur une distance supérieure à un mètre », ce qui est constitue « un bon pas vers la création d’un éclairage à une échelle que les gens pourraient utiliser ».
Ensuite, pour un usage réel, se pose la question de la viabilité : le dispositif risque-t-il de « tuer » les plantes à petit feu ? D’après l’étude des chercheurs du MIT, la réponse est non : les nanoparticules ne semblent pas interférer avec le fonctionnement habituel des plantes, qui continuent à vivre normalement. Après une période de 10 jours, pendant l’expérimentation, les plantes étaient encore capables de procéder à de la photosynthèse, et les stomates (les pores par lesquels sont insérées les nanoparticules) remplissaient encore leur fonction habituelle d’évaporation. Enfin, les chercheurs ont réussi à extraire « environ 60 % » des nanoparticules des plantes, une fois une expérience terminée, afin de les réutiliser dans une autre plante.
La prochaine étape, pour mettre au point la génération suivante de plantes luminescentes, est de réussir à combiner les nanoparticules de phosphore utilisées dans cette étude, avec les nanoparticules de luciférine/luciférase utilisées dans l’étude de 2007. Cela pourrait augmenter la durée et l’intensité lumineuse.
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