Les lauréats du Prix Nobel 2019 sont annoncés toute cette semaine du 7 au 14 octobre 2019. Le Nobel de médecine a été remis à ceux qui ont découvert la réaction moléculaire face aux variations d’oxygène, puis celui de physique est allé à un trio à l’origine des premières découvertes d’exoplanètes. Ce 9 septembre, c’est au tour du Prix Nobel de chimie : John Goodenough, Stanley Whittingham et Akira Yoshino sont récompensés pour avoir conçu les batteries au lithium (ou lithium-ion / li-ion).
Cette invention a « révolutionné nos vies », indique le prix Nobel dans un tweet. Et en effet, on retrouve des batteries au lithium-ion dans nos outils technologiques du quotidien : piles, smartphones, tablettes, ordinateurs et même dans les voitures électriques. En plus d’être le métal le plus léger du monde, l’intérêt des batteries qui en découlent est qu’elles sont rechargeables. « Avec leur travail, [les lauréats] ont posé le fondement d’une société sans fil et libéré des énergies fossiles », ajoute le jury du prix.
Mais, en plus d’un recyclage trop partiel voire inexistant, la production des batteries au lithium est bien loin de ne poser aucun problème écologique.
L’extraction du lithium : un désastre hydrique
À l’ère du numérique, la demande en métal est exponentielle. Si un smartphone ne contient que quelques grammes de lithium, une voiture électrique — dont la production ne fait que croitre — en a besoin par plusieurs kilogrammes. Si 2 millions de véhicules électriques ont été vendus en 2018, cela devrait passer à 10 millions en 2025, puis 28 millions en 2030, selon des estimations de Bloomberg. Le prix du produit augmente lui aussi, en toute logique, en même temps que la demande. En bref, un métal comme le lithium est devenu le nouvel or et ce n’est probablement pas près de changer.
Pour les pays extracteurs de lithium — Australie, Chili, Argentine, Bolivie — l’enjeu économique est énorme. Ce n’est pas sans conséquence écologique due à l’extraction toujours plus élevée de ce métal. Dans son numéro de février 2019, le magazine National Geographic pointait ainsi du doigt la « ruée vers l’or blanc » en Bolivie : le plus grand désert de sel du monde y est menacé. Puisque 17 % du lithium planétaire se trouve dans ses profondeurs, les constructions de mines se multiplient, au mépris de toute réglementation écologique.
L’écosystème fragile de ce précieux désert se retrouve menacé. La région est aride et la population souffre du manque d’eau douce. Or, l’extraction de lithium nécessite de puiser, justement, des litres et des litres d’eau. Le processus consiste effectivement à creuser un trou afin de pomper de la saumure dans les nappes phréatiques. La substance aqueuse reste plusieurs mois à l’air libre dans des bassins, pour qu’elle puisse s’évaporer, ce qui forme une mixture qui est filtrée avant d’en récupérer le lithium.
Le même problème de surexploitation des eaux douces se pose dans le désert de sel du Chili, l’un des plus grands lieux au monde de production de lithium. Non seulement les populations subissent cet assèchement, notamment les fermes aux alentours qui sont mises en difficulté, mais l’environnement se dégrade également car les plantes et les arbres dépérissent.
Des polémiques sur la pollution présumée du lithium
L’épuisement des ressources en eau représente donc un véritable enjeu — assez incontestable — face à au lithium. En revanche, les études scientifiques viennent à manquer concernant une éventuelle pollution directe de la production de lithium. Il n’est pas possible d’en arriver à une règle générique établissant si elle est polluante ou non, d’autant que les méthodes d’extraction peuvent varier. Pour autant, cette problématique enfle de plus en plus par des témoignages et des alertes d’ONG.
Depuis quelques années, les Tibétains se plaignent d’une mine de lithium installée par la Chine dans la province du Sichuan. Les locaux dénoncent des fuites de produits chimiques, polluant les eaux et tuant les animaux. Ce serait notamment le résultat de l’usage d’acide chlorhydrique pour faciliter le processus d’évaporation du lithium.
« La transformation du lithium nécessite en outre des produits chimiques toxiques » selon Les Amis de la Terre
«L’exploration du lithium a des conséquences écologiques et sociales importantes sur les lieux d’extraction, en particulier à cause de la pollution et de l’épuisement des ressources en eau. », affirme l’ONG Les Amis de la Terre dans une enquête publiée en février 2013. Dans son rapport, l’organisation s’inquiète que « la transformation du lithium nécessite en outre des produits chimiques toxiques. Les communautés, les écosystèmes et les aliments produits peuvent être dangereusement exposés à des rejets. »
Si l’invention des batteries au lithium-ion a bel et bien révolutionné nos vies, et qu’il ne s’agit pas de remettre en question la légitimité de ce Prix Nobel, il convient pour autant d’être prudent. Elles peuvent certes permettre de sortir des énergies fossiles, mais il ne faut avoir aucun angélisme sur un prétendu aspect « green » ou « propre » de ces batteries. Et des alternatives intéressantes sont en train d’émerger, comme les batteries au fluorure.
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