Le ministre brésilien de l’environnement a déclaré, lors d’une réunion censée être confidentielle, qu’il fallait profiter d’une couverture médiatique tournée vers la pandémie pour poursuivre la politique de dérégulation environnementale.

« Pendant ce temps-là… » Comme on vous en parlait déjà en avril 2020, la pandémie causée par la maladie Covid-19 n’est pas sans conséquence sur l’Amazonie. Profitant de la crise, les pratiques agressives et illégales de déforestation s’accroissent, ce qui ne fait qu’augmenter la menace qui pèse sur la riche biodiversité locale, mais aussi sur les humains qui y vivent, les peuples indigènes.

De nouvelles études et enquêtes viennent encore attester que les derniers mois ont été catastrophiques en matière de déforestation dans la région. L’affaire a autant des versants environnementaux que sociaux et politiques. Le 22 avril 2020, le ministre brésilien de l’environnement Ricardo Salles déclarait, lors d’une réunion qui était censée être confidentielle, qu’il fallait profiter de la pandémie pour intensifier la dérégulation des lois environnementales : « Pendant que nous sommes dans ce moment de calme en matière de couverture médiatique, parce qu’ils ne parlent que de Covid-19, nous devons faire en sorte de changer les règles et de simplifier les normes. C’est le moment de joindre nos forces pour simplifier les régulations ».

Une logique qui rejoint l’orientation politique du gouvernement de Jaïr Bolsonaro visant à alléger la législation en matière de sanctions contre les destructions environnementales.

La déforestation en Amazonie a bondi de 53 % sur la période octobre 2019 / avril 2020. // Source : Ibama / Wikimedia

La déforestation en Amazonie a bondi de 53 % sur la période octobre 2019 / avril 2020.

Source : Ibama / Wikimedia

En tout cas, les ONG et l’opposition ne sont pas passées à côté de cette déclaration. Tandis qu’une ex-ministre décrit la scène comme un « spectacle horrifique », Greenpeace Brésil ajoute que « Salles estime que les personnes qui meurent dans les files d’attente des hôpitaux sont une bonne occasion de faire avancer son projet anti-environnemental.» L’administration du Président d’extrême droite Jaïr Bolsonaro est accusée depuis son arrivée au pouvoir de mener une politique qui nuit gravement à l’écosystème brésilien, et de favoriser par la même occasion les violences illégales envers les peuples indigènes et les petits agriculteurs. Les nouvelles informations confirment toujours un peu plus cette orientation problématique.

La part belle à l’exploitation forestière illégale

Dans un rapport d’enquête publié le 20 mai, l’organisation Human Rights Watch vient rappeler que le problème de la déforestation ne fait que s’accroître justement en raison des politiques publiques relâchant les sanctions. Et, oui, c’est bel et bien le cas : un décret promulgué courant 2019 a changé toute la procédure d’inspection, de conciliation et de sanction, à tel pont que cela freine considérablement les amendes punissant l’exploitation forestière illégale, dont l’impunité s’accroît.

Les conséquences sont mises en avant dans une enquête de la version brésilienne du média d’investigation The Intercept. Si l’on compare les 100 premiers jours de 2019 et de 2020, les ordres d’inspection ont diminué de 22,5 % dans tout le pays, passant de 511 à 396. Les avis d’infraction quant à eux ont diminué de 10 %. Si l’on compare également d’une année à l’autre par le montant total des amendes récoltées, on passe de 713,4 millions de réals à 412 millions, soit une chute de 42 %, laquelle met bien en lumière une production réduite de sanctions allant jusqu’au bout de la procédure.

L’Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles renouvelables a par ailleurs révélé à Human Rights Watch n’avoir tenu aucune audition d’infraction d’octobre 2019 à janvier 2020. Puis à partir de ce début d’année, ces auditions ont été tout bonnement suspendues indéfiniment, « en invoquant la pandémie de Covid-19, même si les audiences pouvaient être tenues à distance par vidéoconférence », écrit l’ONG.

« La déforestation légale représente plus l’exception que la règle »

Ces politiques publiques moins dissuasives et moins punitives se retranscrivent dans l’étendue de la déforestation, en roues libres. Les données de l’Agence spatiale brésilienne suggèrent effectivement que la période d’octobre 2019 à avril 2020 connaît une déforestation augmentée de 50 % par rapport à la même période un an auparavant (octobre 2018 à avril 2019). Et cette déforestation peut être directement reliée à la nouvelle législation, car une étude de MapBiomas montre que moins de 1 % de l’exploitation forestière en Amazonie est légale. « Le rapport indique que le taux d’illégalité dans la déforestation est extrêmement élevé, au point que la déforestation légale représente plus l’exception que la règle », écrit Tasso Azevedo, le coordinateur de MapBiomas.

Voilà donc des rapports qui confirment que la politique menée par l’administration de Bolsonaro favorise le danger qui pèse sur la forêt amazonienne et ses habitants, et que ce danger semble avoir encore augmenté à l’ombre de la pandémie. Le Brésil est d’ailleurs devenu un nouvel épicentre, et comme le relève la revue scientifique Nature, la rhétorique et les décisions anti-scientifiques du gouvernement — la même logique qui pose les problèmes environnementaux — n’aident pas à freiner la propagation de la maladie et, au contraire, aggrave la situation.

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