Pour répondre à une polémique sur la diffusion payante des publications scientifiques sans autorisation expresse des chercheurs, le Gouvernement va proposer une modification de la loi sur le droit de reprographie. Mais la loi ne devrait pas avancer dans un sens favorable au développement de l'Open Access. 

L'affaire avait soulevé l'indignation d'une partie de la communauté scientifique française. L'an dernier, l'enseignant-chercheur Olivier Ertzscheid avait poussé un coup de gueule remarqué sur son blog, en accusant l'Institut de l'Information Scientifique et Technique (INIST) de vendre sur son site internet Refdoc des reproductions de publications scientifiques sans que les auteurs aient donné leur accord.

Pour ce faire, l'INIST se reposait sur les dispositions de l'article L122-10 du code de la propriété intellectuelle, qui oblige depuis 1995 les auteurs à céder leurs droits de reprographie à une société de gestion collective (en pratique le Centre Français d'exploitation du droit de Copie, CFC), dès lors que leur oeuvre est publiée. L'INIST pensait alors pouvoir s'adresser directement au CFC pour obtenir les licences lui permettant de revendre les textes, d'ailleurs fort cher – actuellement entre 11 et 50 euros selon le mode de livraison, dont 2,90 euros au titre du "droit de copie" reversé au CFC.

Mais comme l'a rappelé la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 27 mai 2011, la loi de 1995 n'autorise pas le CFC à vendre des licences pour des exploitations commerciales des oeuvres, sauf à ce que les auteurs aient donné leur accord. L'INIST n'a donc que deux possibilités : soit donner l'accès gratuitement aux publications scientifiques, ce qui est rendu impossible par l'obligation de payer une redevance au CFC y compris pour les utilisations non-commerciales ; soit vérifier une à une la légalité de la mise en vente de chaque publication scientifique.

Ce dernier scénario n'arrange évidemment pas l'INIST, qui devrait concrètement vérifier que les contrats passés avec les éditeurs prévoient une cession des droits d'exploitation commerciale du droit de reprographie, ou obtenir directement l'autorisation écrite auprès de chaque auteur. Pour le moment, comme le décrit très bien Lionel Maurel sur son blog, l'INIST fait le dos rond en espérant limiter le nombre des plaintes. Il a pas par ailleurs déposé un pourvoi en cassation pour tenter de casser l'arrêt de la Cour d'appel, ce qui paraît improbable.

Mais une réforme législative pourrait intervenir pour le sauver, et ce ne sera probablement pas au bénéfice des chercheurs.

Le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche a en effet annoncé qu'il allait organiser d'ici juin 2013 "une concertation des acteurs du domaine concerné afin d'étudier les évolutions possibles du droit pour faciliter la diffusion de l'Information Scientifique et Technique". Or il ne s'agira pas comme on peut le souhaiter de légaliser la reproduction gratuite des travaux de recherche à titre non commercial, puisque le ministère précise que la loi nouvelle ne devra pas "porter atteinte aux droits patrimoniaux des auteurs ni à ceux des éditeurs".

Concrètement, il devrait donc s'agir de modifier l'article L122-10 du code de la propriété intellectuelle pour que le CFC bénéficie également d'une cession automatique des droits d'exploitation commerciale, à charge pour les auteurs de se faire connaître pour toucher leur dû.

Quelle place pour l'Open Access ?

Reste à aménager cette loi avec le mouvement d'Open Access, dont le ministère dit pourtant ne pas minimiser l'importance.

Traditionnellement, les chercheurs qui écrivent dans des revues scientifiques payent pour y être publié (sic), et ceux qui veulent accéder à ces travaux payent pour les lire. Double bénéfice pour les éditeurs des revues scientifiques, qui profitent du fait que les chercheurs ont besoin de paraître dans les plus prestigieuses pour établir leur notoriété et assurer leur avancement professionnel. Le mouvement de l'Open Access cherche donc à casser cette mécanique diabolique qui ne profitait qu'aux éditeurs privés, au détriment de la communauté scientifique et de la diffusion des savoirs (c'est tout l'objet du combat mené par feu Aaron Swartz).

Or, non seulement l'INIST vendait sans autorisation les copies des publications sur son site, mais en plus il le faisait sans signaler aux lecteurs que beaucoup de ces publications étaient aussi disponibles par ailleurs gratuitement à l'initiative des auteurs, notamment sur des bases de données Open Access, dans leur version électronique.

Sur ce point, le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche annonce uniquement un changement d'orientation du portail Refdoc. "Lors de sa création, il n'avait pas vocation à se substituer aux portails spécialisés de recherche documentaire Open Acces, ni encore moins à un moteur de recherche généraliste qui permet de trouver une publication sous ses différentes formes de diffusion. Néanmoins, dans le cadre de ses missions de fourniture d'accès à l'IST, et compte tenu de l'évolution rapide de l'Open access, l'INIST va mettre en place en 2013 une procédure qui devrait permettre de rapprocher les articles signalés dans le portail REFDOC sous leur forme initiale éditoriale, de leur version diffusée librement, le cas échéant, dans une archive institutionnelle française en ligne", écrit le ministère.

Cette évolution a déjà été amorcée avec la présence de liens qui permettent désormais de rechercher en un clic si une publication payante est disponible par ailleurs en Open Access sur HAL ou Base Lab. Le premier compte environ 200 000 références, contre 40 millions pour le second. "Cette nouvelle possibilité de recherche va s’étendre rapidement à d’autres réservoirs d’archives ouvertes", assure l'INIST.

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