Qui a dit qu’une fois sortie des ateliers d’assemblage, une fusée n’évoluait plus ? Certainement pas ArianeGroup : alors que la carrière d’Ariane 6 débute tout juste, ses équipes d’ingénierie, ainsi que l’ensemble des sous-traitants, sont à pied d’œuvre pour l’améliorer. Cela, alors qu’elle n’a dans les pattes que trois missions à peine, vol inaugural compris.
En réalité, ce n’est pas une surprise : on sait depuis des mois que la « star » des fusées européennes fait l’objet d’un plan pour lui fournir des moteurs plus performants, aussi bien pour ce qui est des boosters latéraux que de la propulsion du premier et du second étage. Il est aussi question d’optimiser la structure, notamment pour alléger la masse du lanceur.
Place au polymère renforcé de fibres de carbone
Signe de l’importance d’aller grappiller un allégement là où c’est possible, l’existence du projet Pheobus. Il s’agit d’un travail exploratoire visant à juger de la pertinence de renoncer au métal pour former les réservoirs supérieurs d’Ariane 6. À la place, une structure à base de polymère renforcé de fibres de carbone (PRFC / CFRP) serait mobilisée.

Comme le pointe l’Agence spatiale européenne, ce remplacement est en train d’être évalué par ArianeGroup ainsi que MT Aerospace, une société allemande qui fabrique des pièces pour les fusées et les avions. Et jusqu’à présent, les progrès sont jugés assez convaincants pour considérer l’emploi du PRFC sur les réservoirs d’Ariane 6.
Le polymère renforcé de fibres de carbone a pour avantage notable d’être extrêmement léger par rapport au métal. Il est également très résistant. Ces deux propriétés font d’ailleurs du PRFC un matériau composite très utilisé désormais, des vélos aux voiliers, en passant par les fuselages d’avion, les véhicules ou encore le génie civil.

Pour une fusée, la question du poids est centrale. Plus un lanceur est lourd, plus il faut mobiliser du carburant pour qu’il s’arrache à la gravité terrestre — un carburant additionnel qui contribue à alourdir l’ensemble. De fait, cela a une incidence à la fois sur les performances de la fusée, et sur ce qu’elle peut transporter en charge utile.
Ainsi, comme l’explique l’ESA, il s’agit de rendre la fusée lourde Ariane 6 moins lourde. Aujourd’hui, son poids oscille de 530 à 860 tonnes selon la version. Mais alors, pourquoi ne pas adopter immédiatement ce polymère renforcé de fibres de carbone, s’il présente un profil aussi séduisant ? À cause de challenges techniques pas évidents à franchir.
Le problème ? L’oxygène liquide à -180° C
Le problème central, c’est de pouvoir stocker de l’oxygène liquide à -180° C alors qu’il s’agit d’une substance à la fois très réactive et potentiellement corrosive. Or, retirer plusieurs tonnes à la fusée Ariane 6 en la rendant peut-être plus exposée à des risques de rupture, et donc de catastrophe, serait une impasse. Il ne faut pas se tromper.
La bonne nouvelle, c’est que l’équipe du projet « a trouvé le mélange de matériaux et la configuration parfaits pour résister à la fois à la corrosion par l’oxygène et aux températures froides, de sorte qu’il peut supporter des conditions extrêmes sans se fissurer », se félicite l’ESA. Et des tests sur des modèles réduits de réservoir s’avèrent très encourageants.
En effet, continue l’ESA, « de petits réservoirs de démonstration ont montré que même sans revêtement protecteur, le polymère renforcé de fibres de carbone pouvait contenir de l’oxygène sous forme liquide sans fuite ni réaction ». Mais maintenant, il faut pouvoir le vérifier sur un modèle de réservoir de grande taille.
C’est justement cette phase qui est désormais en cours, avec un exemplaire de 3,5 mètres de diamètre en cours de production. Ce chantier doit se finir dans les mois à venir. Viendront ensuite des tests supplémentaires et, si les mêmes constatations de bonne tenue du matériau sont observées, c’est un changement qu’on devrait finir par voir sur Ariane 6… et Ariane Next.
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