Si Jacques Chirac avait troqué sa Corrèze pour des lunettes 3D, il aurait sans doute eu cette formule pour qualifier le dernier James Cameron : « C’est long, mais c’est beau » ! Le célèbre mème présidentiel apparaît ainsi tout à fait à propos pour qualifier Avatar : De feu et de cendres, avec ses 3 h 17 au compteur, plus long film de la saga à ce stade, et dont la sortie est prévue pour le 17 décembre 2025.
Mais au-delà de la boutade, ce format hors norme pose une vraie question de pérennité. Dans une industrie qui cherche désespérément ses piliers, et alors que les succès au box-office sont volatils, tous les regards convergent vers James Cameron. L’historique patron, de retour trois ans après le raz de marée de La Voie de l’eau, ne joue plus cette fois la carte du come-back providentiel, dans un contexte post-Covid, mais celle de l’installation durable.
Car le gaillard rêve d’installer une épopée cinématographique forte d’au moins cinq films (et peut-être même sept, avec Avatar 6 et 7), qui nous emmènerait peut-être au-delà de la décennie 2030. En attendant, le cinéaste, qui s’est mué en héraut des nouvelles technologies (le recours massif à la motion capture en témoigne, comme le revival de la 3D au cinéma grâce à Avatar), se devait de fixer un nouveau palier à cette délirante ascension. Promesse tenue ? Voici notre avis sur Avatar 3, sans spoilers.
Virtuosité spatiale et débauche visuelle
On pourrait croire qu’après deux films visuellement spectaculaires, on serait moins sensible à l’argumentaire technique dans ce troisième volet, et que les artifices des effets spéciaux fonctionneraient avec moins d’efficacité. Rien n’est plus faux, avec cet Avatar 3. Encore une fois, le cinéaste déploie son talent pour la démesure graphique, et le spectateur restera subjugué par cette troisième plongée au cœur de Pandora.
Une odyssée visuelle soutenue par une lisibilité spatiale remarquable de maîtrise : on n’est jamais perdu sur cette planète, malgré les lignes narratives qui s’entrecroisent et qui se déroulent dans des lieux qui changent en permanence — que l’on accompagne tel héros au-dessus de l’océan, un autre dans les profondeurs marines ou bien que l’on suive une péripétie sur la côte, on sait toujours où on se trouve. Ce qui, pour un film présentant une certaine verticalité, est indispensable face à une caméra toujours en mouvement.

Seule bizarrerie que l’on a perçue au fil du visionnage, dans une salle Dolby Vision et en 3D : malgré une hyper-fluidité de l’image permise par la technique du High Frame Rate (HFR), qui amène le film à avoir une cadence de 48 images par seconde, on avait l’impression que certaines scènes étaient soumises à un taux redescendant à 24 images par seconde — ce qui donnait l’impression de séquences qui « ramaient » quelque peu, sans que l’on sache si c’était une vue de l’esprit, un souci technique de la salle, un parti-pris de James Cameron ou une spécificité de la projection à laquelle on a assisté.
Toujours est-il que cette dissonance technique a eu pour effet de briser ponctuellement l’immersion dans ce tableau de maître. Pas grave en soi, mais un peu gênant.
Mais ces quelques errances perçues ont toutefois été rattrapées par une expérience beaucoup plus intense dans ce troisième volet. James Cameron a semblé oser une expérience encore plus sensorielle : de basses fréquences faisant vibrer physiquement le public lors des chants des cétacés, aux séquences de transe psychédélique au cours desquelles la mise en scène se distord. Ces audaces, notamment les visions mystiques de Kiri, font basculer un peu plus l’œuvre de la science-fiction pure et dure vers une sorte de récit surnaturel et fantastique.

Une famille de feu, et en cendres
Conséquence des cicatrices laissées par La Voie de l’eau, le deuil devient le moteur central de ce troisième opus. Fini le temps de l’exposition émerveillée de la découverte de Pandora, dans le premier film, ou, dans la suite, de la présentation d’un Jake Sully, le héros, dans sa nouvelle vie de Na’vi. Place à la reconstruction douloureuse et imparfaite d’une famille brisée par la perte d’un être cher.
Jake Sully, héros usé et trop faillible, s’enferme dans ses erreurs de commandement et de paternité, face à un fils survivant déboussolé, tandis que Neytiri, son épouse, se mure dans une haine viscérale de l’humain, rendant insoutenable sa cohabitation avec l’orphelin Spider. Et les autres adultes ne font pas forcément beaucoup mieux. Qu’ils soient humains ou Na’vi.

Face à cette impasse parentale, le véritable salut narratif repose désormais intégralement sur les épaules de la nouvelle génération. C’est elle qui détient les clés de Pandora : Kiri, par sa quête mystique, ouvre les portes de la compréhension d’Eywa ; Lo’ak tisse le lien organique avec le vivant. Et c’est surtout Spider qui cristallise tous les enjeux : détesté par celle qu’il voudrait voir comme une mère, écartelé entre son père biologique (Quaritch) et son père de substitution (Jake), il incarne à lui seul une complexité morale que les adultes ne parviennent plus à gérer.
Cette nuance déborde d’ailleurs du cadre familial pour toucher tout le lore de Cameron. De feu et de cendres abandonne un peu plus le manichéisme binaire, qui n’était certes jamais total dans Avatar, même si les deux camps ont toujours été clairement identifiés et opposés, jusqu’à la caricature. On en veut pour preuve l’introduction du clan de Varang, composé de pillards Na’vi cruels et sournois. Preuve que, si chez les humains, tous n’adhèrent pas à la machinerie industrielle qui massacre la faune de Pandora et pille ses ressources, être proche de la nature, comme le sont Varang et les siens, n’immunise pas contre la barbarie.

En définitive, ce troisième film apparaît presque comme un acte de résistance. À l’heure où les formats se raccourcissent pour s’adapter à l’économie de l’attention et au streaming, Cameron persiste et signe avec un format fleuve, encore plus long que les deux autres Avatar, et qui exige l’immersion totale de la salle de cinéma pour profiter pleinement de l’expérience, avec un maximum de technologies visuelles et sonores.
Reste à voir si le grand public, passé l’effet de curiosité du retour en 2022, aura encore l’endurance de suivre le réalisateur dans ses obsessions, ou si la saga atteindra ici son plafond de verre commercial.
Le verdict

Avatar 3 : Fire and Ash (De Feu et de Cendres)
Voir la ficheOn a aimé
- La claque visuelle absolue
- La maturité thématique
- La relève de Spider et Kiri
On a moins aimé
- Le classicisme de la narration
- La durée intimidante
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