Le monde de Hell is Us est le fruit d’une étonnante percussion entre un cadre fictionnel au réalisme glaçant et un récit fantastique où s’insinuent des saillies horrifiques. L’aventure prend formellement place dans le pays imaginaire d’Hadéa, en proie à une terrible guerre civile que l’on pourrait rapprocher du conflit en ex-Yougoslavie des années 1990. On y incarne Rémi, un simili casque bleu qui retourne dans le pays qui l’a vu naître, sur les traces de ses parents.
Rémi va rapidement plonger dans l’horreur et la désolation en découvrant qu’Hadéa n’est pas ravagé que par la guerre — des entités spectrales rôdent partout après un événement cataclysmique qui s’est produit, la Calamité. Par un coup du sort, il met la main sur une arme capable de vaincre ses monstres et va donc s’engager dans une épopée solitaire pour comprendre et mettre un terme à ces terribles événements. Le cadre est posé, et on a bien du mal à se remettre du voyage offert Hell is Us, qui nous avait déjà tapé dans l’œil.
Points forts
- Un univers fascinant
- Une aventure riche, ouverte et passionnante
- Système de combat solide
Points faibles
- Une VF trop plate
- Énigmes inégales
- Un héros pas très charismatique
Le monde de Hell is Us est aussi merveilleux que terrible
Bien que son nom pouvait difficilement envoyer un message plus clair, ce qui frappe dans un premier temps, est la manière franche et crue avec laquelle Hell is Us dépeint ce conflit. Pénétrer à Hadéa revient à découvrir une terre désolée, rongée par les bombes, où ses rares habitants vivent reclus, terrifiés par les atrocités commises par l’armée ennemie et par ces entités mystérieuses qui rôdent, impassibles. En visitant ces hameaux, ces maisons en ruines, ces villes et villages en partie calcinés, portant les cicatrices encore vives des combats, on est saisi par l’effroi et écrasé par un profond sentiment de désespoir. Soldat ou civil, au fil de dialogues statiques, chaque PNJ croisé nous rappelle constamment la violence et la dureté de ce contexte percutant.

Et c’est par-dessus que vient se poser un voile mystico-fantastique. Comme pour appuyer ce contraste narratif audacieux, les monstres qui hantent Hell is Us sont des formes tantôt humanoïdes, tantôt animales, d’une blancheur éclatante, étrangement immaculée, et aux mouvements amples et saccadés. Ils grouillent un peu partout comme le feraient les innommables atrocités d’un Silent Hill et donnent au jeu des atours de survival-horror. Leur présence permet surtout de faire dériver le récit vers le fantastique en les reliant à un lore d’une densité impressionnante et qui remonte à la nuit des temps (c’est sans doute le moment où l’on aurait envie de convoquer H.P. Lovecraft).
Spectaculaire, épique, glauque, terrifiant, merveilleux, étouffant, subjuguant
Cette entaille scénaristique dans le réalisme étouffant de Hell is Us entraîne l’aventure vers des temples endormis, des donjons ancestraux cachés dans les entrailles de cette terre ravagée. Au fil du jeu, on passe ainsi de l’exploration d’un complexe scientifique ultra-moderne à une prison millénaire qui semble sortie d’un cauchemar de Fumito Ueda (ICO, Shadow of the Colossus, The Last Guardian…), en passant par une ville engloutie dans les fumées orangées d’un incendie qui l’encercle. Grâce à son cadre narratif à deux facettes, Hell is Us s’autorise des ricochets constants entre survival-horror contemporain et exploration à la Dark Souls. Ce mariage fonctionne étonnamment bien et assure une variété des décors et des situations vraiment remarquables. Il tient surtout grâce à une direction artistique à tomber par terre.
Si le jeu n’est sans doute pas la plus étincelante démo technique d’Unreal Engine 5 que l’on ait vue, d’un point de vue esthétique et créatif, il enchaîne claque sur claque. C’est spectaculaire, épique, glauque, terrifiant, merveilleux, étouffant, subjuguant. Et, surtout, toujours surprenant. Cette atmosphère si singulière est en outre portée par des musiques électroniques fabuleuses qui envahissent et distordent l’espace sonore pour distiller une angoisse et une tension palpables. Dommage que les doublages français ne soient pas au niveau. Monotones, souvent mal interprétés… : ils cassent un peu trop l’ambiance.

On adhère à la DA d’Hadéa
Hadéa est divisée en une dizaine de régions à explorer que l’on débloque au fil de notre aventure et de nos découvertes. À l’issue d’un prologue qui annonce très bien la couleur, Rémi récupère un véhicule blindé léger qui lui permet de circuler entre ces niveaux indépendants et très ouverts où nous attendent souvent des enjeux différents. Le game design de Hell is Us cherche à combler un vide entre les open worlds AAA modernes et leurs icônes et quêtes fléchées à tout-va, et les soulslike mystérieux et labyrinthiques où l’histoire se raconte parfois dans la description d’un simple objet trouvé au fin fond d’un donjon lugubre. Il crée donc une progression plus naturelle via un système de collecte d’indices qui viennent s’accumuler dans un petit ordinateur de poche que l’on peut consulter à tout moment. Rogue Factor reprend à son compte certaines belles idées d’Outer Wilds pour créer cette sensation de mener une véritable enquête de terrain et de voir le puzzle narratif s’agencer peu à peu.

Bien que les designers de Rogue Factor ne nous lâchent jamais vraiment la main, on a une vraie sensation d’exploration solitaire qui rappelle, une fois encore, les productions FromSoftware, mais dans une version édulcorée, volontairement moins brumeuse. La tentation de classer Hell is Us en vulgaire soulslike est d’ailleurs très grande, ne serait-ce que par ses réflexes de level design qui s’amusent à créer des méandres interconnectés (même si certains niveaux tiennent beaucoup plus du survival-horror des années 1990). Et bien sûr, il y a ce système de combats au corps-à-corps. Malgré la contemporanéité du jeu, seules des armes spéciales, « lymbiques », permettent de blesser et tuer les monstres. L’arsenal file alors vers un classique combo d’épées, de hache et de lance, typique du genre. On esquive, on pare avec le bon timing pour étourdir l’ennemi… Le bestiaire n’est pas particulièrement développé, mais les affrontements procurent d’excellentes sensations grâce à un sound design détonnant et une certaine profondeur induite par des pouvoirs que l’on peut lier à ses armes (par le biais de glyphes) et au petit drone qui nous accompagne (qui peut gagner lui aussi des compétences utiles au combat, comme se fixer sur notre dos pour accélérer nos mouvements).
Mais Hell is Us s’éloigne radicalement de la formule classique des soulslike par son âpreté. Les combats savent être tendus, sans jamais sombrer dans le punitif par un simple détail : il n’y a pas de réapparition des ennemis en cas de game over (et pas de simili feu de camps non plus). Ils intègrent également une mécanique de récupération de vie dans un principe qui rappelle un peu Bloodborne. À chaque coup, les monstres dégagent une substance que l’on peut aspirer pour récupérer un petit pourcentage de points de vie. En jouant bien (ou pas trop mal), il est possible de se soigner constamment et se sortir des pires situations même sans kit de soin.

Hell is Us se veut plus abordable, ce qui a une incidence sur l’exploration à laquelle on s’adonne bien plus volontiers et c’est une très bonne chose tant le jeu regorge de mystères à découvrir. C’est d’ailleurs l’une de ses spécificités : en parallèle de son axe principal, il propose des quêtes annexes (souvent des PNJ qui ont besoin d’un objet spécifique perdu quelque part) et une myriade de coffres cachés et de salles secrètes parfois très complexes à atteindre. Dans la lignée des premiers Silent Hill et Resident Evil, Hell is Us adore mettre sur notre route des puzzles et énigmes à base de codes, de clés et de poèmes cryptiques. Dans certaines régions, la proportion de puzzles dépasse même celle des combats. Ils sont de qualité inégale, mais certains savent donner l’illusion que l’on est très intelligent. C’est surtout dans son contenu subsidiaire que le jeu s’autorise à rendre ses indices plus complexes et ses énigmes tortueuses, au point qu’un petit calepin ne sera pas de trop par moment. Celles et ceux qui auront à cœur d’en percer tous les secrets auront donc de quoi faire en complément d’une aventure déjà très généreuse et bourrée de surprises stupéfiantes.
Le verdict

Hell is Us
Voir la ficheOn a aimé
- Un univers fascinant
- Une aventure riche, ouverte et passionnante
- Système de combat solide
On a moins aimé
- Une VF trop plate
- Énigmes inégales
- Un héros pas très charismatique
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