Des chercheurs du CERN ont procédé à une expérience inédite : chercher la matière noire à l’aide d’antimatière. Ces deux grands mystères de l’Univers pourraient être résolus si on les met en relation, selon cette équipe.

Si on postule que la matière noire existe, il n’en existe pourtant aucune preuve, car on ne l’a jamais observée. Il y aurait pourtant cinq fois plus de matière sombre que de matière ordinaire, dans l’Univers. Pour la détecter, les scientifiques redoublent d’inventivité. Une récente proposition suggère de tout simplement essayer de l’« écouter ». Mais le CERN cherche à faire coup double : trouver la matière noire grâce à une autre matière étrange, à savoir l’antimatière. L’expérience est décrite dans un article publié le 13 novembre 2019.

L’antimatière est « bizarre » mais son existence est prouvée. La masse d’une antiparticule est la même que pour sa particule jumelle, mais ses caractéristiques sont inversées. Par exemple, l’électron, particule chargée négativement, trouve son opposé dans le positron, antiparticule chargée positivement. Aux origines, le Big Bang a créé à la fois de la matière et de l’antimatière… et normalement, en des quantités équivalentes. Pourtant, aujourd’hui il existe une asymétrie : tout ce que nous observons est majoritairement fait de matière. Expliquer les raisons de cette asymétrie est un défi de tous les instants pour les physiciens.

Un physicien en train de travailler sur l'expérience matière noire / antimatière. // Source : CERN

Un physicien en train de travailler sur l'expérience matière noire / antimatière.

Source : CERN

Les scientifiques du CERN ont pris l’initiative de partir en quête de la matière noire… à l’appui de l’antimatière. Mais comment l’un des éléments les plus énigmatiques de la physique pourrait aider à trouver… un autre des éléments les plus énigmatiques ? Les « chasseurs » de matière noire procèdent habituellement en isolant une particule de matière, afin d’y déceler une anomalie qui pourrait prouver une interaction avec la matière noire. L’équipe de la collaboration BASE (Baryon Antibaryon Symmetry Experiment) a remplacé ces particules « normales » par des antiprotons.

Les antiprotons peuvent-ils aider à trouver des axions ?

Les chercheurs du CERN ont piégé les antiprotons au sein d’un appareil nommé Penning trap, où un champ électromagnétique isole les antiprotons dans le vide. Cela empêche également leur annihilation par le contact avec de la matière ordinaire. Dans ce contexte, l’antiproton devrait normalement garder des propriétés constantes par rapport à celles qui  ont été préalablement mesurées par les scientifiques.

Ils ont mesuré les caractéristiques des antiprotons dans chacun de leurs états de rotation. C’était un travail titanesque — mille mesures en trois mois — qui leur a permis d’obtenir un temps moyen de rotation. Avoir un ordre d’idée du cycle habituel de l’antiproton permet de déceler une éventuelle fluctuation dans cette constance : l’anomalie ainsi détectée, un changement anormal dans la rotation, signifierait que des axions de matière noire seraient intervenus. Découvrir que l’antimatière interagit avec la matière noire pourrait non seulement prouver l’existence de cette dernière, tout en éclaircissant le mystère de l’antimatière manquante dans l’Univers.

Chercher très précisément des axions n’est pas anodin, c’est un postulat de départ sur lequel tout le monde n’est pas d’accord. Cette particule hypothétique n’est qu’un candidat parmi d’autres pour essayer d’expliquer l’existence potentielle de la matière noire. Comme nous l’expliquaient des physiciens des particules dans notre récapitulatif sur le sujet, cette matière pourrait être justifiée par des particules élémentaires nommées Weakly Interacting Massive Particles, mais puisqu’on ne les trouve pas, d’autres pistes s’ouvrent. Et parmi elles, il y a les axions.

Cette nouvelle technique de recherche n’a pour l’instant, et comme souvent, débouché sur aucune trouvaille majeure. Les scientifiques du CERN ne s’avouent pas vaincus et vont continuer à chercher la matière noire via cette technique. Elle représente selon eux une « recherche unique en son genre de nouveaux phénomènes inattendus, susceptibles de mener à des modifications extraordinaires de notre compréhension actuelle du fonctionnement de l’Univers ».

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