Le « brain freeze », ou « céphalée due à un stimulus froid », se ressent quand on mange une glace ou lorsque on consomme une boisson très froide. Les études menées sur ce phénomène, généralement sans gravité, mais soutenu par des mécanismes neurologiques plus complexes qu’il n’y paraît, aident à approfondir les connaissances sur les réactions du cerveau soumis au froid, mais également sur les facteurs de risque de migraine.

Vous êtes en train de prendre un granité, cette boisson à base de glace pilée ou de mordre trop rapidement dans une crème glacée. Et soudain, vous ressentez une douleur aiguë, glaciale et lancinante, aussi brève qu’intense, qui vous traverse le front. Selon la classification internationale des céphalées, il s’agit d’une « céphalée due à un stimulus froid », également connue sous le nom de « mal de tête dû à la glace », en anglais brain freeze. Et bien que cela puisse paraître trivial, ce phénomène révèle une complexité neurologique et médicale surprenante.

Ces dernières années, plusieurs recherches ont révélé que ce petit « mal de l’été » pourrait nous en apprendre davantage sur le traitement des migraines, les réactions cérébrales au froid et, de manière surprenante, sur la manière de protéger le cerveau dans des situations critiques.
Un signal envoyé au cerveau

Le brain freeze est une douleur frontale ou temporale de courte durée, qui peut être intense. Chez les personnes sensibles, elle est provoquée par le passage d’un élément froid (solide, liquide ou gazeux) au niveau du palais et/ou de la paroi postérieure du pharynx.

Ce changement brusque de température provoque une vasoconstriction, suivie d’une vasodilatation des vaisseaux sanguins dans cette zone. Le nerf trijumeau, qui relie le visage au cerveau, interprète ce changement comme une menace thermique et envoie un « signal de douleur » au cerveau.

Ce qui est curieux, c’est que cette douleur n’est pas ressentie dans la bouche, mais au niveau du front ou des tempes. C’est ce qu’on appelle « une douleur référée » (On parle aussi de douleur projetée, ndlr) : le cerveau interprète mal la source du stimulus, ce qui est très courant dans d’autres types de douleurs viscérales.

Un article publié dans Critical Care Medicine, en 2010, sous le titre provocateur « Can an ice cream headache save your life? » (en français « Un mal de tête causé par une glace peut-il vous sauver la vie ? »), suggérait que les mécanismes à l’origine du brain freeze pourraient inspirer des stratégies cliniques visant à protéger le cerveau après un arrêt cardiaque, en ayant recours à l’hypothermie thérapeutique. Ce type de réactions neurovasculaires rapides aiderait à réguler la pression intracrânienne, le flux sanguin cérébral et les réflexes autonomes.

En d’autres termes, une glace peut activer des mécanismes que les médecins tentent de reproduire de manière contrôlée en soins intensifs.

Une douleur qui en dit plus long qu’il n’y paraît

Un article publié en 2023, qui faisait la synthèse sur la bibliographie disponible sur ce sujet, a examiné comment des structures profondes du crâne telles que le nerf trijumeau et le ganglion sphénopalatin – tous deux connus pour être impliqués dans les migraines, les céphalées en grappe et les névralgies faciales – peuvent jouer un rôle dans ce phénomène.

De plus, de nombreux travaux de recherche ont montré que la réponse douloureuse au froid pourrait révéler une hypersensibilité du système trigéminal, en particulier chez des personnes prédisposées. La prévalence de ce phénomène varie entre 15 et 37 % dans la population générale. Mais elle est nettement plus élevée chez les enfants et les adolescents, chez qui elle atteint des chiffres compris entre 40,6 % et 79 %, selon les données recueillies dans la littérature scientifique.

Une étude clé, menée en Allemagne auprès d’élèves âgés de 10 à 14 ans, de leurs parents et de leurs enseignants, a montré une prévalence de 62 % chez les enfants et de 31 % chez les adultes. Cette différence pourrait s’expliquer par une combinaison de facteurs : l’apprentissage comportemental visant à éviter les déclencheurs de la douleur, une plus grande stabilité neuronale face au froid avec l’âge et des différences anatomiques qui rendent les enfants plus sensibles à une stimulation rapide des récepteurs du froid.

glace sorbet
Une belle portion de brain freeze. // Source : Canva

D’autre part, la douleur provoquée par le froid est étroitement liée aux antécédents de migraine. Les personnes souffrant de ce type de douleur présentent une prévalence comprise entre 55,2 % et 73,7 %, bien supérieure à celle des personnes souffrant de céphalées de tension (23-45,5 %). Une étude a même révélé une prévalence surprenante de 94 % chez les personnes ayant des antécédents de céphalées en coup de poignard. Cela suggère que le brain freeze pourrait servir de marqueur clinique indirect d’une sensibilité trigéminale accrue commune à d’autres céphalées plus invalidantes.

D’autres facteurs de risque ont été identifiés, notamment des antécédents de traumatisme crânien et, en particulier, des antécédents familiaux : les enfants dont les parents souffrent de céphalées induites par le froid présentent un risque significativement plus élevé de développer cette affection. Si la mère en a souffert, le risque pourrait être multiplié par 10,7 et, si c’est le père, par 8,4.

Toutes ces données révèlent que ce qui est souvent perçu comme une simple « douleur due à la glace » est en réalité l’expression de processus neurologiques complexes. Loin d’être banale, cette sensation pourrait aider à mieux comprendre les seuils de douleur et la prédisposition à des troubles neurosensoriels plus larges.

Est-ce que le brain freeze dangereux ?

En général, non. Il s’agit d’un phénomène bénin, qui disparaît spontanément et sans conséquences médicales. Cependant, il existe un cas clinique extraordinaire, publié en 1999 dans l’American Journal of Forensic Medicine and Pathology, où un jeune homme s’est effondré après avoir bu de l’eau très froide. Les médecins légistes ont soupçonné un réflexe vagal extrême comme cause du décès, non pas un brain freeze classique, mais une réponse autonome incontrôlée dans un contexte de chaleur extrême et de prédisposition physiologique.

Cet événement, qui reste isolé, sert davantage à montrer la capacité du corps à réagir de manière drastique à des stimuli extrêmes qu’à susciter une inquiétude concernant les glaces ou les boissons froides.

Comment éviter cette sensation de froid au cerveau ?

La bonne nouvelle, c’est que cette céphalée particulière peut être évitée grâce à quelques stratégies simples.

La stratégie la plus efficace consiste à manger ou à boire lentement. Lorsque nous ingérons des aliments froids à grande vitesse, le stimulus thermique au niveau du palais est trop brusque pour que le corps puisse le compenser à temps, ce qui déclenche la réponse douloureuse.

Il est également important d’éviter que les aliments dont la température est basse entrent en contact direct avec le palais supérieur, car cette zone est très vascularisée et proche du trajet du nerf trijumeau. Utiliser une paille, garder le liquide sur la langue avant d’avaler ou ne pas laisser la glace fondre trop rapidement dans la bouche peut aider.

Et si la douleur s’est déjà manifestée, il existe une astuce simple : appuyez votre langue contre le palais. Ce contact aide à rétablir la température et à soulager la gêne en quelques secondes.

Donc la prochaine fois qu’une cuillère de glace vous gèle le front, rappelez-vous : ce que vous ressentez n’est pas exagéré. Votre système nerveux est juste en train de tester une réaction que les scientifiques tentent encore de comprendre… et peut-être d’exploiter.

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José Miguel Soriano del Castillo, Catedrático de Nutrición y Bromatología del Departamento de Medicina Preventiva y Salud Pública, Universitat de València

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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