Cela fait plus de 15 ans que je travaille sur le web et près de 10 ans que Maxime Claudel est le journaliste spécialisé jeux vidéo de Numerama. En 10 ans, j’ai pu voir à quel à point Maxime était un joueur passionné et exigeant, qui sait rendre compte de l’expérience d’un jeu avec neutralité et professionnalisme.
En 15 ans, j’ai aussi vu et revu la même mécanique déplorable venant d’une partie de la communauté « gamer » : ne soyez pas d’accord avec moi, et vous serez une cible à abattre. Cette vague de haine touche souvent des individus. Plus rarement, il touche les médias, cibles faciles d’un populisme bas du front, qui dirait que notre rigueur est de la jalousie, de la rancœur ou une incapacité à faire notre travail (pas assez bon, pas assez fort, pas assez passionné…).
Avec le test du jeu français Clair Obscur: Expedition 33, cette vague de harcèlement initiée par quelques comptes sur X et YouTube touche aujourd’hui notre rédaction et notre journaliste Maxime Claudel. Comme nous ne rentrerons pas dans cette passe d’armes sur les réseaux sociaux, il m’a semblé nécessaire de publier une réponse.
Mea culpa : c’était pas 6
D’abord, j’aimerais vous dire qu’une partie de cette histoire est de ma faute. J’ai relu le texte de Maxime avant publication et, comme je n’ai pas beaucoup d’amour pour le système de notes (je l’avais même tué au reboot de Numerama en 2015), je n’ai pas fait attention à celle qu’il avait mise au jeu. Et pourtant j’aurais dû, parce que le corps du texte est plus élogieux que le score final de 6/10 attribué. S’il fallait s’en convaincre, rappelons quand même que le titre de l’article commence par « un accomplissement majeur », ce qui n’est pas un mince éloge, d’autant plus sous la plume de Maxime qui distribue les compliments avec parcimonie.
Si je l’avais vu, j’aurais discuté avec Maxime de sa note, comme on le fait souvent, en lui demandant s’il n’avait pas été trop sévère. Je n’ai pas joué au jeu, je ne suis donc pas influencé dans ces discussions : je me base exclusivement sur ce que je lis dans la production de nos rédacteurs. Comme nous testons les jeux sous embargo, presse et vidéastes n’ont pas encore publié leur note : nous ne sommes pas non plus influencés par les autres, dans un sens ou dans l’autre.
Cette discussion, nous l’avons eue après la sortie du test, le 29 mars pour être exact, et lui comme moi, nous nous sommes dits que nous étions en réalité bien plus en phase avec un 7/10 qu’un 6/10. Mais impossible de faire cela en douce : la vague de cyberharcèlement de Maxime avait commencé et nous ne pouvions pas changer une note comme ça, après coup, sans rien dire. Cela aurait donné raison aux cyberharceleurs : la violence ne doit pas influencer nos idées.

Aujourd’hui, cette décision a été prise et nous ne la regrettons pas. Le contenu de notre test décrit un 7/10, ce qui est une excellente note et non un 6/10 où, en s’approchant du 5, on entre dans la catégorie des jeux moyens. Clair Obscur: Expedition 33 aura donc 7/10 sur Numerama.
J’ai de mon côté bien retenu la leçon : je veillerai à vérifier que les notes finales correspondent au ressenti réel de la personne qui les met. Ces erreurs arrivent, mais au fond, dans un monde normal, elles se règlent en une demi-discussion entre adultes bienveillants. Dans celui du gaming, il faut qu’elles déclenchent une vague de haine.
Monétiser la haine, sport national de la communauté gamer
Cela étant dit, je me permets aussi de confirmer que nous ne retirerons pas une ligne du test écrit, même si je doute que ce soit l’objet des harceleurs qui ne l’ont visiblement pas lu. D’une part, parce que contrairement à ce que l’on pourrait penser, Maxime est loin d’avoir inventé ses reproches ou d’être le seul à les formuler. On trouve par exemple, sur les mécaniques punitives au niveau des esquives et des parades, l’exacte même critique chez James Stephanie Sterling. D’autre part, parce que Maxime n’est jamais contre une discussion sur un jeu vidéo : il en a eu des tas sur Clair Obscur depuis sa sortie, avec de nombreux spécialistes du secteur, qui le rejoignent sur une bonne partie de ses critiques (et ont un avis différent sur d’autres, formulé avec humanité, comme l’ont fait certaines personnes sur les réseaux sociaux et qui est tout à fait acceptable).
Et Maxime, qui est un grand fan des jeux les plus hardcore que cette Terre ait portée (Dark Souls and co), contrairement à ce qui a été vainement raconté, ne manque pas de skill. Il a simplement la capacité de faire la différence entre un jeu aux mécaniques difficiles et un jeu aux mécaniques inutilement punitives. Et c’est précisément l’objet d’une recommandation, qui est au fond tout le sens d’un test : est-ce que ce jeu est fait pour moi, si je n’aime pas être inutilement puni ?
En lisant le test de Maxime, à titre personnel, je sais que je ne toucherai pas à Clair Obscur: Expedition 33. Pas parce que c’est un mauvais jeu, mais parce que je ne suis pas adepte de ces mécaniques de gameplay. Pour vous dire à quel point je les déteste : je n’ai pas terminé Zelda TOTK, car le dernier boss me rend dingue. Vous l’avez trouvé facile ? Tant mieux pour vous, nos deux expériences reflètent simplement le spectre large des joueurs de jeux vidéo.
Et comme j’adore les jeux de combat au tour par tour, j’aurais pu me laisser séduire si je n’avais pas eu vent de ces mécaniques de parade à timer. Parades qui sont tout sauf optionnelles, contrairement à ce que dit le menu du jeu et qui est l’essence même de la critique de Numerama : le mode « normal » est mal vendu par les développeurs et le mode histoire devient trop facile. L’entre-deux n’existant pas, Maxime formule ces critiques avec justesse.
Oui, Maxime est un joueur exigeant. Il ne se satisfait ni de la nostalgie, ni de la pression médiatique ou sociale, ni d’une DA différente, ni des gimmicks à la mode du moment et encore moins des défauts de gameplay, auxquels il fait particulièrement attention. Il utilise aussi l’étendue des notes disponibles, qui vont de 0 à 10 et pas seulement la caricature du « 8 (mauvais), 9 (bon), 9,5 (excellent), 10 (GOTY) », comme beaucoup de testeurs. Et en cela, nous le soutenons.
À retardement, dans quelques mois, quand cette frange nauséabonde du gaming sera passée à autre chose et que la hype sera retombée, il suffira de relire le test de Maxime à tête reposée. Alors, on se posera calmement la question : avait-il tort au point de susciter autant de haine et de violence ?

Quoi qu’il en soit, malgré des années à présenter le jeu vidéo comme mature, industrialisé, s’adressant à des publics de plus en plus larges et des cibles de plus en plus diverses, une frange de la communauté gaming ne change pas. Ni ses méthodes, ni ses habitudes, ni sa violence. Il serait temps, enfin, de grandir.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.

Toute l'actu tech en un clin d'œil
Ajoutez Numerama à votre écran d'accueil et restez connectés au futur !
Marre des réseaux sociaux ? Rejoignez la communauté Numerama sur WhatsApp !