SpaceX expérimente un satellite équipé d’un pare-Soleil. En principe, tous les autres qui seront mis en orbite à partir de juin seront équipés de cette visière spatiale. L’objectif ? Régler la pollution visuelle que causent ces engins.

Mis en cause par des astronomes du monde entier, SpaceX bouge enfin. L’entreprise américaine a donné le coup d’envoi le 4 juin d’un programme consistant à équiper ses futurs satellites d’une visière, afin d’empêcher la lumière du Soleil de les atteindre. De cette façon, espère l’entreprise américaine, ses satellites réfléchiront moins la lumière et seront par conséquent plus discrets dans le ciel, notamment la nuit.

Les débuts de ce programme sont toutefois bien modestes, puisque seul un satellite Starlink en est équipé pour l’instant, sur les 480 actuellement en orbite autour de la Terre. Il a été envoyé en orbite dans la nuit du 3 au 4 juin par une fusée Falcon 9, lors du huitième tir dédié à Starlink, depuis le complexe de lancement 40 de la base de lancement de Cap Canaveral, en même temps que 59 autres satellites.

Starlink est un projet très ambitieux qui entend essaimer des milliers de satellites autour de la planète pour apporter une couverture Internet aux régions mal desservies par des infrastructures de télécommunications. Mais ce programme a aussi ses critiques, chez les astronomes en particulier : ils font remarquer à raison que ces satellites brillent et gâchent certaines de leurs observations.

Des visières pour les satellites Starlink

« Dans le cadre de cette mission, nous lançons le premier satellite Starlink équipé d’une visière déployable pour empêcher la lumière du soleil de frapper les points les plus brillants de l’engin spatial », écrit SpaceX. Mais dès le tir suivant, tous les satellites Starlink seront équipés de série avec ces pare-soleil. C’est ce que l’entreprise indiquait en avril dernier, lors de la présentation de son plan.

Concrètement, il s’agit d’une visière déployable qui laisse passer les radiofréquences (ce qui est nécessaire non seulement pour communiquer avec les engins depuis le centre de contrôle, mais aussi avec atteindre les futurs clients de Starlink, et permettre aux satellites de se parler éventuellement entre eux), mais empêche la lumière d’atteindre la plupart des surfaces du satellite.

Un revêtement semblable recouvre aussi les antennes paraboliques situées sur les côtés, indique l’entreprise américaine. Une solution un peu technique, mais qui permet du même coup de protéger le satellite de certains désagréments thermiques, qui seraient apparus en peignant simplement les satellites en noir — une couleur qui absorbe la lumière. Comme l’énergie n’est pas renvoyée, ça chauffe.

Avec ce pare-soleil, SpaceX pense pouvoir rendre les satellites invisibles à l’œil nu, en faisant passer sa magnitude au-delà 7. Il s’agit d’une mesure de luminosité d’un objet spatial vu depuis la Terre. Pour un œil humain, la limite de perception couramment admise est de 6.  Plus la luminosité est basse, plus l’objet est brillant. Le Soleil, par exemple est à -26,8. La pleine Lune, à -12,6. Uranus, à 6.

« Les objets jusqu’à environ 6,5-7 de magnitude sont visibles à l’œil nu (la visibilité à l’œil nu est plus proche de 4 dans la plupart des zones urbaines), et notre objectif est que les satellites Starlink aient une magnitude de 7 ou plus pour presque toutes les phases de leur mission », écrit SpaceX. Suffisant pour masquer la pollution visuelle pour le tout venant. Mais pour les astronomes, ça ne sera pas toujours le cas.

Visorsat

Un visuel partagé par SpaceX qui montre le principe des protections au niveau des antennes.

La cohabitation, inévitable

Si d’autres techniques d’atténuation peuvent être envisagées, comme l’angle du satellite par rapport au Soleil pour le mettre hors de vue d’un observateur terrestre, certains instruments astronomiques sont si sensibles qu’ils verront toujours les satellites, quelle que soit la solution envisagée, puisqu’ils cherchent justement à capter d’infimes lueurs dans l’immense obscurité de l’univers.

« L’immense zone de collecte des grands télescopes induit une perceptibilité qui rendra visible même les satellites les plus sombres, si sensibles qu’il ne sera pas possible de construire un satellite qui ne produira pas de stries, dans une longue prise de vue », prévient SpaceX, même s’il y a toujours des beaucoup à faire pour réduire l’impact des traînées de satellite.

Il faudrait alors qu’ils soient invisibles, ce qui est impossible. Dès lors, pour continuer le projet Starlink tout en laissant le champ libre aux équipements optiques les plus avancés sur Terre, SpaceX suggère de faire appel à des stratégies déjà en place pour traiter des problèmes de ce genre. Par exemple, la superposition et l’assemblage de clichés (« frame stacking ») en astrophotographie.

Observatoire Vera-C.-Rubin

L'un des miroirs de l'observatoire Vera-C.-Rubin, en cours d'assemblage.

Source : LSST

En 2019, Elon Musk avait ouvert le débat sur l’avenir des stations d’observation au sol, en arguant que les caractéristiques physiques de l’atmosphère restent un handicap majeur (c’est pour cela que les grandes installations sont déployées en altitude, pour avoir une vue aussi dégagée et limpide que possible). En clair, il faudrait envoyer plein de Hubble, de façon à ne plus avoir Starlink dans le champ de vision.

Mais de la théorie à la pratique, il y a un gap : pour des raisons de coût et de maintenance, il reste pertinent de faire des observations depuis le sol, d’autant que l’on peut aussi bâtir des installations plus vastes. Celui de l’observatoire Vera-C.-Rubin présente par exemple un miroir principal de 8,42 mètres de diamètre et sa sensibilité exceptionnelle : il peut voir des objets dont la magnitude atteint 24.

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