Kazutoyo Maehiro l’a affirmé, son jeu n’est ni un remaster, ni un remake. Avec Final Fantasy Tactics: The Ivalice Chronicles, le réalisateur et les développeurs de Square Enix ambitionnent de créer un nouveau Final Fantasy Tactics, pensé comme une réinvention de l’épisode original. Pari tenu ? Voici le test de Numerama.

Final Fantasy Tactics sort initialement en 1997 au Japon sur la première PlayStation, puis un an plus tard en Amérique du Nord. Passée à côté du titre, l’Europe devra attendre 2007 pour jouer à la première réédition du jeu sur PSP : Final Fantasy Tactics: The War of the Lions. Une édition augmentée pour l’occasion avec de nouveaux personnages et de nouvelles classes. Final Fantasy Tactics: The Ivalice Chronicles en fait d’ailleurs l’impasse. Cette version 2025 sortira le 30 septembre 2025, et Numerama a pu la tester avant.

Si Final Fantasy Tactics s’est imposé comme une référence du RPG tactique à la fin des années 90, c’est grâce à son réalisateur de l’époque Yasumi Matsuno. Ce dernier s’inspire du climat politique japonais, notamment de l’éclatement de la bulle économique et des inégalités sociales qui s’ensuivent. C’est dans ce climat d’incertitude que la géopolitique s’immisce par la grande porte dans la licence Final Fantasy.

Avec son histoire complexe et mature, ses personnages engagés et conscients des disparités dans leur société, le jeu porte un regard sur le monde plus perçant que les autres titres de la saga. Mais, presque 30 ans après sa sortie, est-ce que Final Fantasy Tactics: The Ivalice Chronicles conserve son mordant ? La réponse est oui, mais non sans quelques aspérités.

Beau comme un souvenir

C’est évident, et cela, dès les premières minutes : Final Fantasy Tactics reste un jeu du siècle passé. Visuellement, le titre s’en sort plutôt bien, malgré un style simpliste qui ne plaira pas à tout le monde. Timide, la refonte graphique opérée pour cette version HD flatte cependant davantage la rétine que la version originale, d’ailleurs disponible au lancement du jeu, via un simple menu qui propose le mode « Enhanced » et le mode « Classique ».

Ce remaster, qui n’en porte pas le nom, adoucit les textures et lisse l’ensemble. Les décors profitent de jolies lumières et les personnages en SD (Super Déformé) possèdent tous une bonne bouille sympathique, ou à l’inverse, sont rapidement identifiables comme de viles crapules. Les portraits, affichés pendant les bulles de dialogues, aident beaucoup à renforcer la personnalité des protagonistes ainsi qu’à rendre les interactions plus vivantes.

Quant au doublage intégral de qualité qui fait son apparition dans ce remaster (en japonais et en anglais), il renforce l’émotion et s’accompagne d’une excellente traduction française qui en fait autant.

Source : Capture PS5
Les cinématiques ont été refaites pour l’occasion. // Source : Capture PS5

Loin du rendu photoréaliste de Final Fantasy VII Rebirth, qui poussait les curseurs du réalisme à fond les ballons, Final Fantasy Tactics: The Ivalice Chronicles a pourtant pour lui quelque chose que ne possède pas le triple A de Square Enix : l’empathie artistique.

En faisant confiance aux joueuses et aux joueurs pour ressentir plutôt que voir, les développeurs font des personnages simplistes et des décors abstraits des passerelles vers l’imagination. Les yeux voient et le cerveau complète, tout simplement. En un mot, Final Fantasy Tactics est joli comme une peinture impressionniste.

Final Fantasy Tactics  The Ivalice Chronicles 2
Admirez ce beau coucher de soleil. // Source : Capture PS5

Pour le reste, bien que les musiques auraient gagné à être réorchestrées, elles remplissent toujours avec brio leur rôle d’instaurer l’ambiance. Rarement répétitives, les compositions de Hitoshi Sakimoto dégagent une douceur surprenante, tout en sachant, lors des moments plus tendus, instaurer une véritable tension. Et il faut bien cette richesse musicale pour accompagner un scénario à la fois complexe et profondément émotionnel.

Un peu de Shakespeare dans votre J-RPG ?

Comme beaucoup de J-RPG de l’époque, l’histoire de Final Fantasy Tactics: The Ivalice Chronicles est sombre, très sombre. Sous fond de conspiration politique un brin complexe (une encyclopédie et un résumé de l’histoire sont mis à jour au fur et à mesure de l’aventure), le récit dépeint un royaume meurtri, encore vacillant après une guerre trop coûteuse, où des soldats désabusés ont été renvoyés sans solde. Au cœur de ce chaos, Ramza, fils du roi, croise la route de personnages brisés par la pauvreté, la cruauté du pouvoir ou les manipulations de l’Église, tous prisonniers d’un système profondément injuste.

La narration s’appuie sur des personnages profonds et crédibles, auxquels on s’attache sincèrement. À la manière d’un grand roman historique, Final Fantasy Tactics déploie des dialogues ciselés et un scénario d’une rare qualité dans un jeu vidéo. Vous serez régulièrement dupé par les apparences et trompé tour à tour par de faux alliés, de faux ennemis et même par des drames familiaux d’une crédibilité sinistre. Une histoire pleine de bruit et de fureur, pour reprendre Shakespeare, mais qui, cette fois, signifie beaucoup.

Les scénario touchent à des sujets sensibles, et encore d'actualité  // Source : Capture PS5
Les scénario touche à des sujets sensibles, et encore d’actualité. // Source : Capture PS5

Un titre qui porte les marques de son époque

Voilà, Final Fantasy Tactics: The Ivalice Chronicles, c’est tout ça à la fois : un joli tableau épuré, mais vivant, aussi profond que bien exécuté, et qui fera à n’en pas douter l’unanimité chez les joueuses et les joueurs à la recherche d’une histoire fascinante. Mais Final Fantasy Tactics: The Ivalice Chronicles, c’est aussi et surtout un jeu vidéo, et c’est là que le titre de Square Enix risque de diviser.

Le gameplay est entièrement basé sur les combats. En dehors de la carte très sommaire et des boutiques que vous visitez sous la forme de menus, vous ne déplacez jamais votre personnage avec le stick, comme dans un jeu traditionnel. 90 % de l’aventure se déroule en effet dans les phases de combat au tour par tour, qui prennent place sur une grille divisée en cases.

Après avoir choisi vos personnages, vous les déplacez dans ce grand damier afin qu’ils attaquent l’adversaire, de près ou à distance. La topographie des lieux étant très importante, il faudra par exemple réserver les hauteurs aux archers afin de maximiser vos chances de victoire. Faites également attention à votre positionnement par rapport aux ennemis : une attaque dans le dos inflige davantage de dégâts qu’une attaque de face, car vous ne pourrez pas la parer avec votre bouclier. Analyser le terrain est important afin de privilégier certains personnages aux champs de bataille qui leur sied le mieux.

Ilest important de comprendre le terrain avant de placer ces troupes // Source : Capture PS5
Il est important de comprendre le terrain avant de placer ses troupes. // Source : Capture PS5

Il existe en effet de nombreuses classes avec leurs propres compétences et aptitudes, et qui seront plus à l’aise avec certains terrains et types d’ennemis. Chevalier, Mage Blanc, Archer, Voleur, chacune possède ses avantages, inconvénients et spécialités. Pendant les combats, vos personnages gagnent des niveaux, ainsi que des points d’expérience, nécessaires à l’apprentissage de ces compétences. Le système de classes est passionnant, et la possibilité pour les personnages d’acquérir des compétences d’autres classes ouvre un éventail de possibilités presque infini.

Qu’on se le dise, Final Fantasy Tactics n’est pas un jeu insurmontable, grâce notamment à la profondeur de son gameplay, qui vous laisse maître de vos personnages. Pourtant, le jeu m’a fait perdre mon calme à plusieurs reprises, avec un florilège d’insultes inspirées et quelques coups portés à mon canapé innocent.

Les menus sont heureusement clairs et bien conçus // Source : Capture PS5
Les menus sont heureusement clairs et bien conçus. // Source : Capture PS5

Malgré un système à la fois technique et malin, le jeu est souvent injuste et mal équilibré, avec une difficulté qui perd parfois tout sens et une courbe de progression souvent incompréhensible. Pendant plusieurs heures, vous avancerez dans l’histoire sans rencontrer le moindre adversaire redoutable, jusqu’à une rencontre soudaine qui vous fera réaliser que vous venez de franchir un véritable palier de difficulté. Il faudra alors faire des combats (beaucoup) pour gagner de l’expérience (un peu) afin d’être plus fort, ce qui peut prendre des heures.

Vous passerez beaucoup de temps sur la carte // Source : Capture Ps5
Vous passerez beaucoup de temps sur la carte. // Source : Capture PS5

Les ennemis adaptent de plus leur niveau à celui de Ramza, le protagoniste principal, ce qui vous empêche de dominer complètement le jeu, même avec un bon niveau. Le titre de Square Enix exige donc un investissement considérable pour faire progresser vos personnages dans une classe, bien plus que la moyenne du genre, auquel cas, vous foncerez tête baissée vers le game over.

Combattre l’injustice jusque dans le gameplay

Malgré les quelques améliorations au niveau de l’accessibilité et de la difficulté (possibilité d’accélérer les combats, de passer les combats aléatoires, sauvegarde auto), cette version 2025 ne nous ménage pas. La mort permanente de vos troupes rend certains affrontements bien plus difficiles qu’ils ne devraient l’être. Une fois qu’un personnage tombe au combat, vous n’avez en effet que trois tours pour le ressusciter avant qu’il ne disparaisse définitivement. Adieu, votre Mage Noir niveau 30 qui vous aura demandé des heures de leveling, à moins de charger la partie et de recommencer la bataille, ce qui perd en immersion.

Si vous perdez l’un des personnages principaux en revanche, le combat est terminé. La possibilité d’enlever le permadeath, à l’instar de titres comme Fire Emblem: Three Houses, aurait été une excellente idée pour rendre le jeu un peu plus indulgent sans trahir son esprit tactique, quitte à choquer les puristes du genre.

Certains combats ne laissent que peu de choix quant à la tactique à emprunter // Source : Capture PS5
Certains combats ne laissent que peu de choix quant à la tactique à emprunter. // Source : Capture PS5

De plus, Final Fantasy Tactics peut sembler aussi cruel qu’injuste : vos sorts de Vie, essentiels pour ressusciter un allié tombé au combat, peuvent par exemple échouer. Alors même qu’il exige de vous une stratégie impeccable, le jeu n’hésite pas à mettre des bâtons dans vos roues lorsque tout est parfaitement planifié de votre côté. Un seul coup manqué ou un sort raté peut complètement inverser le cours d’un affrontement, transformant une situation maîtrisée en véritable catastrophe.

Heureusement, un mode Histoire est disponible pour celles et ceux qui souhaitent suivre le récit sans trop se prendre la tête, au détriment de la satisfaction et de la fierté d’avoir enfin réussi à battre un boss sans perdre d’alliés. Sachez aussi que certain builds de personnages rendent le jeu bien plus simple, à condition de les trouver après de multiples tâtonnements.

Bon, elle est oùl'action // Source : Capture PS5
L’exemple d’un affrontement pour le moins brouillon. // Source : Capture PS5

Enfin, certains points auraient dû être revus pour faire de cette version The Ivalice Chronicles un jeu moins rigide, notamment sur la souplesse de la caméra, toujours trop limitée dans ses mouvements. Vous ne pourrez en effet que la tourner sur les quatre côtés du plateau, ce qui peut s’avérer particulièrement handicapant lorsque les ennemis sont nombreux, ou les décors trop remplis. Une vue du dessus est bien disponible, mais elle n’arrange que succinctement la clarté globale du terrain.

À une époque où l’on recherche souvent la gratification immédiate dans les jeux vidéo, Final Fantasy Tactics : The Ivalice Chronicles vous invite au contraire à emprunter le chemin de la persévérance. Un chemin fait de nombreuses heures de farming, de customisation de personnages, d’échecs frustrants et de nerfs mis à rude épreuve.

Le verdict

Final Fantasy Tactics: The Ivalice Chronicles // Source : Square Enix
8/10

Final Fantasy Tactics: The Ivalice Chronicles

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Est-ce que Square Enix est parvenu à faire de ce Final Fantasy Tactics : The Ivalice Chronicles une réinvention de l’épisode original ? Loin de là. Ce qui ressemble davantage à une modernisation discrète, presque timorée, polit l’expérience sans jamais la remodeler. Mais c’est peut-être dans cette retenue même que réside sa force : celle de préserver, malgré les années et les nombreux compromis de l’industrie, l’authenticité d’une époque où la création naissait du cœur, avant de se plier aux logiques de rentabilité. Reste une histoire passionnante, racontée de main de maître, dans un titre certes difficile, mais terriblement marquant.
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