Cette semaine, nous vous proposons de revenir sur une œuvre hybride et inclassable, qui aura pourtant marqué son époque de plusieurs manières, avant de disparaître des radars. Mais 12 ans après sa diffusion, elle reste gravée dans le cœur des fans.

L’histoire commence sur l’île de Sentan, un lieu paisible éloigné de la guerre opposant les nations du Nord et du Sud. C’est là que vit Akiyuki Takehara, un adolescent dont les parents vivent séparés. Un jour, le bus qu’il prenait avec ses amis en direction du lycée est la cible d’un attentat. Akiyuki est touché par une étrange lumière qui le transforme en une créature nommée « Xam’d ». Alors que la guerre brise la tranquillité de l’île, Akiyuki est recueilli par l’équipage d’un vaisseau postal. Il y a fait notamment la connaissance de Nakami, une jeune femme qui semble en connaître beaucoup sur les Xam’d…

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© BONES / Sony Computer Entertainment Inc, Aniplex

BONES, les façonneurs d’univers

Xam’d : Lost Memories fut produit par l’un des studios d’animation les plus productifs, qualitativement parlant, des années 2000 : BONES. En effet, ce dernier donna un sérieux coup de fouet au médium avec son viviers d’animateurs virtuoses et de scénaristes inventifs. Grâce à l’adaptation de Fullmetal Alchemist en 2003 évidemment, mais aussi avec de nombreuses créations originales : Wolf’s Rain, Darker than Black, Mars Daybreak, RahXephon, et surtout Eureka Seven de Tomoki Kyoda et Dai Sato en 2005, l’un des animés de méchas les plus importants de ce début du 21e siècle, considéré à tort comme un sous-Evangelion par tout un pan de la sphère otaku.

Trois ans plus tard, le studio BONES va réitérer l’exploit avec un nouvel animé réalisé en partenariat avec Sony. Pas de méchas cette fois mais la parenté avec Eureka Seven est indéniable. Les deux séries ont été conçues dans la même division du studio (qui en compte cinq) avec les mêmes équipes. À commencer par le réalisateur Masayuki Miyaji, assistant de Kyoda sur E7.

Outre cet aspect, les deux titres possèdent de nombreuses similarités : un premier épisode qui fait figure de modèle d’introduction, le voyage initiatique à bord d’un vaisseau, la guerre en toile de fond, les thématiques écologiques et humanistes, le perfectionnisme apporté à la création d’un univers complexe et foisonnant, une réalisation qui met à l’amende la plupart des productions actuelles… Même la seiyû de Renton, Yûko Sanpei, est de la partie en jouant Nakiami dans un registre pourtant complètement différent.

Source : © BONES / Sony Computer Entertainment Inc, Aniplex

© BONES / Sony Computer Entertainment Inc, Aniplex

L’autre influence majeure de Xam’d se trouve chez Hayao Miyazaki. Elle est si marquée que l’on croirait voir une production Ghibli, sans pour autant en être une pâle copie. Le fait que Miyaji ait été l’assistant du « sensei » sur Le Voyage de Chihiro n’est pas anodin. On y croise alors les cousins éloignés des Kodama et un vaisseau ressemblant étrangement au Tiger Moth. Difficile de ne pas voir en Nakiami, un mélange de Nausicaä et San.

La ressemblance est frappante, c’est un fait, mais c’est dans le caractère et la force de l’héroïne que l’on se rapproche le plus du cinéma féministe de Miyazaki. Et ce n’est pas la seule : Haru, Ishû ou Fusa sont toutes des femmes émancipées, plus matures que n’importe quel personnage masculin. On pense notamment au père d’Akiyuki, brillant médecin, mais piètre mari ou Furuichi et le commandant Tôjirô Kagisu, tous deux incapables de comprendre les sentiments d’autrui.

Moins évidentes celles-là, Masayuki Miyaji avait dit lors d’une interview que deux de ses sources d’inspirations était le cinéma de Ken Loach et de Jean-Luc Godard. En effet, ce choix de mettre délibérément en avant les personnages au sein d’un récit ambitieux et de tout de suite créer un lien d’empathie avec eux, rappelle le cinéaste anglais. De la même manière, les nombreuses ruptures et les codes cassés (ici du shônen, notamment via le pouvoir acquis par Akiyuki) rappellent d’une certaine manière ce que faisait le réalisateur de À bout de souffle avec le cinéma traditionnel dans les années 60.

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© BONES / Sony Computer Entertainment Inc, Aniplex

La chevaucheuse de nuage

La série est divisée en deux parties distinctes. Dans la première, nous suivons d’un côté Akiyuki recueilli par l’équipage du Zabandi, un vaisseau postal dirigé par la teigneuse et charismatique Ishû Benikawa. Et de l’autre côté, la vie sur l’île de Sentan où Haru et Furuichi, les amis d’enfance d’Akiyuki, s’engagent dans l’armée. Malgré l’absence de nouvelles, ils attendent le retour de leur ami. Du moins surtout Haru, car Furuichi se renferme de plus en plus sur lui-même, comprenant que son amour pour la jeune femme est à sens unique.

« Peu importe où je me cache, la lueur de l’aube me trouve… Tellement lumineuse que j’ai l’impression de m’y dissoudre. Dedans comme dehors, je suis l’ombre d’Akiyuki. »

Le retour d’Akiyuki à la maison ne se fera pas à bras ouverts. Cette amitié qui semblait inébranlable a disparu au profit d’une haine destructrice. Le 14e épisode, marquant la fin du premier arc, surprend par ses partis-pris. Alors que n’importe quel autre animé aurait réglé cette histoire d’amour à coup de bourre-pifs, l’affrontement prend à contre-pied le spectateur pour le toucher là où cela fait le plus mal : au cœur. Le suicide clôturant l’épisode reste encore aujourd’hui comme l’une des morts les plus brutales vues dans un animé.

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© BONES / Sony Computer Entertainment Inc, Aniplex

Dans son second arc, Xam’d : Lost Memories ressert moins son intrigue et ouvre sur le monde. Malheureusement, la série se perd en chemin aussi. Ainsi, nous suivons bien plus de trajectoires, dont celle de Nakiami qui rencontre un jeune garçon, Yango, lui aussi devenu un Xam’d. Cette sous-intrigue est la plus intéressante de l’arc. Nous découvrons la culture des Tessik, la xénophobie aussi dont ils sont la cible (qui rappellera le traitement du peuple Ishbal dans Fullmetal Alchemist). La relation entre Nakiami et Yango est très touchante, car un lien fort s’installe entre eux. Très renfermée, la jeune femme va peu à peu s’ouvrir au contact du jeune garçon. Jusqu’à cette preuve d’amour absolue lorsqu’elle lui avoue, lors d’adieux déchirants, qu’elle aurait aimé lui donner naissance.

Il est regrettable que Akiyuki ne bénéficie pas du même soin d’écriture. Ne sachant plus quoi faire du personnage, les auteurs décident d’user d’une grosse ficelle scénaristique : l’amnésie. Il est certes question de « mémoires perdues » à la base, mais cela aurait pu être amené avec plus de subtilité pour faire évoluer notre héros. Durant cette seconde partie, la série montre ses limites avec un rythme beaucoup moins bien géré et une écriture globale plus brouillonne. On sent que le scénario a été écrit par quatre personnes différentes. Le climax est particulièrement frustrant tant il est expéditif et la totalité des intrigues n’est pas résolue. Des menus défauts qui empêchent sûrement Xam’d : Lost Memories d’être le chef-d’œuvre qu’annonçait la toute la première partie.

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© BONES / Sony Computer Entertainment Inc, Aniplex

Vous l’aurez compris, Xam’d est une série sous influence, certes imparfaite, mais d’une richesse inouïe, aussi bien visuelle, que narrative. En plus, elle est aussi novatrice grâce à son mode de diffusion à l’époque, précurseur du simulcast. En effet, alors que Wakanim et ADN n’existaient pas encore et que Crunchyroll n’était qu’une plate-forme de partage de vidéos, la série de BONES fut diffusée sur le service de vidéo du PlayStation Network aux USA à raison de 3 à 4 dollars l’épisode.

Malheureusement, la série fut un échec retentissant au Japon avec des ventes sur supports physiques très faibles, empêchant ainsi Xam’d : Last Memories d’avoir la carrière qu’il méritait. Ainsi, la série n’est jamais arrivée en France, du moins de manière légale. Aujourd’hui, le seul moyen de se la procurer est de se tourner vers l’import à des prix exorbitants. C’est donc le moment d’envoyer un message aux diverses plateformes de SVOD : nous voulons Xam’d !

Ci-dessous une vidéo hommage au travail exceptionnel des animateurs comme Gosei Oda ou Hidetsugu Ito :

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