C’est une évidence depuis quelques mois maintenant : au-delà des estimations, le nombre de personnes infectées par le coronavirus SARS-CoV-2 est largement sous-évalué dans les données directes. La première raison qui pousse les scientifiques à ce constat repose dans les cas asymptomatiques : leur place dans le tableau de la maladie est de plus en plus évaluée par des études. Ces personnes sont contaminées par le coronavirus, mais ne présentent pas le moindre symptôme. Ce faisant, sauf si elles sont éventuellement cas contact, elles échappent à tout dépistage. Des cas symptomatiques légers de la maladie peuvent également passer sous les radars. Les courbes présentent donc souvent une description non pas fausse, mais incomplète de l’étendue des infections.
« Les différences de dépistage et de traçage de la maladie Covid-19 d’un pays à l’autre, ainsi que l’évolution des tests dans chaque pays au fil du temps, font qu’il est difficile d’estimer le véritable taux d’infection (de la population) sur la base du nombre de cas confirmés obtenus par le dépistage viral », estiment les auteurs d’une étude parue le 18 novembre dans la revue scientifique Royal Society Open Science.
Ils utilisent alors une méthode de « backcasting » : à partir du nombre de décès associés à la maladie Covid-19 dans un pays, ils essayent de déterminer le taux d’infection le plus probable au sein de cette population donnée. Ils ont appliqué cette méthode aux États-Unis, au Canada, à l’Australie, à la Corée du Sud ainsi qu’à 11 pays d’Europe, dont la France ; ce qui représente 817 millions de personnes au total.
Un nombre réel six fois supérieur globalement
Malgré des « améliorations dans les taux de détection à mesure que la pandémie a progressé », les auteurs montrent qu’à la date du 31 août 2020, le nombre de personnes infectées par le coronavirus dans les 15 pays étudiés « était 6,2 fois supérieur que le nombre de cas rapportés » (chiffre médian, situé dans un intervalle de confiance compris entre 4,3 et 10,9).
Il s’agit là d’une évaluation à l’échelle de tous les pays sur lesquels les chercheurs se sont penchés. Cela peut varier considérablement d’un pays à l’autre. Ainsi, les auteurs estiment que le nombre réel de cas est 2,6 fois supérieur aux cas recensés en Corée du Sud, mais 17,5 fois supérieur en Italie. « Des pays comme la Belgique, la France, l’Italie et le Royaume-Uni ont un taux de détection très bas » par rapport à la réalité, écrivent les auteurs. Les courbes publiées dans ces pays représentent selon eux seulement 10 % de tous les cas Covid-19. La raison : le dépistage insuffisant. Car les pays qui ont, à l’inverse, un taux de détection proche du nombre de cas réels sont ceux qui ont « employé un dépistage généralisé », ou qui ont un faible taux d’incidence sur leur territoire.
Il y a un seul exemple présenté dans l’étude où la différence entre le taux de cas réels et les courbes présentées par le gouvernement a baissé au fil de la pandémie : l’Australie. Il s’agit, là encore, d’un problème de dépistage. Le taux de détection comparé aux cas réels estimés a chuté de 50 % à 21 % en quelques mois. Ce déclin est cohérent, selon les auteurs, avec une résurgence dans la propagation qui s’est accompagnée « d’une transmission invisible au sein des communautés par des personnes qui hésitaient à se faire tester, même si elles étaient malades, peut-être en raison de la perte de revenus associée à l’isolement.»
La clé du dépistage généralisé
Pour les auteurs, il est clair que cela met en évidence le besoin d’un « dépistage suffisant et à grande échelle — y compris pour les personnes asymptomatiques ». Un dépistage véritablement massif, non plus basé seulement sur les symptômes ni les cas contacts, permettrait en effet d’avoir un panorama de l’épidémie plus proche de la réalité et relève donc selon ces chercheurs « d’une importance capitale pour éclairer les décisions politiques sur la manière de financer et de gérer les effets de la COVID-19 sur la santé publique, la société et l’économie ».
Cette étude relève évidemment d’une simulation parmi d’autres, et les chiffres donnés sont indicatifs. Toutefois, cela rejoint les demandes de nombreux épidémiologistes. Sur les méthodes de gestion de l’épidémie, Catherine Hill affirmait dans nos colonnes qu’un dépistage large était nécessaire pour que le déconfinement ne mène à une nouvelle résurgence dans les contaminations.
Cette approche se confronte toutefois à un obstacle : il faut que les capacités techniques et humaines puissent suivre. Or, depuis la rentrée, les laboratoires ont du mal à ne serait-ce que recruter du personnel qualifié, ce qui freine le nombre total d’échantillons analysables par un même plateau technique.
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