Au Grand collisionneur de hadrons, les physiciens ont découvert un hadron qui s’avère doublement exotique : il remplit plusieurs caractéristiques tout à fait uniques jusqu’alors.

La matière observable qui vous entoure dans l’Univers est en grande partie constituée de quarks. Ces particules élémentaires se combinent en formant des particules composites appelées des hadrons — les protons et le neutrons en font partie. Ces hadrons sont habituellement composés de deux à trois quarks. Mais les physiciens découvrent, depuis quelques années, l’existence de hardons « exotiques » composés d’une plus grande quantité de quarks.

Le CERN, où est situé le grand collisionneur de hadrons (un accélérateur de particules), a annoncé ce 29 juillet 2021 avoir découvert un nouveau hadron exotique de ce type. C’est un tétraquark, c’est-à-dire un hadron composé de deux quarks et de deux antiquarks. Les physiciens lui ont conféré le doux nom de Tcc+.

Sauf que ce tétraquark est un peu plus exotique que beaucoup d’autres, car il sort encore davantage de l’ordinaire. « Cette découverte est celle d’un hadron exotique particulièrement unique, un hadron exotique-exotique en quelque sorte », annonce le CERN.

Deux fois plus de « charme »

Pour comprendre ce qui rend ce hadron exotique si unique, il faut d’abord rappeler que les quarks sont définis par ce que les physiciens appellent des « saveurs ». Il y en a plusieurs, aux noms des plus poétiques : down, up, strange, charm, beauty, truth. Ces saveurs font référence à des valeurs quantiques. Pour schématiser, un hadron comprenant un quark charm et un antiquark charm a un nombre quantique de zéro. Effectivement, les quarks charm apportent une valeur de 2, mais l’antiquark charm étant de l’antimatière, il apporte la même valeur opposée, -2, ce qui s’annule à 0.

Le nouveau hadron exotique découvert, Tcc+, contient deux quarks charm. Mais il ne contient pas deux antiquarks charm. Ses deux autres quarks sont un up et un down. Les deux quarks charm s’additionnent, sans être contrebalancés. « En l’occurrence, le nombre quantique en charm est de deux, donc il a deux fois plus de charme ! », commente le CERN.

La particule Tcc+ (le grand cercle rouge) contient deux quarks et deux antiquarks (les bulles à l'intérieur, sur l'infographie). Les deux quarks ont la saveur charm, mais ne sont pas contrebalancés par des antiquarks charm. C'est la première découverte de ce type. // Source : CERN

La particule Tcc+ (le grand cercle rouge) contient deux quarks et deux antiquarks (les bulles à l'intérieur, sur l'infographie). Les deux quarks ont la saveur charm, mais ne sont pas contrebalancés par des antiquarks charm. C'est la première découverte de ce type.

Source : CERN

Ce n’est pas tout, car la présence de saveurs up et down pour les antiquarks, face à deux quarks charm, constitue aussi une nouvelle découverte tout à fait unique. Les saveurs up et down sont plus légères que charm. « C’est la première particule découverte qui appartient à une classe de tétraquarks avec deux quarks lourds et deux antiquarks légers », explique le CERN.

« Tcc+ est le hadron exotique à la durée de vie la plus longue découvert à ce jour. »

Or, ce déséquilibre a un impact sur la vitesse de désintégration du hadron : puisque sa désintégration devrait être plus compliquée, il a une longue durée de vie, ce qui est là encore unique pour ce type de particule. « En effet, Tcc+ est le hadron exotique à la durée de vie la plus longue découvert à ce jour. »

Le CERN décrit cette particule comme « fascinante », et conclut son annonce en indiquant que, pour la suite, ce tétraquark Tcc+ est « une cible séduisante pour une étude plus approfondie ». Cela pourrait apporte une contribution précieuse dans la mise à l’épreuve des modèles physiques actuels et permettre d’accéder à des aspects jusqu’alors inaccessibles. Au-delà de nouvelles quêtes ciblant cette particule doublement exotique, il y a encore d’autres particules à découvrir qui pourraient être, elles aussi, doublement exotiques à leur manière.


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